France, pays agricole ? Vraiment ? D’années en années, le nombre d’exploitations agricoles ne cesse de baisser. Entre les années 70 et aujourd’hui, leur nombre a été divisé par quatre. Il y a cinquante ans, on recensait près de 1,5 million d’exploitations agricoles en France métropolitaine. En 2020, on n’en compte plus que 390 000, soit près de 100 000 de moins qu’en 2010. En 2020, en France métropolitaine, 58 % des exploitations agricoles sont des exploitations individuelles et 42 % sont constituées en sociétés (EARL, GAEC…). La taille moyenne des exploitations est de 69 ha. En 2020, selon le dernier recensement agricole, on dénombre 496 000 exploitants agricoles. « Le déclin de la population active agricole est un phénomène ancien, longtemps encouragé par les pouvoirs publics pour accompagner la modernisation du secteur [… ] Ce mouvement de réduction de la population active agricole et des exploitations est aujourd’hui questionné » expliquait encore récemment la Cour des comptes dans l’un de ses rapports.
Aujourd’hui, l’agriculteur est majoritairement un homme. Les femmes représentent 29 % des actifs permanents agricoles en 2020 contre 32 % en 2010. Les femmes sont plus présentes dans la viticulture et l’élevage de caprins et d’ovins. Elles sont dans ces domaines souvent chef d’exploitation. Elles sont d’ailleurs relativement plus nombreuses dans les microexploitations (34 %) que dans les exploitations de grande taille (25 %).
L’agriculteur est un homme âgé. Alors qu’un actif a en moyenne 40 ans, l’âge moyen des chefs d’exploitation, coexploitants et associés est en 2020, de 51,4 ans contre 50,2 en 2010, soit 11 ans de plus que l’ensemble des actifs ayant un emploi. Les femmes en charge d’une exploitation agricole sont, en moyenne, plus âgées de trois ans que les hommes. Tous sexes confondus, entre 2010 et 2020, la part des agriculteurs de moins de 40 ans reste stable (22 %) tandis que celle des 60 ans ou plus progresse de 8 points (18 %). Le vieillissement des chefs d’exploitation touche toutes les exploitations. La tranche d’âge 50 à 59 ans concentre 36 % des effectifs dirigeants, soit 2 points de plus qu’en 2010. Et parmi les plus de 60 ans, les deux tiers n’ont pas cherché ou identifié de repreneur.
Être agriculteur ne fait plus rêver. Alors qu’auparavant, les enfants reprenaient naturellement le métier du père, la transmission n’est plus une évidence. Dans les années 70, 90 % des agriculteurs étaient fils ou filles d’agriculteurs, cette proportion n’est plus que de 75 % aujourd’hui.
Alors que les fermes tendent à se spécialiser et à se moderniser, le niveau de formation des jeunes agriculteurs est plus élevé aujourd’hui. Le niveau de formation des exploitants agricoles augmente au fil des générations comme pour l’ensemble des actifs. En 2020, un exploitant sur deux a suivi une formation générale ou agricole de niveau bac ou plus. Parmi les exploitants de 60 ans ou plus, 23 % n’avaient pas suivi de formation générale ou agricole au-delà de l’école primaire, tandis que la quasi-totalité des générations suivantes ont au moins une formation de second cycle court. Les moins de 40 ans disposent d’une formation plus élevée : 85 % ont un niveau au moins égal au baccalauréat.
Selon des données de l’Insee publiée en 2020 sur des données datant de 2018, 18 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté (13 000 euros par an pour une personne seule en 2018), Le niveau de vie annuel médian des ménages agricoles est de 22 210 euros. Bien sûr de grandes disparités existent selon la nature de l’exploitation. Les éleveurs bovins et ovins sont les plus touchés, 25 % des ménages vivent sous le seuil de pauvreté. Les 10 % des ménages agricoles les plus modestes ont un niveau de vie annuel inférieur à 9800 euros. Ces disparités de revenus sont essentiellement liées à la nature des productions agricoles. Le niveau de vie des ménages agricoles est le plus élevé en Île-de-France. Il est globalement plus important dans le nord-est de la France et beaucoup plus faible dans le Sud, notamment en Lozère, Creuse, Ariège, Ardèche, et plus encore en Martinique et à La Réunion. ■
Sources : Agreste
Le projet de loi d’orientation agricole
Annoncé par le président de la République, plusieurs fois repoussé, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture a été présenté le 3 avril dernier en Conseil des ministres. Il vise à préserver la souveraineté agricole et alimentaire du pays, en donnant à notre agriculture les moyens de relever les défis du renouvellement des générations en agriculture et des transitions imposées par le changement climatique et la crise environnementale, et en simplifiant et sécurisant l’exercice de l’activité agricole.
Ce projet de loi « affirme le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, qui garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation » détaille le ministère qui précise que « cette souveraineté doit être pensée à l’échelle des territoires et des filières, des exploitations, ainsi que des femmes et des hommes qui font l’agriculture ». Aussi pour y parvenir, le projet de loi mobilise trois leviers prioritaires : celui de l’investissement dans nos ressources humaines, par l’orientation, la formation et le soutien à l’innovation ; celui d’une politique renouvelée en faveur de l’installation et de la transmission des exploitations agricoles ; ainsi que celui de la simplification. « Ces ambitions s’inscrivent dans la volonté d’adapter nos systèmes de production aux défis des prochaines années, notamment le changement climatique » insiste Marc Fesneau.
Premier défi à relever celui du renouvellement des générations - Dans dix ans, un tiers des agricultrices et des agriculteurs sera en âge de partir à la retraite –, en misant sur l’attractivité des métiers. Le texte propose notamment la mise en place d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire dès l’école primaire puis au collège et lycée (stages découvertes, immersifs, promotion des formations). Autre mesure, la création d’un « Bachelor Agro », diplôme de Bac +3, « pour permettre aux futurs professionnels des secteurs agricole et agroalimentaire d’accroître leurs compétences, face à la complexité et l’exigence croissante des métiers agricoles notamment ».
L’autre grand axe vise à refonder la politique d’incitation à l’installation des agriculteurs et à la transmission des exploitations. Cela passe entre autres par « l’accompagnement individualisé de chaque personne qui souhaite s’installer ou travailler en agriculture ou céder une exploitation » avec l’instauration du réseau « France services agriculture ».
Enfin, et cela faisait partie des revendications des agriculteurs en colère, le texte présente un cadre simplifié d’action. « Il ne peut pas y avoir de souveraineté alimentaire et agricole sans simplification des contraintes et des injonctions contradictoires qui pèsent sur la compétitivité de l’agriculture » reconnaît le ministre. Il est ainsi acté l’adaptation du régime de répression des atteintes au droit de l’environnement, avec des procédures et des peines véritablement adaptées aux situations, « de manière à éviter les procédures infamantes pour nos agriculteurs et avoir des sanctions proportionnées et progressives » ; la réduction des délais de recours contentieux contre les projets agricoles et ouvrages hydrauliques pu encore la simplification et l’unification du régime applicable aux haies (enjeu de la conciliation entre production agricole et biodiversité).
Le projet de loi sera débattu à partir du 13 mai à l’Assemblée nationale.