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Loi Immigration : stop ou encore ?

Après un parcours législatif semé d’écueils et de retournements, le projet de loi immigration a finalement été adopté après un accord entre le camp présidentiel et la droite. Retour sur les mesures du texte dont certaines sont sous la menace d’une censure.

Après le vote de la motion de rejet et la tenue d’une commission mixte paritaire houleuse, les 14 députés et sénateurs avaient finalement trouvé un accord sur une version proche du texte initial du Sénat. Ce texte durci a ensuite été adopté par l’Assemblée et le Sénat. Le Conseil constitutionnel a été saisi par le président mais également par les oppositions de gauche.

Le texte contient un certain nombre de mesures visant à restreindre l’accès aux prestations sociales. Désormais, leur accès est conditionné à la durée de séjour et à un travail. Si jusqu’à l’adoption de ce texte, le versement des prestations nécessitait qu’il fallait être en situation régulière (titre de séjour en cours de validité) et que la durée de séjour n’était souvent que de quelques mois, le nouveau texte durcit ces conditions. Pour les allocations familiales et pour l’allocation personnalisée d’autonomie, destinées aux personnes de plus 60 ans en perte d’autonomie, il faudra désormais justifier d’une présence de plus de 5 ans sur le sol national pour les personnes sans-emploi et de 30 mois pour les personnes exerçant une activité. La question de l’Aide personnalisée au logement (APL) a suscité de difficiles tractations entre la droite et la macronie. Pour en bénéficier, il faudra avoir séjourné cinq années en France pour ceux qui ne travaillent pas et trois mois pour ceux qui ont un emploi.

Autre sujet, celui des métiers en tension. Pour la droite, ce fameux article 3 était rédhibitoire. Il prévoyait la création d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension. Ce sera finalement, une régularisation « exceptionnelle » laissée à la discrétion des préfets. Il ne pourra être délivré qu’à la condition d’une présence en France depuis au moins trois ans et d’une activité professionnelle salariée depuis au moins 12 mois sur les 24 derniers. Cette mesure ne s’appliquera qu’à titre expérimental et ce jusqu’en 2026. Elle devra ensuite être validée par la loi au supprimée. La démarche pourra être faite directement par le salarié et non plus par son employeur.

Contrairement au texte porté par Gérald Darmanin, il n’était nullement question de « quotas ». Avec la version durcie, c’est une tout autre histoire. Est ainsi prévu un nombre de personnes qui seront admises à séjourner en France pour une durée de trois ans pour des raisons économiques.

Dans le texte aussi la déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs d’homicide volontaire contre les forces de l’ordre.

Pour ce qui est du droit du sol qui pose le principe que toute personne née en France est française, l’option choisie par les sénateurs en première lecture a été reprise dans le texte de la CMP. La personne née en France de parents étrangers devra faire la démarche entre ses 16 et 18 ans pour obtenir la nationalité française. Par ailleurs, une personne condamnée pour crime ne pourra pas obtenir la nationalité française.

Le « délit de séjour irrégulier » supprimé par François Hollande en 2012 a été rétabli. Une personne présente illégalement sur sol français pourra être condamné à une amende sans peine de prison.

Les mineurs ne pourront plus être placés en centre de rétention administrative contrairement à ce qui est possible aujourd’hui de les placer avec leurs parents avant expulsion.

Autre sujet, celui du regroupement familial. Celui-ci a été durci. Avant de pouvoir faire venir sa famille, l’étranger résidant en France devra attendre 24 mois contre 18 actuellement. Il devra également justifier de « ressources stables, régulières et suffisantes » et avoir accès à l’assurance maladie. S’il est en en union ou en concubinage, son conjoint devra avoir au moins 21 ans et non 18 ans comme c’est le cas aujourd’hui.

Le texte acte la création d’une caution pour les étudiants étrangers. Caution qui devra être faite au moment de la demande de visa. La mesure vise à couvrir le coût de potentiels « frais d’éloignement ». La mesure a été vivement contesté par la majorité présidentielle qui redoute un tarissement de l’arrivée d’étudiants étrangers. 


Rendez-vous pris pour l’AME
Sujet délicat, l’Aide médicale d’Etat (AME) qui avait été supprimée par le Sénat pour être transformée en aide médicale d’urgence (AMU) avant d’être réintroduite dans le texte de la commission des lois à l’Assemblée ne sera au final plus présente. Elle était de toutes façons sous la menace d’une censure constitutionnelle.
Ouverte aux étrangers en situation irrégulière, sans titre de séjour ni demande en cours, elle permet une prise en charge à 100 % de la plupart des frais médicaux, hospitaliers et pharmaceutiques.
Après de longs débats, il a finalement été acté que le gouvernement présenterait un projet de loi sur l’AME « au début de l’année 2024 » comme le promet Elisabeth Borne dans un courrier adressé au président du Sénat Gérard Larcher.
L’accord conclu prévoit qu’il ne sera plus possible de venir en France pour se faire soigner sauf s’il n’existe pas de « traitement approprié » dans le pays d’origine du patient. Pas non plus de prise en charge par la sécurité sociale en cas de ressource suffisantes du malade.

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