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Vers un désert pharmaceutique ?

Un répit. Les pharmaciens ont obtenu un sursis sur la baisse annoncée de la rémunération sur les médicaments génériques. Mais l’inquiétude reste grande et la peur d’un désert pharmaceutique très présente.

Les négociations entre le premier ministre Sébastien Lecornu juste avant sa démission avait acté le fait qu’un délai était accordé sur le déremboursement des médicaments génériques. Le protocole d’accord suspendait l’arrêté du 4 août 2025 abaissant le plafond des remises sur les médicaments génériques de 40 % à 30 % et même 20 % d’ici à 2027. La mesure avait été très mal accueillie par la profession qui jugeait que cela allait provoquer des fermetures en nombre d’officines. Les pharmaciens estiment avoir joué le jeu en mettant le générique en avant en contrepartie de quoi il leur était accordé une remise importante. Or, ce « geste commercial » entre très largement en ligne de compte dans leur chiffre d’affaires. Selon les syndicats, les génériques peuvent aller jusqu’à représenter plus de 30 % de leur excédent brut d’exploitation. En résumé : moins de remise, c’est moins de marges et moins de revenus. Et donc pour certains, la clé sous la porte. Les prévisions les plus alarmistes parlent de 6000 fermetures.

Au 1er janvier 2025, on compte 75 080 pharmaciens inscrits à l’Ordre (+1,2 % par rapport à 2023, et de 2,7 % en dix ans). « Après une courte période de stabilité, c’est la deuxième année consécutive où le nombre d’inscriptions au tableau de l’Ordre augmente » se réjouit Carine Wolf-Thal, la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. La tendance générale est aussi au rajeunissement des pharmaciens. La diminution de l’âge médian (de 47 à 45 ans) ainsi que l’élargissement de la base de la pyramide des âges entre 2014 et 2024 « témoignent des prémices d’un renouvellement générationnel ». A noter encore que deux tiers des pharmaciens en activité sont des femmes.

Pour autant, ces chiffres ne masquent pas certaines difficultés. En 2007, la France comptait sur son territoire 24 000 officines ; en 2024, le nombre d’officines continue de baisser (–260) pour s’établir, au 1er janvier 2025, à 20 242 sur l’ensemble du territoire. Le nombre de titulaires d’officine enregistre une légère diminution (–1,3 % en 2024 dans l’Hexagone). En moyenne, chaque année depuis 2007, 156 officines baissent le rideau et depuis 2015, on parle même de 211 fermetures par an en moyenne. « Les derniers chiffres disponibles sont encore plus inquiétants : on parle de plus de 260 fermetures en 2024, soit exactement une fermeture par jour ouvré » s’inquiète dans Le Figaro, Lucie-Hélène Pagnat, directrice générale de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo). Une tendance qui inquiète alors que les nouvelles missions en officine sont en plein essor et que l’on demande toujours plus aux pharmaciens.

Si aujourd’hui avec 30 officines pour 100 000 habitants, la densité de pharmacies en France se situe dans la moyenne de l’OCDE, la répartition n’est pas la même partout. Les chiffres de l’Insee montre que le nombre de fermeture est bien plus important en zone rurale qu’en zone urbaine. Le rythme annuel moyen des fermetures d’officines a été quasiment multiplié par cinq dans les bourgs ruraux entre les périodes 2015-2019 et 2019-2021 contre seulement par deux dans les zones urbaines. Tout est lié : désert médical et désert pharmaceutique. La fermeture d’un cabinet médical peut entraîner la fermeture à plus ou moins long terme d’une pharmacie. Sans médecin puis sans pharmacie, le patient est contraint de faire des kilomètres pour se faire soigner. Une double peine. « Les déserts médicaux ont un impact direct sur les pharmacies. Si vous n’avez plus de prescripteur voisin de votre officine, le passage de la population diminue, de même que l’opportunité d’accompagner celle-ci sur le plan sanitaire, suite notamment à la délivrance d’une ordonnance du médecin. Les déserts médicaux génèrent une fragilisation croissante du réseau officinal, tout comme certains regroupements d’officines dans les zones urbaines qui s’opèrent souvent au détriment des pharmacies situées en zones périurbaines et rurales » explique Lucie-Hélène Pagnat.

Pour les pharmaciens, la proximité est primordiale. Ici ou là, la pharmacie est souvent vécue comme la porte d’entrée du système de santé, le premier contact avec un professionnel de santé. Il est important de veiller à préserver ce réseau s’accordent à dire les pharmaciens bien décidés à faire valoir leurs revendications. 

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