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SNCF : Quand la facture déraille

Le coût de la SNCF pour la puissance publique – et donc pour les contribuables – est loin d’être négligeable. Il s’est élevé en 2022 à 20,0 Mde selon la dernière note de Fipeco, le site d’informations spécialisé sur les finances publiques dirigé par Philippe Ecalle.

Avant de se lancer dans l’étude des chiffres, il est juste et de bon ton de rappeler que mi-novembre, l’application SNCF Connect a été élue « Service client de l’année 2024 ». Et même si l’association 60 Millions de consommateurs « a cru à une blague » au communiqué du groupe ferroviaire, reconnaissons humblement que cette information n’a finalement que peu d’importance ici d’autant plus que Philippe Ecalle insiste bien pour expliquer que cette note n’a pas vocation à évaluer l’efficience des dépenses de la puissance publique en faveur de la SNCF. La note présente uniquement le montant des achats de services et des subventions qui ont été payés par l’État et les autorités régionales à la SNCF et au régime spécial de sécurité sociale des cheminots.

Calculs faits par ce spécialiste des finances publiques, le coût total de la SNCF pour les contribuables (ménages et entreprises) s’est élevé en 2022 à 20,0 Mde en 2022 (18,5 Mde en 2021). « Cette charge s’ajoute au prix payé par les usagers pour acheter des billets de train et elle est en partie financée par des ménages et entreprises qui n’utilisent pas les services ferroviaires » prend bien soin de préciser Philippe Ecalle. Voyager coûte cher. Très cher aux contribuables et pas seulement aux voyageurs.

Pour arriver à ce montant, l’ancien magistrat de la Cour des comptes s’est appuyé sur le Bilan annuel des transports, un rapport statistique publié chaque année par le ministère de la Transition écologique. La méthode n’a pourtant pas plu au groupe ferroviaire qui, interrogé par Les Echos, dit contester « vivement cette vision des choses ». « En rapprochant les coûts financés par la puissance publique pour le fonctionnement, l’investissement et la protection sociale, FIPECO ne fait qu’additionner des choux et des carottes » poursuit la SNCF un brin agacée. Voyons donc ces choux et ces carottes.

La principale contribution des contribuables aux coûts de fonctionnement de la SNCF (6,8 Mde en 2022) est ainsi constituée par les « subventions d’exploitation » versées à SNCF Voyageurs par les « autorités organisatrices » des transports régionaux, à savoir les régions (3,5 Mde) et Île-de-France Mobilités (3,3 Mde). Il faut ensuite ajouter à cela les coûts d’exploitation du réseau de proximité ainsi que les coûts de fonctionnement des trains Intercités et des transports de fret financés par l’Etat à hauteur de 3,3 Mde. « Par l’intermédiaire de l’État et des autorités régionales, les contribuables ont donc payé 10,1 Mde à la SNCF pour couvrir une partie de ses dépenses de fonctionnement » souligne Philippe Ecalle.

Après les choux, les carottes. Les subventions d’investissements reçues par la SNCF se sont élevées en 2022 à 1,9 Mde pour SNCF Voyageurs (surtout des subventions des autorités organisatrices régionales pour acheter des matériels roulants) et à 2,2 Mde pour SNCF Réseau (dont 0,9 Mde de l’Etat ou de l’AFITF et 1,3 Mde des collectivités locales ou d’Île-de-France Mobilités) selon le bilan annuel des transports.

Ajoutons encore dans le panier la charge des intérêts des dettes de la SNCF reprises par l’État qui s’est établie à 0,8 Mde en 2022. Et ce en dépit de la reprise de 43 Mde de dette de la SNCF par l’Etat depuis 2007, celle-ci s’élève encore aujourd’hui à près de 25 Mde.

Hors protection sociale des cheminots et après déduction des dividendes versés à l’État (0,4 Mde), « le coût de la SNCF pour les contribuables, était ainsi de 16,8 Mde en 2022 (15,2 Mde en 2021). La contribution de l’État a été de 6,7 Mde » assène Philippe Ecalle, calculatrice en main.

Enfin, si la loi de 2018 a prévu que les recrutements de cheminots au statut devait cesser le 1er janvier 2020 pour faire place à des embauches sous contrat de droit privé dans le cadre d’une convention collective de la branche ferroviaire, l’Etat doit toujours mettre la main à la poche pour financer le régime spécial de Sécurité sociale des travailleurs du rail partis à la retraite. Le coût budgétaire de cette « subvention d’équilibre » était de 3,2 Mde en 2022. Carottes + choux = 20,0 Mde en 2022. 


Un trafic pas à l’heure
Interrogé par des lecteurs du Parisien début septembre sur la qualité du trafic à la RATP, son président, l’ancien Premier ministre Jean Castex, assurait que « la situation s’était améliorée de façon significative » même si, reconnaissait-il « le compte n’y est pas encore ». Sans blague ? Récemment, Anne Hidalgo avait justement fait part de ses craintes sur la préparation des transports avant les JO de Paris. La maire de Paris avait alors été vivement critiquée par le gouvernement et par la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse. Quelques semaines plus tard, Valérie Pécresse toujours, mais avec sa casquette de présidente d’Île-de-France mobilités (IDFM) devait pourtant admettre dans un communiqué que la RATP avait du mal à faire « rouler l’ensemble des trains commandés » alors que Jean Castex « s’était pourtant engagé à le faire dès cet été ». D’abord limité au réseau de bus, la question de la régularité s’est largement étendue aux métros et aux RER. Aujourd’hui les lignes 3, 6, 7, 8 et 13 ont une ponctualité inférieure à 85 % aux heures de pointe avec pour conséquences des trains et des quais bondés et son corolaire, les malaises voyageurs. « L’indisponibilité des conducteurs (absentéisme, maladie…) », et ce, « malgré des recrutements massifs » est la première cause de trains supprimés explique IDFM. Une raison qui va à l’encontre de celle affichée par la RATP qui parle plutôt des bagages abandonnés. Or, selon IDFM, cela ne pèse que pour 9 % de l’offre non réalisée. Il y a aussi un problème de recrutement à la maintenance, responsable « de plus de 20 % des métros qui ne roulent pas » sur la ligne 8 par exemple. Mais la politique du chèque devrait tout arranger. IDFM a en effet voté une rallonge de 125 millions d’euros pour faire face aux hausses des charges de la RATP liées à l’inflation. Cette enveloppe doit permettre à la RATP « de verser à ses collaborateurs l’intéressement qu’ils méritent » « pour lutter contre l’absentéisme » précise IDFM.
Le constat est le même pour les RER avec notamment les lignes B – en partie exploitée par la RATP – et D (SNCF) considérées comme « problématiques ». « Pour le RER C, les résultats sont inférieurs aux objectifs mais en redressement » se félicite IDFM.
Et pendant ce temps, on nous annonce une hausse du pass Navigo et des billets en 2024.

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