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La résistance (économique) russe

A l’inverse de ce qui était annoncé, l’économie russe résiste grâce notamment à son industrie de défense. Mais pour combien de temps ?

Vladimir Poutine a été réélu pour un cinquième mandat ce qui inquiète fortement l’Occident. Tout avait été pourtant fait pour affaiblir le président russe. Le soutien économique, militaire et financier à l’Ukraine n’a jamais cessé ; et les multiples sanctions prises contre la Russie ont été chaque fois renforcées. En vain ? L’Ukraine a de plus en plus de mal à faire face et l’économie russe n’a guère faibli jusqu’à maintenant. Il faut pourtant se souvenir des propos de Bruno Le Maire, ministre de l’économie qui au lendemain de l’agression russe en Ukraine croyait pouvoir affirmer, sans doute un peu vite, que « le rapport de force économique et financier [était] totalement en faveur de l’Union européenne, qui est en train de découvrir sa puissance économique ». Même enthousiasme de la présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen qui assurait que les sanctions appliquées à la Russie de Poutine auraient « un impact maximal sur l’économie russe et l’élite politique ». Deux ans après le début du conflit, on est loin d’une économie russe affaiblie et d’une élite abattue. « Ils avaient prédit le déclin, l’échec, l’effondrement - que nous allions reculer, abandonner ou nous effondrer. Cela donne envie de leur montrer un geste bien connu, mais je ne le ferai pas, il y a beaucoup de femmes ici » a ironisé grossièrement en février dernier Vladimir Poutine au cours de sa visite de l’usine d’armement Uralvagonzavod, plus gros producteur de chars de combat du pays.

Ainsi, et en dépit des sanctions, la croissance annuelle russe tourne autour de 2 à 3 %, 2,6 % cette année selon le FMI, soit une hausse de 1,5 point par rapport à ses estimations d’octobre.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. La Russie continue d’exporter ses hydrocarbures, certes moins en Europe mais à des pays comme la Chine, l’Inde et la Turquie qui importent à eux trois les trois quarts des exportations de pétrole, gaz et charbon russes. Les économistes estiment que la vente d’hydrocarbures rapporte aux caisses de l’Etat pas moins de 700 millions d’euros par jour contre 1 milliard avant la guerre. Les plus pénalisés dans l’histoire sont sans doute aujourd’hui les pays européens qui ont connu des flambées des prix sans précédent.

Mais c’est bien son industrie de défense qui permet à la Russie de se maintenir à flot. Depuis deux ans et les débuts de la guerre avec l’Ukraine, la Russie est toute entière mobilisée dans un vaste effort de guerre. Ses dépenses militaires ont progressé passant de 3,9 % du PIB en 2021 à près de 6 % en 2023, soit environ 62 milliards d’euros. En 2024, selon un document du ministère des finances russes consulté par l’AFP, les dépenses militaires devraient augmenter de 68 % pour atteindre 106 milliards d’euros, soit 30 % des dépenses fédérales et 6 % du PIB. Un niveau jamais égalé depuis la chute de l’Union soviétique. En déplacement à Uralvagonzavod, l’usine qui produit notamment les chars de combat T90, Vladimir Poutine a encouragé ses ouvriers qui ont été parmi les premiers à produire vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un choix (contraint) très vite suivi par les autre usines d’armement mais qui a un effet certain sur l’économie russe en créant notamment de nombreux emplois. « Au cours de l’année et demie écoulée, 520 000 nouveaux emplois ont été créés dans l’industrie de la défense » a salué Vladimir Poutine. Selon nos confrères de L’Orient-Le Jour dans un article publié le 2 février 2024, la Russie compte « 6 000 entreprises appartenant au complexe industriel de la défense, employant 3,5 millions de personnes ».

Mais cet effort de guerre n’est pas sans conséquence. La main-d’œuvre mobilisée dans les usines d’armement fait défaut aux autres secteurs de l’économie qui prennent aussi du retard sur le plan technologique en raison des sanctions occidentales. « Plus la guerre durera, plus l’économie sera dépendante des dépenses militaires, ce qui fait planer le spectre de la stagnation » souligne encore dans un récent rapport l’Institut viennois pour les études économiques internationales (WIIW). 

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