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Une loi de programmation énergétique réduite

Présenté juste avant le remaniement, le projet de loi de souveraineté énergétique qui visait à sortir la France de sa dépendance aux énergies fossiles, protéger les consommateurs et assurer notre indépendance énergétique a été revu et corrigé par Bercy.

Le texte qui entendait « remettre notre pays sur une bonne trajectoire énergétique » et qui devait être présenté en conseil des ministres début février a vu son calendrier bouleversé. Bercy en a profité pour reprendre la main et réviser largement le texte en supprimant le volet climatique et tout ce qui touche au choix des énergies. « Les consultations menées sur la stratégie française énergie-climat ont montré l’intérêt de prendre davantage de temps pour trouver le juste équilibre entre les différents leviers de notre politique énergétique pour atteindre la neutralité carbone en 2050 » a justifié Bercy. Pour l’entourage du ministre Bruno Le Maire c’est ainsi prendre plus de temps pour « refaire le tour des acteurs et reprendre les consultations pour essayer de trouver un consensus » autour d’un sujet explosif censé concilier développement des énergies renouvelables et nucléaire. Une évolution et un timing que le ministre « assume ». Bruno Le Maire s’est par ailleurs dit « totalement convaincu » que le nucléaire et les renouvelables, « c’est complémentaire ».

Après avoir évacué les objectifs chiffrés de développement de la production ni de consommation d’énergies renouvelables électriques - « Le projet de loi abandonne toute ambition pour les énergies renouvelables » (Syndicat des énergies renouvelables) -, la programmation énergétique selon la vision de la ministres sortante confortait « le choix durable de l’énergie nucléaire en tant que scénario d’approvisionnement compétitif et décarboné ». Il n’en est plus question dans la dernière version. Exit aussi toute mention des objectifs européens énoncés dans la directive sur les énergies renouvelables (RED) adoptée l’année dernière. Il est acté que « l’UE doit atteindre 42,5 % de renouvelables dans la consommation finale d’énergie — au moins 44 % en France, selon les calculs de Bruxelles. Or, le texte de loi français ne fait aucunement mention de ces objectifs » soulignent nos confrères d’Euractiv. Que contient alors le projet du gouvernement repris par Bercy ? Il reste tout ce qui concerne la régulation des prix, la protection des consommateurs et le régime des barrages hydroélectriques (voir encadré). Ont ainsi été conservés une série de mesures pour « lutter contre un certain nombre de pratiques commerciales agressives ». Sont actées une meilleure information de l’impact financier d’une nouvelle offre pour le consommateur et l’interdiction des régularisations de factures excessives en fin de période. Tout cela sous la surveillance de la Commission de régulation de l’énergie et du ministère de la Transition énergétique dont les pouvoirs de sanctions seront renforcés.

Mais l’annonce de ce revirement gouvernemental n’a pas été du goût des sénateurs notamment qui, dans un communiqué, estiment que « le retrait des objectifs énergétiques du projet de loi sur la souveraineté énergétique prive le Parlement d’un vrai débat démocratique sur la transition énergétique ». Ils appellent fermement « le gouvernement à respecter l’esprit de la loi ’Énergie-Climat’ de 2019 ». « La définition de nos objectifs énergétiques doit être le fruit d’un processus parlementaire, démocratique et ouvert, et non d’une démarche technocratique, en huis clos. C’est la clé pour relever les défis de la décarbonation et de la réindustrialisation » insiste Daniel Gremillet, rapporteur LR du texte.

La commission des affaires économiques trouve que dans un contexte de crise des prix des énergies, « un débat global et approfondi est nécessaire pour aborder les enjeux de notre mix énergétique et de la protection des consommateurs ». Pour elle, un volet programmatique substantiel doit être impérativement réintégré par le gouvernement dans le projet de loi sur la souveraineté énergétique.

« Pour une relance efficace de la production d’énergie décarbonée, notamment nucléaire, il est crucial de définir des objectifs clairs et stables pour les entreprises, les collectivités et les citoyens. Ce volet est non seulement un impératif démocratique mais aussi une nécessité économique » conclut Dominique Estrosi Sassone, Présidente de la commission des affaires économiques du sénat.

Mais en l’absence d’un ministre délégué à l’énergie, il est pour le moment difficile de se faire entendre. 


Pour un “redéploiement de l’hydraulique”
La France entend profiter de son projet de loi sur la souveraineté énergétique pour remettre à plat la gestion de son parc hydroélectrique et mettre un terme au conflit qui l’oppose à la commission européenne depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, les barrages représentent la deuxième source de production électrique du pays, après le nucléaire.
Alors que Bruxelles exige de la France d’ouvrir à la concurrence ses concessions hydroélectriques, EDF qui exploite majoritairement les barrages français estiment qu’un tel régime de concessions ne permet pas au groupe d’augmenter sereinement les capacités de production des barrages existants. EDF plaide pour un régime dit d’autorisation lui permettant d’investir sans remise en concurrence des ouvrages. L’avant-projet de loi stipule que le gouvernement pourrait prendre par ordonnances les mesures nécessaires « à la mise en conformité au droit européen du régime des concessions hydroélectriques ». Cela permettrait « de libérer les capacités d’investissement des acteurs du système électrique au service de la pleine contribution de ces installations à la sécurité d’approvisionnement et à la production d’électricité décarbonée » explique le gouvernement.

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