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Les Français devraient manger moins de viande

Manger moins de viande est bon pour la planète explique la dernière étude conjointe du réseau Action Climat et de la Société française de nutrition*.

Manger moins de viande. Une nouvelle injonction pour les Français ? Après « Limiter les aliments gras sucrés salés », « manger-bouger », peut être verrons-nous bientôt le mois sans viande comme il existe le Dry january. Quoiqu’il en soit, le « manger moins de viande » est le nouveau credo prôné par de plus en plus d’études pour réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre et limiter ainsi notre empreinte carbone. La dernière étude en date, parue à quelques jours du salon de l’Agriculture a été présentée par la Société française de nutrition (SFN) et le réseau d’ONG écologistes Réseau Action Climat (RAC). Elle vise à prendre en compte les enjeux environnementaux dans le Programme National Nutrition Santé qui doit être prochainement révisé.

Chiffres à l’appui, les auteurs estiment qu’avec une diminution de 50 % de la consommation de viande par rapport à la moyenne française actuelle, cela permettrait à la France d’atteindre ses objectifs climatiques liés à l’agriculture : neutralité carbone et réduction des émissions de gaz à effet de serre de son secteur agricole de 46 % d’ici 2050.

Pour le consommateur français, cela reviendrait à consommer pas plus de 450 g de viande par semaine (toutes viandes confondues, incluant la viande rouge, la volaille et la charcuterie), « et à manger des légumineuses chaque jour (lentilles, pois chiches, haricots secs, etc.) », histoire de satisfaire l’ensemble des apports nutritionnels recommandés. A la Prévert cela donne : « De la viande trois à quatre fois par semaine en incluant la charcuterie ; des œufs deux, trois fois par semaine ; du poisson deux fois par semaine dont un poisson gras ; cinq fruits et légumes par jour comme c’est aujourd’hui recommandé ; deux petites poignées de fruits à coque par jour ; pour les produits céréaliers s’orienter vraiment vers les produits complets ou semi-complets ; deux à trois portions de produits laitiers par jour ; et une petite portion quotidienne de légumineuses, c’est-à-dire de légumes secs cuits comme les pois chiches, les lentilles, les flageolets » résume l’experte en nutrition et santé publique et membre de la Société Française de Nutrition, Nicole Darmon, qui a participé à l’étude.

En France, après deux décennies de baisse entre 1990 et 2012, la consommation de viande par habitant affiche une légère hausse depuis une dizaine d’années : elle a progressé d’un peu plus de 2 % entre 2013 et 2022. Une évolution qui est toutefois différente selon les viandes : à la baisse pour la viande rouge (avec une légère remontée ces deux dernières années) et le porc, et en hausse pour le poulet dont la consommation française a plus que doublé entre 2000 et 2022. « Au final, déplorent les rapporteurs, avec en moyenne 85 kg par an, la quantité de viande consommée par habitant en France est aujourd’hui deux fois supérieure à la moyenne mondiale ». Mais cela reste dans la moyenne européenne et loin des 100 kg de viande aux Etats-Unis ou des 17 kg avalés par un Chinois.

Pour les auteurs de l’étude, manger moins de viande n’a que des avantages. « Le système agricole et alimentaire est responsable de 34 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial » soulignent-ils en insistant bien sur le fait que l’alimentation représente au niveau national 22 % de notre empreinte carbone. Et au sein de l’alimentation, la viande est le premier contributeur (rejet de méthane dans les rots des vaches, chèvres et moutons). L’étude dénonce également la déforestation nécessaire pour un élevage intensif (espace et alimentation). Bon pour le climat mais aussi bon pour la santé. « Si on divise la viande par deux et qu’on fait une bonne végétalisation de son alimentation hebdomadaire, au contraire on va vers du mieux parce qu’on a une alimentation qui est plus riche en fibres, qui est moins riche en acides gras saturés, en sel, en sucre... et tout ça, on sait que ça va permettre une meilleure prévention des maladies non transmissibles liées à l’alimentation » explique Nicole Darmon.

Fort de ce constat, Réseau Action Climat et la Société française de nutrition insistent sur « l’urgence de se doter de politiques publiques pour des régimes sains et durables ». Une transition qui doit passer par une révision des recommandations du PNNS « de manière à prendre en compte les enjeux environnementaux » (Jusque-là ces recommandations ne prenaient en compte que les enjeux de nutrition et de santé humaine). C’est ce qui se fait déjà dans 25 pays insistent les rapporteurs, majoritairement en Europe mais aussi au Brésil, au Canada, en Chine ou encore au Mexique. « Les guides alimentaires de ces pays montrent qu’il est donc possible d’élaborer des recommandations favorables à la fois à la santé des populations et à l’environnement, ce qui est inspirant pour les évolutions nécessaires à apporter aux recommandations du PNNS en France » se félicitent les auteurs de l’étude.

