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La France n’a pas à avoir peur du tourisme médical ! Vers un positionnement stratégique à fort potentiel pour la France

Par Loïck Menvielle, Professeur Associé, EDHEC BUSINESS SCHOOL

Le tourisme médical n’est pas une nouveauté en soi mais les récentes études tendent à démontrer toute la pertinence pour les Etats à se positionner sur cet axe stratégique. Dans le monde, en l’espace de cinq ans, le nombre de patients internationaux a doublé, passant de 7,5 millions en 2007 à 16 millions en 2012 (France Stratégie, 2015). Les perspectives sont encourageantes car les retombées économiques pour 2015 sont estimées à 130 milliards de dollars (Attali, 2014).

Le tourisme médical représente une solution palliative pour des patients fuyant des systèmes médicaux en crise dans leurs propres pays pour aller bénéficier de soins à l’étranger. Plusieurs facteurs concourent à cette mondialisation de la santé comme : 1) les coûts associés, dans certains pays, à la prise en charge médicale (1), 2) les délais d’attente qui peuvent atteindre plusieurs mois (2) 3) l’inexistence d’infrastructures médicales adéquates dans le pays d’origine du patient.

Dans ce contexte, la France aurait-elle une carte à jouer en matière d’accueil de patients internationaux ?

Dès 2008, différentes commissions présidées par Jacques Attali (3)soulignaient les enjeux d’un tel positionnement. Les derniers travaux en date, instruits par Jean de Kervasdoué (2014), (4) vont dans le même sens. L’accueil de touristes patients étrangers pourrait constituer une véritable manne pour la France - tant sur le plan économique que sur l’emploi – générant jusqu’à 2 milliards € de recettes et près de 30 000 emplois d’ici à 5 ans.

Ces dernières années, certains pays comme l’Inde ou la Thaïlande, ont fait du tourisme médical un véritable levier de croissance de leur économie. Plus proches de nous, l’Allemagne et la Suisse se sont positionnées sur ce domaine. Dubaï a fait de la santé un de ses axes stratégiques en investissant plusieurs milliards de dollars dans le Dubaï Health Care City destiné à capter une patientèle internationale.

Face à cette situation, il semble que la France ait pris beaucoup de retard et tarde à adopter une réelle politique audacieuse destinée à se faire une place dans cette compétition internationale. Pourtant, notre réputation en matière de santé n’est plus à faire ! Le potentiel est bien présent et pourrait constituer un des leviers économiques tant espéré pour le pays. Même s’il ne constitue pas une solution miracle aux problèmes du déficit de la Sécurité sociale et de celui des hôpitaux, il représente un catalyseur destiné à ouvrir le débat et à faire évoluer le modèle économique de la santé.

Cette diversification des activités de l’hôpital public est une réelle opportunité mais doit être maniée avec précaution. Les revenus générés doivent servir le plus grand nombre, garantir l’accès aux soins pour tous et être réinvestis dans - et pour - l’hôpital public. L’activité libérale autorisée à l’hôpital ne doit pas non plus faire l’objet d’un coupe-file pour les patients étrangers, évitant ainsi une éventuelle médecine à deux vitesses. Les résistances culturelles et les lourdeurs administratives ne sont pas vaines (visas, devis pour les patients étrangers…) et constitueront pour les décideurs les défis de demain.

Les enjeux sont conséquents et il est désormais temps pour les politiques français de savoir se positionner sur un secteur aux retombées économiques substantielles sur l’ensemble de cette filière, car la compétition internationale, elle, n’attend pas !

1. Aux USA, on dénombrait en 2013 près de 42 millions d’Américains n’ayant pas d’assurance maladie et devant prendre à leur charge l’ensemble des frais médicaux. A titre indicatif, un pontage coronarien peut coûter en moyenne près de 100 000 €.
2. Au Royaume-Uni les délais d’attente peuvent atteindre plusieurs mois pour certaines pathologies, conduisant le NHS – l’équivalent de la Sécurité sociale en France) à « exporter » ses malades en Europe, voire parfois jusqu’en Inde.
3. J. Attali (2008), Rapport sur la Commission pour la libération de la croissance française – décision 76, p79 ; J. Attali (2014), La Francophonie et la Francophilie, moteurs de croissance durable, p 28.
4. J. de Kervasdoué (2014), Valoriser les atouts de la France pour l’accueil des patients étrangers.

 

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