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Baisse de forme pour le Made in France

Le « made in France » n’est plus un critère pour les responsables d’achats des entreprises françaises.

Selon la dernière étude annuelle* du cabinet AgileBuyer et du Conseil national des achats (CNA), composé de responsables d’achats, le critère du Made in France est tombé à 47 % pour 2024 contre 61 % en 2022 et même 65 % en 2023. Une baisse sensible et visible dans de très nombreux secteurs. Seul, le secteur du luxe continue encore à privilégier le Made in France. Dans le luxe, 71 % des commandes sont toujours tournées vers le fabriqué en France. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette tendance à la baisse.

Première explication, le coût, qui pour 22 % des répondants est trop important (17 % en 2023). Longtemps présenté comme « valeur refuge », le Made in France tend à perdre son principal atout en raison du coût élevé des produits français qui dissuade en effet encore trop souvent les acheteurs qui se trouvent réduit à aller voir ailleurs. Or, l’enquête montre que les responsables d’achat cherchent pourtant à sortir de la dépendance avec la Chine – 51 % veulent réduire cette dépendance, sans pour autant s’en détacher complètement. Le secteur le plus concerné par cette tendance de choix est sans conteste celui de l’informatique et des télécoms (88 %).

Par ailleurs, il ressort du sondage que les responsables d’achat se disent également attentifs aux évolutions géopolitiques du moment pour établir leurs stratégies d’achat. 70 % des entreprises anticipent un impact sur leurs achats en 2024, notamment dans les secteurs de la communication, de l’automobile, de la pharmacie-santé-cosmétologie et de la défense. La « normalisation » des approvisionnements aura forcément un impact direct sur les achats Made in France qui n’apparaissent plus forcément comme une « solution anti-rupture d’approvisionnement ».

Autre inquiétude formulée par les directeurs des achats, celle d’avoir en face d’eux des situations de cartels entre leurs fournisseurs d’une même famille d’achats. Une situation souvent « difficile à établir et donc difficile à contrer » explique Olivier Wajnsztok, directeur associé d’AgileBuyer qui y voit « un poison silencieux ». L’entente illicite entre entreprises correspond à des pratiques qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché. L’étude révèle que le secteur le plus touché est celui de l’immobilier et du BTP (à 81 %), suivi de l’énergie-environnement (à 71 %), de l’aéronautique-défense et de l’automobile (à égalité à 70 %).

Enfin, pour encore de trop nombreux consommateurs, le made in France est hors de portée ; il est trop cher pour les particuliers. Ce qui peut évidemment dissuader les entreprises à investir. Plusieurs sociétés qui fabriquent en France n’hésitent d’ailleurs pas à alerter les pouvoirs publics et les Français en demandant notamment « un cadre économique spécifique et une décision politique forte et structurelle » comme le dit Guillaume Gibault, fondateur du Slip Français. Sans cela, poursuit-il « nous ne pourrons poser de vision long terme, d’ambition forte pour notre fabrication française et nous serons condamnés à constater, année après année, sa fragilité ». « Sans prise de risque entrepreneuriale, sans soutien citoyen, sans décision politique forte, pas de reconquête industrielle » lace le jeune entrepreneur qui rappelle que la part de produits Made in France est passée dans l’industrie de 82 % en 1965 à 38 % aujourd’hui. « Dans la filière textile, le Made in France représente à peine 3 % des vêtements mis sur le marché ». D’autres suggèrent par exemple une TVA réduite pour ces entreprises misant sur le savoir-faire français.

Le Made in France c’est 7,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Selon les chiffres de Bercy, cette industrie, représentée par près de 235 000 entreprises, contribue à 10 % du PIB du pays. Rappelons qu’acheter français, c’est aussi faire un acte citoyen en jouant la carte d’un savoir-faire de qualité et de proximité. Acheter français, c’est finalement bon pour l’économie nationale en développant l’emploi local, et bon pour la planète (circuits courts). Mais c’est encore trop cher. 


*L’étude sur « les priorités des départements achats en 2024 » a été réalisée du 20 novembre au 11 décembre 2023, en ligne, auprès d’un panel de personnes exerçant dans les achats, dont 870 ont répondu intégralement.


Le Made in France
7,2 Mde de chiffre d’affaires


Crise agricole : Plus de contrôles sur l’origine française des produits
« Nous contrôlerons l’origine française des produits. Il est inacceptable que cette origine France, qui est gage de qualité, soit galvaudée ou contournée par un certain nombre d’industriels au détriment de la production de nos agriculteurs. Il est donc hors de question qu’il puisse y avoir tromperie sur la marchandise. (…) Nous prévoyons donc plus de 10 000 contrôles sur l’origine française des produits avec des sanctions qui cette fois pourront atteindre 10 % du chiffre d’affaires des industriels ou des distributeurs qui auraient fraudé sur l’origine française des produits agricoles » a indiqué le ministre de l’économie, Bruno Le Maire qui s’exprimait à la suite du premier ministre.

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