Dans les Pyrénées-Orientales, malgré des pluies récentes, le département est toujours dans une situation hydrique délicate. « Depuis janvier 2022, 22 mois ont été déficitaires en précipitations, et seulement 6 proches des normales ou excédentaires » a notamment précisé Météo-France à l’AFP. Aujourd’hui les nappes phréatiques de la région sont en déficit et la demande en eau, notamment pour l’agriculture reste très importante – 83 % des prélèvements, loin devant l’eau potable (16 %) indique le ministère de la transition écologique. Un état des lieux inquiétant qui va contraindre le Roussillon à subir un troisième été de restrictions d’eau depuis 2022. Fort de ce constat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est venu présenter à Canet-en-Roussillon son plan de résilience pour l’eau dans le département. Ce plan « qui conjugue l’impératif d’action à court terme, face à la crise sécheresse, et des mesures de moyen terme pour adapter le territoire au changement climatique », comprend sept projets d’aménagement « lourds et structurants » pour adapter la situation locale à la raréfaction de l’eau et un budget de 10 millions d’euros. Lors de son discours, le ministre a aussi expliqué vouloir « apporter des solutions pertinentes », afin que le département soit « démonstrateur de solutions et du processus d’adaptation ».
Dans les sept projets phares du ministre pour le département, trois concernent la réutilisation des eaux usées traitées des stations d’épuration (Argelès, Saint-Cyprien, Canet-en-Roussillon). Il faut y voir là l’illustration de la volonté du gouvernement exprimée dans le Plan eau de 2023 d’en faire un axe majeur. Aujourd’hui en France la réutilisation de l’eau usée représente moins de 1 % des volumes contre 8 % en Italie, 14 % en Espagne et 85 % en Israël. Les autres volets du plan insistent ensuite sur la sécurisation de l’alimentation des réseaux d’irrigation de l’Agly aval, la création d’une télégestion à la parcelle sur le canal de Corbère avec l’installation d’ « électrovannes individuelles équipées de compteurs connectés » pour optimiser l’’usage de l’eau en goutte-à-goutte pour les arboriculteurs, l’amélioration du canal de Perpignan, creusé au XIVème siècle, et la rénovation des réseaux d’eau potable sur des secteurs vétustes et fuyards à Ille-sur-Têt. Pour l’avenir, le plan prévoit également de cofinancer des études, d’ici fin 2025, sur l’opportunité de prolonger jusqu’à Perpignan l’aqueduc Aqua Domitia pour acheminer l’eau du Rhône. Le projet est soutenu par la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée. Pour Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, ce « modèle de solution durable initiée permettrait d’alimenter 1,5 million de personnes en eau potable sans accentuer la pression sur les fleuves, rivières et nappes les plus fragiles ».
Avec la présentation du plan et sur son financement, Christophe Béchu a évoqué sans fard la question du prix de l’eau annonçant une augmentation dans les Pyrénées-Orientales. « On est face à une ressource qui est rare et avec des sous-investissements. En faisant un petit effort, mais en le faisant dans la constance et dans la durée, vous vous donnez une capacité d’investissement extrêmement importante » a-t-il expliqué rappelant au passage que le prix du m3 serait « globalement 30 % en dessous des prix qui existent dans le reste de la France ». Pour le ministre, cette augmentation de tarifs évitera « à terme de se retrouver avec des coupures ou avec des difficultés ». Une augmentation de 20 à 30 % des tarifs « ça représente quelques euros par mois. Je ne dis pas que ce n’est rien, je dis qu’à la fin, s’il faut aller acheter des bouteilles en plastique dans le supermarché à côté parce qu’on n’a plus d’eau dans le robinet et qu’on n’a pas fait les investissements, en termes de pouvoir d’achat vous le sentez davantage passer que le fait d’aller faire des travaux pour préserver une ressource qu’est la vie. Je veux bien croire que tout est indispensable, mais il n’y a pas grand-chose de plus indispensable que l’eau » a conclu Christophe Béchu.
Pour accompagner ce plan, le ministre a désigné une « madame eau » en la personne de Christine Espert, aujourd’hui en poste à l’Agence régionale de santé. Celle qui a été candidate MoDem aux législatives de 2017 a déclaré vouloir « faire de ce département le plus beau laboratoire de ce que peut être la résilience face au changement climatique ». ■
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