“J’ai souhaité ce déplacement sur cette question d’accès aux soins, parce que c’est une préoccupation majeure, absolue de nos concitoyens” a expliqué le 13 septembre dernier à Mâcon (Saône-et-Loire), le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu qui a assuré « mesurer les attentes » des Français en matière d’accès aux soins. Le Premier ministre a ainsi annoncé la mise en œuvre d’un réseau de maisons « France santé » d’ici à 2027. « On doit avoir une offre de soins de proximité par bassins de vie (au minimum) et donc globalement quelque chose autour de trente minutes autour de chez vous » a-t-il détaillé estimant à 5 000 le nombre de ces maisons a à installer. Selon les données du ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, on en comptait 2 501 fin décembre 2023. Ce réseau sera conçu sur le principe des maisons « France services » sui proposent un guichet unique pour diverses démarches administratives. Les services du premier ministre ont précisé que ce réseau vu comme une « priorité absolue » par le Premier ministre devra être inscrite dans les projets de budgets de l’État et de la sécurité sociale pour 2026.
Au-delà de cette première annonce, les discussions tournent surtout autour du prochain PLFSS et des économies à envisager sir l’on veut (tenter de) sortir les comptes de la sécurité sociale du rouge avec un déficit toujours plus abyssal (16 milliards d’euros attendus en 2025, 20 milliards pour 2029).
« Nous pouvons être fiers de notre système de santé. Mais si nous ne faisons rien, les dépenses de l’Assurance maladie augmenteront de dix milliards d’euros dès l’année prochaine » expliquait mi-juillet, François Bayrou, alors Premier ministre. « Nous proposons de limiter cette hausse de moitié et de faire un effort d’économies de 5,5 milliards d’euros ». Pour atteindre ces économies, le gouvernement faisait le pari de mesures fortes qui sont à l’heure où nous écrivons sont encore en réflexion.
S’appuyant sur le rapport « Charge et produits » de l’Assurance maladie publié en juin dernier mettant en garde contre l’augmentation des dépenses liées aux « Affections de longue durée » (ALD), le gouvernement entendait faire bouger les lignes et espérait pouvoir trouver là un gisement d’économies. La prise en charge à 100 % des ALD, ces maladies graves comme le cancer, certaines maladies-cardio-vasculaires ou le diabète qui touchent aujourd’hui 13 millions de malades vont coûter de plus en plus cher avec le vieillissement de la population estiment les experts. « À l’horizon 2035, les patients en affection longue durée pourraient représenter un quart de la population et concentrer trois quarts de dépenses de l’assurance maladie » soulignait le directeur général de l’Assurance maladie, Thomas Fatome dans ce rapport qui propose près de 4 milliards d’euros d’économies pour 2026 notamment en révisant les ALD pour des « personnes en situation de guérison ou de rémission de certaines pathologies », comme des « cancers en phase de rémission ». « En France, 20 % des patients sont en ALD, contre 5 % en Allemagne, et je n’ai pas l’impression que les Allemands soient moins bien soignés » notait pour sa part François Bayrou qui suggérait alors assez logiquement « que l’on sorte de l’ALD quand le statut ne le justifie plus ». Décryptage : un malade guérit de son ALD ne pourrait plus bénéficier d’un remboursement à 100 % mais il pourrait à nouveau le retrouver en cas de récidive. « Le rapport des Français à l’affection de longue durée doit être différent » expliquait en son temps la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin « La couverture des affections de longue durée mérite d’être revisitée dès lors que la plupart des pathologies sont devenues curables » jugeait-elle. La mesure reviendrait surtout à un « transfert » de la prise en charge par l’Assurance maladie vers les complémentaires santé.
Autre piste avancée, celle de la mise en place pour tous les Français de franchises pour les médicaments de soin courant. Il s’agit de ces sommes restant à la charge du patient quand il achète des médicaments. « Nous augmentons les plafonds annuels des franchises et participations forfaitaires, ainsi que les montants payés sur les médicaments et les actes médicaux » avançait François Bayrou en imaginant « faire passer de 50 euros à 100 euros par an » cette franchise. Ce qui devait correspondre à « 8 euros maximum par mois » pour chacun pour une économie estimée à 2 milliards d’euros. Pour Catherine Vautrin c’était là « un acte de responsabilisation » des assurés. « La notion de “c’est gratuit, j’y ai droit” est mortifère, rien n’est gratuit pour le système de santé » ajoutait-t-elle. Le 4 septembre dernier, le conseil de la Caisse nationale d’assurance maladie qui examinait les projets de décrets a fini par rejeter dans un avis uniquement consultatif ce doublement des franchises. Que restera-t-il de cette proposition rejetée aussi bien par les associations de patients que de soignants ?
Troisième levier d’économies avancé par le gouvernement Bayrou : les arrêts maladie, devenus un marronnier des PLFSS. François Bayrou souhaitait « mettre fin à une dérive ». Il est ainsi apparu que les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts maladie de plus de dix-huit mois ont montré que, pour 50 % d’entre eux, « ces arrêts de travail n’étaient plus justifiés ». Une situation intolérable et intenable. François Bayrou avançait comme une des solutions, la possibilité pour le salarié de reprendre le travail après un mois d’arrêt sans avoir besoin de voir la médecine du travail. « Comme nous manquons cruellement de médecins du travail, comme d’autres spécialités, des dizaines de milliers de personnes qui souhaiteraient reprendre le travail en sont empêchées. (…) C’est absurde » expliquait François Bayrou. Un médecin généraliste ou un spécialiste pourra alors décider du retour au travail (hors cas de maladies professionnelles et d’accidents du travail).
Il a aussi et encore été demandé aux ’hôpitaux et aux médecins de ville de faire attention à leurs dépenses. « Une plus grande efficience est demandée à l’hôpital, notamment dans les achats, grâce à l’ambulatoire ainsi que dans les soins de ville ».
Inévitablement va se poser aussi la question de l’Aide Médicale d’Etat (AME). Ici, la décision sera probablement plus politique que technique.
Toutes ces mesures et d’autres seront soit retirées soit étudiées, décortiquées et validées ou pas lors de la discussion de ce PLFSS très attendu.
Mais les organisations de santé plaident aussi et surtout pour une « loi de programmation de santé ». « Les professionnels de santé sont très inquiets, très pessimistes de repartir, ainsi pour des mois d’attentisme sans même être sûrs d’avoir un budget explique à l’AFP, le Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre. Alors qu’une loi pluriannuelle pour la santé semble plus que jamais nécessaire, on va encore nous opposer du court-termisme ». Seront-ils entendus par le nouveau ministre de la santé ? ■