Dernier épisode de la dissolution ratée d’Emmanuel Macron, et après avoir engagé la responsabilité de son gouvernement avec l’article 49.3 deux jours plus tôt, le gouvernement de Michel Barnier est tombé ce 4 décembre après le vote de la motion de censure NFP. Il est 20 h 26 lorsque la présidente de l’Assemblée nationale prend la parole pour annoncer les résultats du vote attendu mais sans véritable suspens : la motion de censure a été adoptée par 331 voix pour, largement plus que les 288 voix nécessaires. Aux voix des Insoumis, écologistes, socialistes et communistes se sont ajoutées les voix du Rassemblement national et du groupe de l’Union des droites (UDR) d’Eric Ciotti. Au perchoir, Yaël Braun-Pivet poursuit : « Conformément à l’article 50 de la Constitution, le premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement ». Ce qui a été fait sans attendre le jeudi à 10 heures. Dans l’hémicycle, Michel Barnier range ses papiers, salue les députés LR et macronistes debout et sors sous les applaudissements de ses troupes dépitées.
Pourtant jusqu’au bout Michel Barnier a cherché à sauver les meubles, à défendre son budget, à rappeler les concessions faites. Mais rien n’y a fait. Les positions arrêtées du Rassemblement national sans qui la censure n’aurait pas été adoptée n’ont plus bougé. Le groupe NFP tenait là sa victoire. Dans les rangs du « bloc central », entre le dépôt de la motion de censure et le vote, on s’est aussi démenés pour ramener à la raison des élus parfois encore hésitants. « On a individuellement essayé d’aller convaincre les socialistes et quelques indépendants de ne pas voter cette motion. Mais quelle énergie pour si peu de résultat » raconte Sylvain Maillard. Sur les plateaux de télé, sur les ondes radio, les membres du gouvernement n’ont pas cessé de prêcher la bonne parole rappelant combien voter la censure serait catastrophique pour la France. « Si la motion de censure passe, tout sera difficile et plus grave pour les Français » a insisté la veille du scrutin Michel Barnier aux « 20 Heures » de TF1 et de France 2.
Mais le scénario était joué d’avance. Le retour en arrière impossible. A la tribune, les présidents de groupe défilent et plantent le décor avec souvent des effets de manche exagérés. Chacun est dans son rôle. On surjoue parfois même le moment historique. Dans l’hémicycle, le brouhaha est incessant. Éric Coquerel venu défendre sa motion de censure enfonce les premières banderilles sur le dos de Michel Barnier. « Votre navire prend l’eau, la colère monte et le chaos est déjà là » lance le député insoumis sous les applaudissements nourris de con camp et sous le regard impavide de Jean-Luc Mélenchon en tribune qui sans aucun doute doit boire du petit lait. Le président de la commission des finances poursuit en évoquant « la malédiction » de départ du gouvernement Barnier. « Cette malédiction, c’est l’illégitimité. Votre illégitimité absolue devant le suffrage universel, vous qui êtes issu de la force politique parlementaire qui a eu le plus mauvais résultat aux élections législatives » s’époumonne l’élu de Seine-Saint-Denis.
Marine Le Pen qui votera tout à l’heure avec le Nouveau Front populaire enfonce le clou et pointe un gouvernement « sans légitimité démocratique ». « La censure est la conséquence des manœuvres électorales des législatives mais également du chantage de votre propre minorité qui vous a interdit de trouver des voix de passage avec les oppositions ». « L’intransigeance, le sectarisme et le dogmatisme [du “socle commun” ] lui ont interdit la moindre concession, ce qui aurait évité ce dénouement » assène la présidente du groupe RN à l’Assemblée. Michel Barnier, immobile, écoute.
Le président du groupe socialiste, Boris Vallaud regrette quant à lui le peu d’écoute du premier ministre. « Il est manifestement devenu plus convenable de parler avec l’extrême droite qu’avec la gauche, et nous ne pouvons-nous résoudre à cela » lâche-t-il.
Laurent Wauquiez pour les Républicains cible particulièrement le RN et dénonce « une coalition des contraires », une « jonction entre LFI et le RN ». « Ressaisissez-vous, il est encore temps » finit-il par lancer une dernière fois à Marine Le Pen, goguenarde. Même appel lancé par Gabriel Attal mais cette fois-ci en direction du parti socialiste à qui il demande de « s’affranchir de l’extrême gauche ». « Ressaisissez-vous et mettons-nous autour de la table » leur réclame le prédécesseur de Michel Barnier.
Vient le moment de l’ultime discours du premier ministre. Michel Barnier défend son court bilan et veut surtout rappeler qu’il a dû faire vite avec un budget contraint. « J’aurais préféré distribuer de l’argent, même si nous ne l’avons pas, pour faciliter les choses et les discussions. Cette réalité, elle reste là. Et écoutez-moi bien, elle ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure. (…) Cette réalité-là, elle se rappellera à tout gouvernement, quel qu’il soit » lâche-t-il en guise d’avertissement.
En attendant, l’Assemblée nationale ayant adopté une motion de censure en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, les travaux de l’Assemblée nationale en séance publique sont ajournés. ■