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Le Ceta renvoyé sèchement par le Sénat

Le 21 mars, les sénateurs ont largement rejeté le traité Ceta de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.

La tension était palpable ce jour-là dans un hémicycle à l’ambiance d’habitude plus feutrée. En pleine crise agricole, le Sénat allait-il adopter le traité de libre-échange entre la France et le Canada ou bien le rejeter ? Si les sénateurs communistes avaient choisi d’inscrire le projet de loi de ratification de l’accord dans leur niche parlementaire, c’est finalement une alliance de circonstance entre une partie de la droite et la gauche (communistes, socialistes et écologistes) qui est venue mettre à terre un édifice fragile. Après de longs échanges et des dénonciations d’obstruction fusant de tous les bancs et le temps imparti filant, les sénateurs ont d’abord majoritairement rejeté l’article 1er du projet de loi autorisant la ratification de ce traité par 211 voix contre 44 - 79 sénateurs n’ont pas pris part au vote, avant de confirmer quelques minutes plus tard leur rejet lors du vote final sur l’ensemble du texte (269 pour, 26 contre). « Vous envoyez un très mauvais signal à nos agriculteurs, nos exportateurs et aux Canadiens » a déploré Franck Riester, le ministre délégué, chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité, de la Francophonie et des Français de l’étranger. Le patron des sénateurs centriste Hervé Marseille, qui avec ses troupes avait quitté l’hémicycle - fait rarissime - a pour sa part dénoncé « une instrumentalisation à des fins électorales » à quelques mois des européennes.

Contesté et décrié, le Ceta a été signé en 2016 et adopté en 2017 à l’échelle européenne et appliqué provisoirement depuis. Il prévoit notamment la suppression des droits de douane sur 98 % des produits échangés entre l’Union européenne et le Canada, au grand désarroi des éleveurs français qui redoutent la concurrence de la viande canadienne (coûts moindres et contraintes moins strictes). Adopté de justesse en 2019 par l’Assemblée nationale, le gouvernement doutant du vote du Sénat n’avait pas alors pris le risque de l’inscrire à son calendrier. Ce que beaucoup au Palais du Luxembourg ont dénoncé comme « un déni de démocratie ». « Il y a encore eu un mépris du Sénat et du Parlement et ça, on n’a pas oublié » a souligné Bruno Retailleau, le patron des Républicains, premier groupe au Sénat. Ce vote « est l’occasion d’envoyer un message symbolique. Nous venons d’adresser un signal à la Commission européenne, au moment où elle négocie le Mercosur » s’est-il ensuite justifié.

Le vote du Sénat ne signe pas encore la fin du traité. Le texte doit maintenant repasser par la case Assemblée pour un nouvel examen (voir encadré). A l’issue du vote du Sénat, les députés communistes se sont d’ailleurs empressés d’annoncer qu’ils allaient inscrire la ratification du Ceta dans leur niche parlementaire du 30 mai prochain.

En cas de vote négatif des députés, la majorité présidentielle n’étant pas assurée, le traité pourrait être rejeté pour l’ensemble de l’Union européenne comme le stipule la déclaration 20 du Conseil de l’UE qui prévoit la dénonciation de l’application provisoire du Ceta si la ratification échoue pour un Etat membre. Mais, pour cela encore faudrait-il que le gouvernement français prévienne officiellement Bruxelles du rejet. La tentation sera forte. En 2020, Chypre n’avait pas informé officiellement l’UE de son vote contre la ratification. Et le traité provisoire avait continué à s’appliquer. 


« Nous ne souhaitons pas, comme nous l’avons vu au Sénat, que certains groupes d’opposition instrumentalisent ce débat légitime à des fins électoralistes » a expliqué dans un entretien au Figaro le ministre délégué au commerce extérieur, Franck Riester pour justifier le fait que le texte ne serait pas transmis tout de suite à l’Assemblée. « Le projet de loi sera transmis le moment venu, a-t-il précisé, mais pas avant les élections européennes, car ce sujet nécessite un temps de débat apaisé ». « L’alliance contre-nature au Sénat entre le groupe communiste et une partie des sénateurs LR est non seulement une manigance politique, mais aussi un mauvais coup infligé à nos entreprises, nos agriculteurs et viticulteurs, nos producteurs de fromage, et à tous ceux qui travaillent dans les entreprises françaises exportatrices vers le Canada » a affirmé le ministre.

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