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Les médicaments à l’unité ?

Faut-il aller vers la vente des médicaments à l’unité ? La cour des comptes s’est penchée sur la question. Pour les magistrats, cette mesure qui existe déjà mais de façon marginale ne doit pas être forcément généralisée mais ciblée.

En France, les médicaments sont conditionnés et distribués au public en boîtes contenant plusieurs doses, contrairement à d’autres pays, notamment européens, où ils sont délivrés à l’unité, c’est-à-dire en quantité strictement égale à celle prescrite. Cette réalité est régulièrement interrogée, suffisamment pour que la cour des comptes se penche sur la question. Y aurait-il une piste d’économie en optant pour une généralisation de la vente des médicaments à l’unité ? Aujourd’hui en France, toute la chaîne pharmaceutique de la fabrication du médicament à la remise au patient en passant par la répartition entre les officines, est organisée en fonction de la boîte. Or, le reliquat d’un médicament comporte des risques (automédication, pertes financières, pollution…) avec des dommages afférents en termes financiers, de santé et de protection de l’environnement note la cour qui admet que « la délivrance à l’unité peut donc être un moyen de remédier à ce gaspillage ».

La cour rappelle d’ailleurs que la délivrance à l’unité existe en France mais de façon « marginale ». Elle l’est dans les établissements de santé. Dans les officines en ville, elle est obligatoire « de longue date » pour la vente de produits stupéfiants (produits à risque d’addiction, anti-douleurs puissants…) et, depuis 2024, pour la vente de produits soumis à des difficultés d’approvisionnement lorsque les autorités sanitaires le décident. Et depuis 2022, elle est autorisée pour la vente d’antibiotiques, « pour lutter contre le gaspillage et l’antibiorésistance ». Reste que ces délivrances à l’unité n’ont représenté, en 2024, que 0,08 % des dépenses de médicaments délivrés en ville. « Les difficultés matérielles de mise en œuvre au comptoir, de gestion des reliquats des boîtes et de tarification n’incitent pas les pharmaciens à la pratiquer en dehors des cas où elle est obligatoire » expliquent les magistrats. Ils notent par ailleurs qu’« un certain nombre d’officines se sont spécialisées dans la préparation de piluliers ou de sachets, le plus souvent hebdomadaires pour les résidents d’Ehpad. Cette pratique appelée « préparation des doses à administrer » constitue la forme majoritaire de la délivrance à l’unité en France mais elle n’est pas encadrée par les pouvoirs publics » ajoutent-ils.

Pour autant, la cour reste dubitative sur l’intérêt d’aller plus loin encore dans la délivrance à l’unité. D’abord parce que seuls les médicaments sous forme orale sèche (comprimés et gélules) et destinés aux traitements aigus, de courte durée pourraient être concernés par cette pratique, ce qui représenterait 52 % du nombre de boîtes de médicaments vendues en officine et 15 % de la dépense de médicaments délivrés en ville (soit un ordre de grandeur de 4,5 Mde). Toutefois, selon une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), délivrer les antibiotiques à l’unité permettrait de diminuer les quantités vendues de 10 % et un gain d’économie possible de 450 Me, montant dont il faudrait soustraire les coûts induits par une généralisation de cette pratique précise tout de même la cour. Pour les magistrats, la délivrance à l’unité « bouleverserait l’ensemble de la production et de la distribution des médicaments ». « Les coûts d’une telle transformation, tant en termes d’investissements que de moyens humains supplémentaires, seraient élevés et de nature, selon les médicaments, à annuler les gains issus de la réduction des quantités délivrées. L’intérêt strictement financier d’un tel changement n’est donc pas assuré » écrivent-ils sans pour autant minimiser les avantages de la délivrance à l’unité (risques pour les patients et pour l’environnement, gaspillage, réduction des tensions en cas de difficultés d’approvisionnement).

Si pour la cour, cette pratique ne constitue pas un levier décisif pour réduire les dépenses de santé, elle mérite d’être « facilité et sécurisée » dans certains cas admet la cour, mais en l’associant à d’autres mesures. La vente à l’unité devra être limitée aux seuls médicaments en pénurie ou en rupture et à ceux qui ont un coût très élevé. Elle demande aussi aux industriels d’adapter leur conditionnement à la durée moyenne d’un traitement. 

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