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Municipales : la parité actée pour les petites communes

Le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi visant à « harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité ». Les discussions ont été houleuses et les désaccords profonds.

Bruits, invectives et coups de théâtre, l’adoption de la proposition de loi portée par Delphine Lingemann (Les Démocrates) n’a pas été un long fleuve tranquille. « La parité ne doit pas s’arrêter aux portes des grandes villes » a défendu la rapporteure du texte qui rappelle aussi que les communes de moins de 1 000 habitants représentent 70 % des communes françaises, et 13 % de la population y vit. Ce texte qui étend le scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants s’appliquera dès les élections municipales qui auront lieu au printemps 2026. Il a été adopté par 206 voix contre 181 et 25 abstentions.

Mais avant d’en arriver à ce vote, la séance du 7 avril à l’Assemblée ne s’est pas déroulée aussi sereinement qu’espéré. Les débats ont été vifs laissant apparaître des désaccords profonds qui pourraient laisser des traces.

L’hémicycle s’est ainsi fortement animé lorsqu’est venu le temps de discuter du délai d’application de la réforme. Quasiment aucun des bancs n’a échappé au débat. Même le « bloc central » a été traversé par des courants contraires. Nombreux ont été les députés à estimer qu’il fallait donner du temps au temps et repousser l’application de la réforme à 2032 tandis que d’autres prônaient sa mise en oeuvre pour le scrutin municipal du printemps 2026. « Tous les maires que nous avons interrogés nous ont mis en garde contre la faisabilité pour 2026 » a expliqué Agnès Firmin Le Bodo (Horizons) signataire de l’un des amendements de report présenté en séance, amendements identiques déposés par la droite et les communistes dont l’un sera adopté à une voix près, par 142 voix pour et 141 voix contre. RN, LR, GDR et Horizons semblent alors avoir emporté la mise. La séance est suspendue. A la reprise, le gouvernement, par la voix de la ministre déléguée en charge de la Ruralité, Françoise Gatel, demande une nouvelle délibération pour revenir au texte initial, immédiatement accordée par Yaël Braun-Pivet. Colère sur les bancs du RN : « En Macronie, tu perds, tu bidouilles » enrage Sébastien Chenu (RN). « Ca laissera des traces » s’emporte Pierre Cordier (LR). « Il y avait un bloc central. Ce soir, il y a un avant, il y a un après » ajoute-t-il. « Venir demander une seconde délibération contre un amendement venant de ce que vous appelez le socle commun me parait d’extrême mauvais augure » dénonce à son tour Olivier Marleix, ancien président du groupe LR pointant l’attitude du gouvernement. Chez les députés Horizons, la colère est là portée par Agnès Firmin Le Bodo qui exige « le respect des élus présents lors du premier vote ». Peine perdue, les élus communistes ayant finalement choisi de retourner leur veste arguant que leur idée première était de « défendre la stabilité du mode de scrutin quelques mois avant l’échéance, mais certainement pas d’enterrer cette avancée de progrès » a défendu Julien Brugerolles (GDR).

Aujourd’hui, les conseillers municipaux des communes de moins de 1 000 habitants sont élus au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours, avec un système de « panachage » qui offre la possibilité à l’électeur de rayer un nom ou plusieurs noms. Cette pratique est parfois surnommée par les élus de « tir aux pigeons » qui la trouvent trop souvent « punitive ». « La démocratie locale est une chose trop sérieuse pour être livrée à l’humeur du dimanche des élections » trouve pour sa part la ministre déléguée chargée de la Ruralité, Françoise Gatel. Selon elle, la réforme va « permettre la constitution d’équipes municipales cohérentes et moins fragiles ».

Les opposants au texte jugent pour leur part que constituer une liste paritaire dans ces conditions va être compliqué et pourrait même dissuader certains de se présenter ou de se représenter. Dans « beaucoup de petites communes (...) il n’y aura qu’une liste, donc il n’y aura aucun choix pour les électeurs » estime Jordan Guitton (RN). « Faisons plutôt confiance à nos maires ! Arrêtons de toujours vouloir imposer un carcan administratif uniforme depuis Paris à tous les territoires sans tenir compte de leur réalité ! » regrette pour sa part Fabien Di Filippo (LR, Moselle).

La proposition de loi qui était initialement portée par l’ex-députée Élodie Jacquier-Laforge (MoDem), avait été adoptée en première lecture à l’Assemblée il y a plus de trois ans. Les discussions au Sénat n’avaient pas été de tout repos non plus. Pour le gouvernement l’enjeu était donc de faire adopter ce texte dans les mêmes termes que ceux du Sénat. Dans le cas contraire, il n’aurait pas pu être appliqué aux municipales de 2026. C’est chose faite. Le texte voté, la présidente de l’Assemblée, ardente défenseure du texte s’est immédiatement félicitée sur X : « On l’a fait ! La parité devient une réalité dans toutes les communes de France. À toutes les femmes : vous avez désormais toute votre place dans la vie politique locale. Prenez-la ».. 


Les femmes ne représentent que 37,6 % des conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants, contre 48,5 % dans les communes de 1 000 habitants et plus en 2020.

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