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“La République exemplaire n'a jamais commencé”

Entretien avec Jean-Luc Touly, coauteur de « Les recasés de la République »*

La nomination de François Brottes à la tête de RTE vous surprend-t-elle ?

Non, hélas ! Elle correspond en tous points aux pratiques que je décris en détail dans mon dernier livre d’enquête sur Les recasés de la République [1]. Je viens justement de fonder, avec des personnalités qui luttent contre ces abus depuis des années, une association pour y mettre fin : le Front Républicain d’Intervention Contre la Corruption (FRICC). Nous déposons une plainte contre ce recasage de François Brottes, notamment pour conflits d’intérêts. Ce député était président de la Commission des Affaires économiques et a déposé des amendements sur l’électricité dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, favorisant les entreprises. Le nommer à ce poste directement lié est inacceptable.

La République exemplaire de François Hollande n’est-elle pas, au fil de son mandat, devenue qu’un slogan ?

Cette promesse électorale avait fait naître des espoirs. Mais on peut dire que la République exemplaire n'a jamais commencé. Le système des recasages fonctionne comme à l’accoutumé, avec ses complaisances habituelles, si peu républicaines. Sans parler de la brochette de ministres et de conseillers mis en examen entre 2012 et 2015, qui ont été nommés sans même vérifier préalablement qu’ils étaient en règle avec le fisc et n’avaient pas de conflits d’intérêts ! Le livre que j’ai écrit avec Roger Lenglet dévoile les dessous souvent inavouables des nominations au « tour extérieur » qui profitent au maintien des petits réseaux et continuent d‘asphyxier la République au lieu de la démocratiser

En donnant des leçons, la droite, n’a-t-elle pas la mémoire courte ?

La « République exemplaire » a été une promesse aussi bien de Nicolas Sarkozy que de François Hollande. La Droite à la mémoire excessivement sélective quand elle critique le gouvernement sur ce point. Elle est certes dans son rôle d’opposition, mais elle oublie qu’elle s’est bien gardée de moraliser le système de nomination en son temps, ce qu’elle avait pourtant promis elle aussi.

Quelles sont les solutions ?

La Cour des comptes et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique préconisent de vérifier la situation judiciaire et fiscale de ceux qu’on désire nommer à la tête des entreprises publiques, à des postes de hauts-fonctionnaires, de conseillers, de ministres, etc. Cela réduirait en effet les risques de conflits d’intérêts et d’« affairisme ». Les deux instances rappellent qu’il faut vérifier que les nommés ont le niveau de compétence correspondant ou, au minimum, qu’ils seront capables de recevoir la formation qui leur apportera cette compétence… Et d’éviter de créer des « emplois fantômes » comme dit délicatement la Cour des comptes à propos de nominations hors cadre ou manifestement impossibles à assurer. Mais tout cela restera vain sans la vigilance des associations citoyennes qui osent saisir la justice. Et l’attention de la presse !

* Les Recasés de la République, co-écrit avec Roger Lenglet, First 2015.

 

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