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Les mesures du lutte contre les déserts médicaux “coûteuses et inefficaces” selon la Cour des comptes

Face aux déserts médicaux et à une démographie médicale en baisse, les pouvoirs publics n’ont eu de cesse de chercher la bonne solution, multipliant souvent les propositions et les mesures sans concertation. A la suite d’une demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes a examiné ces aides à l’installation des médecins (1). Aides qui pour beaucoup se juxtaposent.

La cour des comptes a dénombré pas moins d’une quinzaine d’aides différentes (en termes de conception, de gestionnaires, des zones où elles s’appliquent) qui « se juxtaposent » : aides accordées aux jeunes médecins (ou aux étudiants en médecine) pour qu’ils s’engagent à s’installer et à rester dans des territoires manquant de médecins (« zones sanitaires »), exonérations fiscales portant sur les bénéfices non commerciaux (BNC) des médecins libéraux. Mais souvent, pointent les magistrats, les zones d’éligibilité à ces aides, telles que les zones franches urbaines (ZFU) et les zones France ruralités revitalisation (FRR, ex-ZRR), ne coïncident pas nécessairement avec les zones sanitaires définies. Aussi, pour la cour, « le nombre des divers régimes d’aide et leur absence de cohérence les rendent peu compréhensibles et opaques », ce qui entraîne leur méconnaissance de la part des jeunes médecins en phase d’installation, leur utilisation par un nombre restreint de bénéficiaires (à l’exception des aides accordées par la Cnam) et des coûts de gestion élevés au regard des montants versés.

Le coût justement. L’ensemble des aides accordées par l’État et par l’assurance maladie pour faciliter l’installation des médecins, en cours de réalisation ou à venir (cas des étudiants qui perçoivent une aide pour qu’ils s’installent ultérieurement dans les zones sanitaires), a représenté en 2023 un montant de dépenses publiques d’environ 205 Me pour 17 000 bénéficiaires, médecins ou étudiants (2). A noter encore que seuls 3 000 médecins, dont 2 280 généralistes et 720 autres spécialistes, « ont bénéficié de près de 60 % de l’ensemble des aides fiscales et de la Cnam ». Une concentration contestable.

Par ailleurs, de nombreuses études statistiques (Drees, Insee, Cnom) s’accordent pour relever le rôle marginal d’une aide financière à l’installation dans un territoire sous-dense en médecins par rapport à d’autres paramètres de choix comme la qualité de l’environnement professionnel, la présence de services publics locaux (crèches, équipements sportifs, culturels, etc.) ou la possibilité pour la conjointe ou le conjoint de trouver un emploi à proximité. Des facteurs qui pèseraient davantage dans les décisions d’installation que les avantages financiers. Finalement, « l’efficacité des aides n’est pas démontrée et ne répond que partiellement aux critères de choix des médecins pour décider de leur lieu d’exercice » écrit la cour. « Les objectifs et modalités d’application des aides à l’installation des médecins sont donc à revoir » ajoute-t-elle préconisant la suppression de « toutes les aides fiscales à l’exception de celle applicable aux revenus de la PDSA (permanence de soins ambulatoires, NDLR), et les aides peu utilisées ». Les magistrats notent aussi que l’offre médicale dans les zones sous-denses doit s’apprécier en tenant compte aussi de l’exercice salarié devenu majoritaire, toutes spécialités confondues, dans les établissements de santé (actes et consultations externes) et les centres de santé mais aussi les maisons de santé pluridisciplinaires. Structures qu’ils souhaitent voir se développer.

La cour plaide évidemment pour une rationalisation et une simplification de l’éventail des aides de l’État, de l’assurance maladie et des collectivités territoriales, « en organisant une concertation entre ces financeurs, de manière à établir des schémas concertés d’intervention en matière d’installation de médecins libéraux puis à organiser des appels à manifestation d’intérêt conjoints en vue d’attribuer les aides ». « Une telle coordination pourrait être organisée à l’échelle des départements » précise le rapport. La cour veut aussi limiter à dix ans la durée de perception de l’aide versée au titre du contrat d’engagement de service public (CESP). Elle demande aussi que le respect de l’engagement d’exercice et de sa durée en zone sous-dense des médecins ayant bénéficié de cette aide pendant leurs études soit contrôlé. 


(1) Les aides à l’installation des médecins libéraux - Recentrer les aides sur les besoins en santé de la population – communication à la commission des affaires sociales du Sénat.

(2) 15 000 médecins et à 2 000 étudiants en médecine. Une moitié de ces aides a été attribuée au titre des zones sanitaires et l’autre au titre des zones économiques.

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