Bien que les ventes de voitures électriques aient progressé, elles ne constituaient que 2,2 % du parc automobile en circulation au 1er janvier 2024. Pour respecter nos objectifs de décarbonation, cette part devrait atteindre 15 % en 2030 et 37 % en 2035. Il y a donc un enjeu à accompagner, voire à encourager l’électrification de notre parc automobile.
Si cette conversion est nécessaire pour la préservation de la santé et de l’environnement, elle doit se faire progressivement, de manière équitable, équilibrée et dans la concertation pour emporter l’adhésion. Depuis le début de mon engagement sur ce sujet, je constate un manque cruel de réflexion sur le long terme avec une planification claire, de pédagogie sur les décisions prises et une insuffisance d’outils d’accompagnement. Certains sont fiers d’avoir adopté la mise en place des ZFE ou leur suppression. Or, au satisfecit du passage en force, ils ne récoltent que la défiance et la radicalisation des positions.
En opposition franche avec cette méthode, mon ambition est de toujours penser le temps long sur la base du réel et de privilégier la discussion avec les acteurs avec une volonté de nuance et d’équilibre.
C’est sur cette base que j’ai consulté et travaillé sur la question des Zones à Faibles Émissions (ZFE) puis sur le verdissement des flottes et du fret.
En application des lois « Climat et Résilience » et « LOM », et malgré un objectif louable de lutte contre la pollution et de préservation de la santé humaine, la mise en place des ZFE a été vécue par beaucoup de nos concitoyens comme une injustice. En effet, l’interdiction progressive de circulation des véhicules les plus anciens dans les principales aires urbaines à un impact lourd sur les ménages modestes et sur ceux qui habitent dans les zones rurales et périurbaines.
Avant même leur mise en place effective, j’ai alerté sur la faiblesse des mesures d’accompagnement et sur le risque d’exclusion de certains de nos compatriotes des principales aires urbaines et donc des principaux services.
Convaincu par l’importance de lutter contre la pollution et le réchauffement climatique, j’ai travaillé avec Bruno Millienne, député « Modem » des Yvelines, à une mission flash sur les mesures d’accompagnement à la mise en place des ZFE. J’ai fait plusieurs propositions de progressivité de la mesure, de refonte de l’assiette des crit’air, de développement des transports en commun, d’accompagnement des ménages modestes, pour éviter l’exclusion d’une partie de la population des centres-villes.
Malheureusement, les Gouvernements successifs ne se sont pas saisis de ces propositions et nous nous retrouvons, aujourd’hui, dans une situation de réprobation massive des ZFE dans l’opinion. Le projet de loi de simplification de la vie économique actuellement en débat à l’Assemblée nationale a même supprimé les ZFE sans proposer de mesure alternative de réduction des pollutions atmosphériques en milieu urbain. Cet échec, est celui d’une absence d’anticipation et de réalisme.
Comment imaginer qu’il est possible de mettre en place des ZFE sans un réel accompagnement alors même que le prix des véhicules électriques est élevé, qu’il n’existe pas ou presque de marché de l’occasion électrique et que les aides financières à l’acquisition ou à la conversion sont faibles.
Je regrette profondément cet échec alors même que nous avions fait des propositions concrètes pour assurer l’acceptabilité sociale de cette mesure de santé publique.
Sur ce dossier, nous n’avons pas pris le sujet dans le bon sens. La ZFE devrait être une finalité, l’aboutissement d’une planification de la décarbonation de nos mobilités. Convaincu par cet objectif mais ne maitrisant ni l’agenda ni la volonté gouvernementale, je me suis engagé sur le verdissement des flottes automobiles des entreprises qui est un point clé.
Après l’échec de la proposition de loi portée par Damien Adam, député « Ensemble » de la Seine-Maritime sur le verdissement des flottes, j’ai défendu la création d’une mission flash afin de créer les conditions du dialogue et d’identifier les bons leviers pour avancer collectivement sur ce sujet. J’ai eu la chance de mener ces travaux avec Jean-Marie Fiévet, député « Ensemble » des Deux-Sèvres.
