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Les paradoxes de la démographie médicale

Le dernier atlas de la démographie médicale en France édité par le Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM) montre que la France n’a jamais compté autant de médecins mais que la population médicale est vieillissante et que cela aura des conséquences dans les territoires.

“Les territoires se vident de leurs médecins” alerte le Dr Jean-François Rault, le président de la section Santé Publique et Démographie Médicale du CNOM. Curieux paradoxe, surtout lorsque, avec 281 087 médecins inscrits au tableau de l’Ordre en 2014, le même rapport nous indique que la France n’a jamais compté autant de médecins (+1,7% sur un an). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce paradoxe. Pour le Dr Rault, il faut d’emblée écarter la question du Numerus clausus, jugé trop restreint par beaucoup. Ses effectifs ont plus que doublé ces dix dernières années pour atteindre 7497 places. Le rapport pointe plutôt du doigt l’âge de la population médicale. En effet, parmi ces 281 087 médecins, 215 539 sont en activité totale et sont 65 548 retraités dont 14 665 en cumul emploi-retraite (activité libérale/mixte/salariée ou remplaçant). Des retraités qui sont de plus en plus nombreux. Ces neuf dernières années, les médecins retraités ont enregistré un accroissement de 75,1% de leurs effectifs tandis que le nombre d’actifs n’a augmenté, sur la même période, que de 1,2%.. Les conséquences sont inéluctables : le nombre de médecins en activité va décroître de 0,3% d’ici 2025 ; ils ont déjà diminué de 0,2% entre 2007 et 2015. « Les jeunes ne compensent pas les départs à la retraite ».

Une féminisation de la profession

Longtemps montrée du doigt, la féminisation de la profession n’est pas non plus pour l’Ordre des médecins, responsable de la désertification. « Les chiffres démontrent le contraire ». Parmi les jeunes médecins âgés de moins de 40 ans, qualifiés en médecine générale, « 50% sont des femmes qui ont fait le choix d’exercer en secteur libéral/mixte » se félicite le Dr Rault. Par ailleurs, si l’on dénote une tendance de fond chez les nouvelles générations de médecins, hommes comme femmes, de pouvoir concilier vie professionnelle et vie privée, cela ne veut pas dire que les jeunes générations ne souhaitent plus exercer en libéral : lors de leur première inscription à l’Ordre, 15% des jeunes médecins choisissent l’exercice libéral/mixte en 1ère intention, mais cinq ans plus tard, ils sont 40% à s’orienter vers ce mode d’exercice apprend-t-on encore. Le rapport évoque enfin « les 25% de médecins diplômés d’une faculté française qui chaque année décident de ne pas s’inscrire à l’Ordre pour mener d’autres carrières, dans le journalisme ou l’administration par exemple, au détriment des soins » déplore le Dr Rault.

“Les déserts médicaux ne sont pas toujours là où on les imagine”

Dans le détail, l’analyse territoriale des effectifs des médecins exerçant une activité régulière réserve quelques surprises. « Les déserts médicaux ne sont pas toujours là où on les imagine » pointe le Dr Rault, « chaque territoire, qu’il soit rural ou urbain, rencontre des problématiques spécifiques pouvant engendrer des pénuries de médecins ». Ainsi, et contre toute attente (ou idée reçue), parmi les huit régions qui comptabilisent une baisse significative des effectifs en activité régulière, « la région Ile-de-France se positionne au premier rang ». Sur la période 2007-2015, le nombre de médecins inscrits au tableau de l’Ordre des 8 départements de l’Ile-de-France a diminué de 6%. Entre 2007 et 2015, 1835 médecins ont quitté la région Ile-de-France et plus particulièrement le département de Paris (40,2%). 36% sont médecins généralistes et 64% sont des spécialistes médicaux (hors médecins généralistes) ou chirurgicaux. À l’opposé, sur la même période la région Pays-de-la-Loire enregistre une hausse de 6% des effectifs des médecins inscrits au tableau de l’Ordre Les régions Haute-Normandie, Lorraine, Poitou-Charentes et Auvergne stabilisent leur nombre de médecins inscrits en activité régulière. Au niveau départemental la Nièvre recense la plus forte diminution (-16%) suivi par Les départements du Cher et de la Creuse (- 14%). À l’opposé, c’est le département de la Loire-Atlantique qui compte la plus forte augmentation (+12%).

Maisons de santé et médecins étrangers, une solution mais pas la solution

Mais si comme l’explique, la Ministre de la Santé Marisol Touraine, « il n’y a pas de remède miracle au développement des déserts médicaux », trop miser sur les maisons de santé pluridisciplinaires ou les médecins étrangers ne semble pas non plus être la solution miracle. Les maisons de santé ? « les chiffres démontrent que l’on trouve plus particulièrement des médecins de 50 ans qui exerçaient auparavant en cabinets individuels ». Quant aux médecins étrangers exerçant en France, si leur nombre a augmenté depuis 2007 (+42%), « ces médecins ne peuvent toutefois pas aujourd’hui pallier le manque d’effectifs car ils privilégient massivement l’exercice salarié ou mixte. Seul ¼ d’entre eux exerce en secteur libéral exclusif. Par ailleurs, ces médecins privilégient les territoires à forte densité et ne constituent pas réellement une réponse à la désertification ».

 

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