Donald Trump n’en est pas à son coup d’essai. Lors de son premier mandat, en 2019, le président des Etats-Unis avait déjà proposé « d’acheter » le Groenland. Pour Donald Trump, en 2025, rien n’a changé. Le président des Etats-Unis entend bien faire valoir les droits des Etats-Unis sur cette grande île de l’Arctique très convoitée. Et il le fait savoir. Quelques semaines avant sa prise de fonction, Donald Trump avait en effet fait connaître une nouvelle fois tout son intérêt pour le Groenland mais aussi pour le Panama. Avec, en prime, un petit mot amusé mais non dénué de cynisme pour le Canada, lui proposant de devenir le « 51ème Etat ». Quelques heures après la démission de Justin Trudeau, Donald Trump proposait à nouveau au Canada de « fusionner » avec les Etats-Unis.
Mais derrière cette méthode peu diplomatique et parfois brutale, les velléités expansionnistes affichées des Etats-Unis apparaissent finalement comme plus sérieuses, profondes et légitimes que ce que certains détracteurs du président américain veulent nous faire croire. « Pour des raisons de sécurité nationale et de liberté dans le monde, les États-Unis d’Amérique sentent que le contrôle et la propriété du Groenland sont des nécessités absolues » n’a d’ailleurs pas hésité à réaffirmer Donald Trump sur les réseaux. Des propos qui se sont bien évidemment attirés immédiatement les foudres des autorités groenlandaises. « Le Groenland nous appartient. Nous ne sommes pas à vendre et nous ne serons jamais à vendre » a ainsi répondu le premier ministre, Mute B. Egede. Copenhague s’est montré plus prudent se déclarant « prêt à travailler » avec la nouvelle administration américaine. Une réserve qui peut s’expliquer par la capacité du territoire et de ses 56 000 habitants à pouvoir, depuis 2009, se prononcer sur leur indépendance.
Sur l’île, certaines voix se font entendre pour réclamer l’indépendance. Notamment ceux qui n’ont pas oublié les erreurs passées du royaume du Danemark comme cette campagne de stérilisation forcée imposée aux femmes groenlandaises dans les années 1960 et 1970 ? Pour autant, l’indépendance ne serait pas le chemin pour devenir un état américain comme l’a fermement rappelé le ministre danois des Affaires étrangères, Lars Lokke Rasmussen, dans la foulée de la visite énigmatique de Donald Trump Jr. au Groenland début janvier.
Doit-on s’inquiéter d’une invasion militaire des Etats-Unis, une option que n’a pas rejetée Donald Trump - « Dans les deux cas [le Groenland et Panama], je ne peux pas assurer [que les États-Unis n’utiliseront pas la force armée] » déclarait dans sa résidence de Mar-a-Lago à Palm Beach (Floride) le 7 janvier dernier le président élu - ? Rien n’est moins sûr mais cependant peu probable. Les doutes ne viennent pas de la possibilité de résistance de l’armée du Groenland - police locale, un avion, quatre hélicoptères, quatre navires et… six traîneaux tirés par 80 chiens – mais plutôt parce qu’il n’y a aucune raison crédible. « Les États-Unis ne vont pas envahir le Groenland. Ils n’en ont pas besoin puisqu’ils sont déjà ici. Dans la base militaire de Thulé [rebaptisée Pituffik en 2023, Ndlr], mais pas seulement. Quant aux Danois, leur présence militaire est ridicule. Ils n’ont pas pris la mesure des enjeux. Ils ont deux navires de guerre, dont les canons ne fonctionnent pas ! » explique le conseiller Qarsoq Hoegh-Dam, du Naleraq, le troisième parti du parlement groenlandais en nombre de sièges.
Enfin, rappelons qu’au Groenland, les sujets du Danemark sont considérés comme des citoyens européens. Le royaume pourrait alors faire jouer la clause « d’assistance mutuelle » du traité européen, pour obliger les autres États membres à leur venir en aide en cas d’attaque. L’île est également couverte par le traité de l’Atlantique Nord. C’est-à-dire qu’en cas d’attaque, le territoire sera défendu par les forces de l’Otan, donc des Etats-Unis. Un bel imbroglio à venir que personne ne souhaite voir se réaliser.
Pour le Panama, Donald Trump n’a pas fait non plus dans la dentelle accusant les autorités panaméennes de faire payer « des prix exorbitants » aux navires américains pour franchir le canal, y voyant là « une complète escroquerie ». Si des baisses de prix n’étaient pas rapidement concédées, les Etats-Unis pourraient reprendre le contrôle du canal « totalement, complètement et sans poser de question » a alors menacé le président américain. Mais ce que veut surtout Donald Trump c’est revenir sur le traité signé par le président Jimmy Carter en 1977 qui donnait l’entière souveraineté du canal au Panama au 31 décembre 1999. Ce traité a toujours été dénoncé par les Républicains. Ronald Reagan n’hésitait pas d’ailleurs à déclarer que ce canal « nous l’avons acheté ; nous l’avons payé ; nous l’avons construit » et qu’il était donc américain. Les menaces de Donald Trump ont valu une réponse cinglante du président José Raul Mulino qui a rappelé que « chaque mètre carré du canal de Panama fait partie du Panama et le sera toujours. Notre souveraineté n’est pas négociable ».
Groenland, Panama… Un hasard ? Pas vraiment. Les deux territoires attirent aussi la Russie et la Chine qui ne cessent d’accroître leur présence militaire et économique dans la région. Au Groenland, la présence dans son sous-sol de terres rares indispensables aux nouvelles technologies vertes (éoliennes, voitures électriques) attisent ainsi les convoitises. Et la fonte de la calotte glaciaire accentuée par le réchauffement climatique ouvre aussi de nouvelles routes maritimes commerciales et militaires aux deux « ennemis » des Etats-Unis qui se sentent menacés. Autant de raisons qui font du Groenland un territoire stratégique et de sécurité majeure pour les Etats-Unis. Quant au Panama, la prise de contrôle par Pékin de deux ports de l’isthme qui appartenaient jusque-là à une société basée à Hongkong font planer une sourde menace sur la liberté de circulation dans le canal. Une situation que ne peuvent évidemment pas accepter les Etats-Unis. ■