Les entreprises sont les premiers acheteurs de véhicules neufs dans notre pays avec un renouvellement plus fréquent que pour les ménages. Le verdissement et donc l’électrification progressive des flottes automobiles des entreprises permet d’atteindre un double objectif, réduire rapidement les émissions de gaz à effets de serre, de dioxyde de carbone, de particules fines et créer à moyen terme, un marché de l’occasion important. Ce marché de l’occasion, doit permettre l’accès à un véhicule électrique à un coût acceptable pour les ménages. La création d’une offre combinée (neuf et occasion) va entraîner la conversion naturelle du parc automobile français et son verdissement et pourra permettre, à terme, l’acceptation des mesures de type ZFE en zone urbaine.
L’engagement des entreprises aux flottes les plus importantes doit permettre de créer un effet volume pour les constructeurs automobiles et donc induire par économie d’échelle, la baisse du prix de commercialisation des véhicules électriques neufs en direction des ménages.
En matière de verdissement des flottes automobiles des entreprises, la loi d’orientation des mobilités de 2019 impose des quotas de véhicules à faible émission lors du renouvellement des flottes automobiles pour les entreprises qui disposent de plus de 100 véhicules. Toutefois, faute de pénalité en cas de non-respect de ces obligations, nous constatons que la majorité des entreprises, qui détiennent une flotte de plus de 100 véhicules, n’ont pas respecté pas la loi.
Face à cet enjeu, il a semblé nécessaire de créer un régime de pénalité pour permettre la pleine entrée en vigueur de ce dispositif et ainsi l’électrification des flottes automobiles des entreprises. Cette proposition que nous avons pu faire à l’occasion des travaux de la mission flash a été reprise par le Gouvernement, via un amendement au projet de loi de finances.
Alors même que nous proposions avec mon corapporteur l’examen d’une proposition de loi globale sur les flottes automobiles d’entreprises pour assurer une bonne acceptation de la mesure, le Gouvernement a fait le choix de créer une taxe incitative.
Las, dans nos travaux, nous avions mis en évidence des mesures qui doivent permettre d’accompagner et d’adapter ce verdissement afin de le rendre pleinement effectif. Car il est important d’accompagner cette transition dans les entreprises avec la formation des personnels en charge de la gestion des flottes mais également des salariés qui vont avoir à utiliser un véhicule électrique, d’accompagner l’installation de bornes de recharge en entreprise et au domicile des salariés, de négocier l’avantage en nature. Là encore, il est nécessaire de travailler avec les entreprises et les salariés pour garantir l’acceptabilité et l’effectivité du verdissement.
Nos travaux ont également mis en évidence le fait que la nature et l’implantation de l’activité des entreprises entraînent des variations importantes dans leur capacité à électrifier leur flotte. Il semble donc pertinent de flécher les obligations de verdissement en direction des entreprises qui sont aujourd’hui « électro-compatibles », tout en travaillant secteur par secteur pour lever les freins à l’électrification de certaines activités.
À ce titre, j’ai eu des échanges nourris avec les représentants de la location de courte durée, avec le transport sanitaire ou encore les petites entreprises et les artisans pour identifier les points bloquants qui limitent aujourd’hui leur électrification.
Cela doit se faire progressivement et en anticipation pour éviter les situations de blocage. Pour le secteur sanitaire, il faut poser la question de l’électrification et du bornage des zones d’attente dans les centres de santé. Pour les loueurs de courte durée, il faut s’interroger sur l’électrification des plateformes multimodales, mais aussi sur l’accompagnement à l’usage occasionnel de l’électrique. Pour les artisans, il faut mettre en débat, la mise en place d’un fonds de garantie qui doit permettre de les accompagner dans l’acquisition d’un véhicule utilitaire léger électrique via une garantie bancaire et peut-être des bonus assurantiels…
L’échec de nombreuses mesures décidées trop rapidement à Paris est la preuve que le passage en force ne fonctionne pas. Face à ces sujets importants et complexes qui touchent à la décarbonation de nos mobilités et donc à l’organisation de la vie des individus et des entreprises, il est essentiel de construire collectivement les conditions de leur réussite. C’était mon engagement avec la mission flash sur les ZFE, celle sur le verdissement des flottes, ou encore en tant que co-pilote de l’atelier fret de la conférence de financement des mobilités « Ambition France Transport », c’est au service de la santé de nos concitoyens comme de celle de nos entreprises et de notre cohésion sociale que nous devons agir. ■