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Réforme des études de santé : l’accès à Pharmacie doit être privilégié !

Par Jean-Louis Beaudeux, Doyen de la Faculté de pharmacie de Paris, Université Paris Cité, Président honoraire de l’Académie nationale de Pharmacie

La mise en place du système PASS/LAS d’entrée dans les études de santé en 2020 a été très critiquée par les universités (1), les instances académiques (2) et la Cour des Comptes (3).

La diversification de la population étudiante entrant en études de santé n’est pas au rendez-vous. La complexité du système mis en place conduit à une perte de visibilité des filières de santé, notamment les études de Pharmacie, et une perte de lisibilité des moyens d’accès…

Le PASS ? les LAS ? les voies d’admission directe ? les chemins d’accès se veulent multiples mais sont en fait labyrinthiques et toujours dominés par la suprématie de la Médecine. Suprématie en nombre mais aussi dans l’inconscient collectif des familles, des psychologues de l’Education Nationales censés conseiller les bacheliers et des autorités (y compris ministérielles) qui confondent encore allègrement « Entrée en études de Santé » et « entrée en études de Médecine »… Et cela, 15 ans après l’instauration de la PACES (Première année Commune d’entrée en Santé). Tout cela vient s’ajouter à une perte d’attractivité des métiers de Santé, dont la Pharmacie, pour laquelle les contraintes (responsabilités, part administrative dans l’activité, temps de travail…) sont de moins en moins en phase avec les conditions d’exercice professionnel actuel des jeunes professionnels.

Pour Pharmacie, le système PASS/LAS aura été la double peine. La voie de formation universitaire vers les métiers de la Pharmacie a été noyée dans la PACES dès 2010, créant de fait une compétition entre l’accès en Médecine et, pour les moins bons, l’accès en Pharmacie : quand on est bien classé, on fait Médecine, c’est une évidence !

Les promotions d’étudiants en pharmacie aujourd’hui sont pour partie faites de candidats refusés en Médecine ne voulant pas perdre le bénéfice de leur(s) année(s) de sélection pour entrer en médecine. Qui plus est, les étudiants voulant devenir pharmaciens mais moins bien classés se font prendre les places par ces déçus de médecine ! On en arrive même à refuser des étudiants qui veulent faire Pharmacie mais qu’on ne peut pas inscrire du fait de la complexité et de la rigidité du système PASS/LAS ! Après la diminution quantitative du nombre d’étudiants observée ces 4 dernières années (au total, 2000 places sont restées vacantes au niveau national), on assiste à un déficit qualitatif des promotions, préfigurant de futurs professionnels moins appétants pour leur métier, et donc in fine moins pro-actifs sans le parcours de soin du patient

Une évolution de la réforme d’entrée dans les études de santé (EREES) est en préparation. Il est impératif qu’elle réponde aux attentes de la Profession, quel que soit le mode d’exercice du futur pharmacien (officine, industries des produits de santé, milieu hospitalier, biologie médicale, recherche en santé) et en accord avec les Facultés de Pharmacie qui les forment. Ces dernières demandent depuis plusieurs mois la possibilité d’expérimenter une entrée privilégiée dans les études de Pharmacie à partir de Parcoursup, qui serait complémentaire d’une première année d’entrée en Santé revue et améliorée. Cet accès spécifique à Pharmacie aurait l’avantage de « capter » les bacheliers déjà décidés à s’engager dans une formation aux métiers de la Pharmacie, sans concurrence des autres filières de santé. Les étudiants issus de cette voie spécifique expérimentale rejoindraient ensuite les étudiants ayant choisi la filière Pharmacie à l’issue de la première année de santé qui remplacera PASS/LAS. Le déficit d’étudiants en pharmacie que les Facultés ont connu ces dernières années, la pénurie de pharmaciens en exercice qui crée des déserts pharmaceutiques méritent que l’on teste cette voie d’entrée en études de Pharmacie : il en va du maintien de la territorialité de la Profession, de la place grandissante du pharmacien dans le parcours de soin et donc du service rendu aux patients. Cette expérimentation, assortie d’une évaluation à 5 ans est soutenue par les Conférences des doyens des autres filières de santé, par les organisations professionnelles les plus représentatives et par les Académies nationales de Pharmacie et de Médecine, dont le rapport (4) publié il y a quelques jours synthétise les problématiques d’attractivité des études de pharmacie et propose 9 recommandations pour restaurer, chez les lycéens, l’envie d’exercer des nombreux métiers de la pharmacie et, en premier lieu, le service officinal de proximité pour la population. 


1. Communiqué de la Conférence des Doyens des Facultés de Pharmacie du 8 octobre 2024, « Face aux écueils de PASS/L.AS, les Doyens de Pharmacie souhaitent à nouveau maîtriser leur mode de recrutement des étudiant.es ».

2. Communiqués de presse de l’Académie Nationale de Pharmacie du 15 juillet 2025, 11 octobre 2024, 11 septembre 2023 et 26septembre 2022.

3. Cour des comptes, « L’accès aux études de santé. Quatre ans après la réforme une simplification indispensable ». Rapport du 11 décembre 2024, 149 p.

4. Rapport bi-académique Médecine -Pharmacie sur l’attractivité des études de Pharmacie, octobre 2025.

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