Du côté des éleveurs, on se montre plus réservé bien sûr en s’inquiétant des risques pour leur activité. Ce à quoi, les auteurs de l’étude répondent qu’en consommant moins mais mieux et localement, il n’y aurait aucun risque pour la production nationale et ce d’autant plus lorsque l’on sait qu’en moyenne, plus de 30 % de la viande consommée en France en 2022 était importée. 

*Comment concilier nutrition et climat ? Pour la prise en compte des enjeux environnementaux dans le Programme National Nutrition Santé.

L’alimentation représente 22 % de l’empreinte carbone nationale.

Plan élevage du gouvernement
Au premier jour du salon de l’agriculture, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a présenté aux filières d’élevage le plan gouvernemental pour reconquérir notre souveraineté sur l’élevage.
“Aujourd’hui, l’élevage est en danger et la reconquête de notre souveraineté est un impératif” a affirmé le ministre en présentantau Salon de l’Agriculture ce plan gouvernemental pour l’élevage, très attendu par la filière. Si nombre de mesures ne sont pas nouvelles, l’exécutif a toutefois déclaré vouloir « accélérer leur mise en œuvre ». Mais l’objectif en ligne de mire est bien celui d’enrayer la baisse du cheptel français afin de permettre à la France d’être « en capacité d’approvisionner sa population en denrées alimentaires issues d’animaux élevés sur le sol français ». En sept ans, le nombre de vaches a reculé de près d’un million de têtes pour descendre autour de sept millions. « La réduction de la taille de notre cheptel d’élevage en France n’a jamais constitué et ne saurait constituer un objectif de politique publique » confirme le ministère.
Plusieurs mesures fiscales viennent soutenir cette ambition, alors que « la rémunération des éleveurs demeure globalement plus faible que dans les autres productions agricoles malgré l’accroissement des soutiens publics, notamment de la PAC, sur la décennie passée ». Dès le mois de juillet le secteur de l’élevage bénéficiera d’une enveloppe de 400 Me de prêts garantis. Ont été aussi promis une allocation de 30 Me par an pour soutenir l’investissement en agroéquipements contribuant à réduire significativement les GES avec l’objectif de « replacer l’élevage au cœur de la transition écologique », sans pour autant « réduire la taille du cheptel » ; et le déblocage d’une enveloppe de 15 Me pour renforcer la lutte contre la tuberculose, etc.
Le plan entend également « combattre les attaques injustifiées menées à l’encontre de l’élevage » savamment entretenues par « idéologie » par une poignée d’ONG militantes. Cela passera notamment par une vaste campagne de communication de 3 millions d’euros sur les métiers agricoles. Elle viendra expliquer « les apports positifs de l’élevage » permettant ainsi d’apporter des « contre-arguments face aux informations erronées ».
Fin février le décret protégeant les dénominations utilisées pour désigner les denrées alimentaires d’origine animale a été publié (voir ci-dessous). La viande de synthèse « ne correspond pas à notre modèle d’alimentation » a bien martelé le ministère. Un groupe de travail interministériel sur les manuels scolaires sera aussi mis en place « pour objectiver si des raccourcis conduisant à des stigmatisations ou informations inexactes à l’aune des connaissances scientifiques existantes sont présents, et le cas échéant, inviter à les corriger ». Enfin, l’exécutif souhaite obliger la restauration collective à intégrer dans ses menus 100 % des produits « durables et de qualité » pour les viandes et poissons.

Finis les termes de « steak végétal » ou « bacon végétal », ces appellations trompeuses dénoncées par les filières élevage et boucherie-charcuterie. Le décret publié fin février interdit d’ici fin mai l’utilisation de termes associés à la viande sur les étiquettes de produits végétaux. Il désigne les termes interdits pour la désignation des denrées alimentaires comportant des protéines végétales comme filet, faux-filet, rumsteck, bifteck, entrecôte, bavette, escalope, jambon, flanchet ou paleron. Sont également interdits dans le cadre d’une commercialisation de produits à base de protéines végétales les termes « faisant référence aux noms des espèces et groupes d’espèces animales, à la morphologie ou à l’anatomie animale ». Une autre liste autorise l’utilisation de certains termes pour désigner des denrées alimentaires « d’origine animale pouvant contenir des protéines végétales », sous condition de respecter une part maximale - en pourcentage - de végétal, très faible. Le décret prévoit des sanctions en cas d’infractions (amende). Toutefois, « les produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou dans un pays tiers » restent autorisés indique le gouvernement.

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