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Face à l’urgence, reconstruire le soin par les territoires

Par Sophie Ricourt-Vaginay, Députée

Les services d’urgences débordent, les délais s’allongent, les personnels s’épuisent.

Et pendant ce temps, des milliers de nos concitoyens attendent un soin qui aurait dû leur être prodigué près de chez eux, dans des délais raisonnables. La vérité, c’est que l’État a progressivement laissé l’urgence absorber ce que la médecine de proximité n’arrivait plus à couvrir.

Il est temps d’en finir avec cette logique d’abandon silencieux. Nous devons reconstruire, depuis les territoires, une prise en charge des soins de premier recours, organisée, lisible, disponible hors des horaires habituels. C’est l’objectif de la proposition de loi que j’ai déposée : créer un dispositif national de Maisons Médicales de Garde (MMG), pour assurer une réponse de proximité aux soins non programmés.

Ce dispositif ne sort pas de nulle part. Il s’appuie sur le maillage territorial déjà existant, bâti autour des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé, notamment en zone rurale. Ce sont des médecins généralistes, souvent isolés, qui ont choisi de coopérer, de mutualiser leurs efforts, et d’offrir une permanence de soins à leurs patients. La médecine de ville et des champs a tenu bon, là où d’autres ont déserté.

Les MMG viendront prolonger cet engagement en s’appuyant sur les maisons de santé. Elles s’intègreront aux dynamiques locales (CPTS, SAS, hôpitaux de proximité), en assurant une prise en charge en soirée, les week-ends, lors des périodes de tension. Leur fonctionnement reposera sur des équipes pluriprofessionnelles. Les infirmiers en pratique avancée y joueront un rôle déterminant : accueil, évaluation clinique, orientation, prévention. Le système de santé ne peut plus se priver de leurs compétences.

Mais répondre à l’urgence, c’est aussi reconnaître celles et ceux qui la portent depuis trop longtemps dans l’ombre. De nombreux médecins généralistes ruraux, présents depuis des années dans les territoires les plus fragiles, exercent au quotidien dans des conditions qui relèvent de la médecine d’urgence. Ils ont l’expérience, les gestes, le discernement clinique. Ce que nous proposons, c’est de leur permettre d’accéder à la spécialité, par une voie de reconnaissance fondée sur les acquis de l’expérience, encadrée, exigeante, validée par une commission nationale indépendante. Ce n’est pas un passe-droit. C’est une justice.

Nous ne devons plus accepter que la République médicale soit à deux vitesses. Les soins de premier recours ne doivent plus être synonymes de rupture ou de renoncement. Ils doivent être organisés, disponibles, assurés dans chaque bassin de vie. Et pour cela, il faut faire confiance à ceux qui soignent déjà. Valoriser ce qui fonctionne. Mettre fin aux injonctions descendantes qui ignorent les réalités locales.

Cette réforme n’ajoute pas une couche au millefeuille. Elle clarifie, articule, et responsabilise. Elle est au service de la population, mais aussi des soignants, trop souvent sacrifiés sur l’autel de l’improvisation budgétaire.

Soigner, ce n’est pas centraliser. C’est être présent. Là où vivent les Français. Là où l’État ne peut plus se contenter d’être une promesse. 

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