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Ukraine en guerre, le patrimoine en péril

Depuis le 24 février 2022, après deux ans de guerre, l’Unesco peut confirmer que 341 sites culturels ukrainiens ont été endommagés. Les dégâts sont estimés à 3,3 milliards d’euros.

Plus de deux ans de guerre et les morts civils et militaires se comptent par centaines de milliers ; les dégâts matériels sont énormes, les infrastructures économiques touchées. La guerre frappe aussi les sites culturels. Rien ni personne n’est épargné.

En avril 2023, en s’appuyant sur des images satellitaires, l’Unesco avait entrepris un relèvement des sites dégradés, endommagés et/ou détruits. A l’époque déjà, l’agence onusienne avait estimé que 248 monuments avaient été touchés, dont une majorité de sites religieux. Le montant des dégâts dans le domaine culturel était estimé à 2,4 milliards d’euros. Mais loin de s’arrêter la guerre s’éternise avec son cortège de nouveaux dégâts. De nouveaux monuments et édifices culturels sont venus s’ajouter à cette triste liste. Ce ne sont plus 248 monuments qui ont été touchés mais bien 341 pour un montant estimé à 3,3 milliards de dollars. Et on imagine bien que depuis que cet article a été écrit, la liste s’est encore allongée. Parmi les édifices touchés on compte 126 sites religieux, 150 bâtiments d’intérêt historique et/ou artistique, 31 musées, 19 monuments, ou encore 14 bibliothèques. La région de Kharkiv est de loin la plus touchée (près de 25 % des dégâts recensés), suivie par celles de Donetsk (14,7 %) et d’Odessa (7,6 %).

A noter aussi que depuis février 2022, le secteur de la culture et du tourisme a également accumulé une perte de revenus de 19,6 Mds$ (+30 % en un an), dont plus de la moitié s’élève à 10,6 Mds$ pour la seule ville de Kyiv, principalement liée à la chute de la fréquentation touristique et au fort ralentissement des industries créatives indique l’Unesco dans un communiqué.

Pour l’agence onusienne pour l’éducation, la science et la culture, il faudra mobiliser près de 9 Mds$ (8,7 milliards d’euros) de 2024 à 2033 pour financer les efforts de relèvement et de reconstruction. Ce besoin de financement s’est accru de 30 % en un an.

Pour répondre aux besoins les plus urgents, l’UNESCO a mobilisé depuis 2 ans plus de 66M$ auprès de ses Etats membres et du secteur privé. Mais aujourd’hui l’effet de lassitude gagne et le conflit entre Israël et le Hamas accapare toutes les attentions et détourne les donateurs.

Mais cela ne suffit pas à décourager l’Unesco qui en a vu d’autres et qui sans démériter remet sans cesse l’ouvrage sur le métier en livrant du matériel d’urgence mais aussi en conseillant les professionnels ukrainiens de la culture sur les meilleures façons de mettre les œuvres à l’abri ou encore de renforcer les dispositifs de prévention des incendies. L’UNESCO a aussi initié la numérisation 3D et l’inventorisation des biens culturels à Kyiv, Lviv, Odessa ou encore Tchernihiv. « Ces données constituent une base documentaire indispensable à la reconstruction. Couplée à une coordination régionale des services de police et de justice, elles permettent aussi de lutter contre le trafic illicite de biens culturels ». Plusieurs chantiers de consolidation et de réparation ont été initiés par l’Unesco notamment à Odessa (musée des Beaux-Arts, musée d’Archéologie, Maison des scientifiques) et dans plusieurs musées de Kyiv.

Et puis l’Unesco a décidé d’inscrire de nouveaux sites ukrainiens au patrimoine mondial en péril de l’Unesco afin d’« informer la communauté internationale ». C’est le cas du centre historique d’Odessa, en mai 2023 puis de bâtiments situés dans la capitale et dans la ville de Lviv, en septembre 2023 portant à sept le nombre de sites culturels ukrainiens faisant partie de la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco (dont trois au patrimoine en péril à Kiev), ou encore le centre historique de Lviv. Mais cette protection toute théorique est loin d’être suffisante. Le classement d’Odessa, en janvier, sur la liste du Patrimoine en péril n’a pas empêché la destruction du centre historique. 

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