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Pas moins de pesticides

Fin octobre, la commission environnement du Parlement européen avait voté en faveur d’une réduction de l’usage des pesticides à l’horizon 2030. Mais en novembre, les eurodéputés en ont décidé autrement en votant contre ce projet législatif.

A l’initiative des élus de gauche et des centristes du groupe Renew mais contre l’avis des eurodéputés de droite, la commission environnement du parlement européen avait voté en faveur d’une réduction drastique des pesticides au sein de l’UE (47 voix pour, 37 voix contre, 2 abstentions).

Ce projet législatif sur les pesticides, présenté comme un élément clé du pacte vert, avait été préparé par la commission européenne en juin 2022. Il prévoyait alors une réduction de 50 % d’ici à 2030, en comparaison avec la période 2015-2017, de l’usage de produits phytosanitaires chimiques. Les ambitions de la commission européenne avaient été ensuite réévaluées par les eurodéputés de la commission environnement qui ont voulu voir plus grand en passant à 65 %, à même échéance, l’objectif de réduction de l’utilisation des « produits les plus dangereux ». Ont-ils eu les yeux plus gros que le ventre ?

Le texte voté le mardi 24 octobre 2023 actait l’idée que les pesticides chimiques seraient bannis dans les « zones sensibles » (espaces verts urbains, terrains de jeux et de sport, sentiers publics, aires Natura 2000...) ainsi qu’autour sur une bande-tampon de cinq mètres. De nombreuses dérogations avaient été toutefois introduites.

Vent debout contre ce projet, les principales organisations syndicales agricoles (Copa-Cogeca) avaient alerté sur les risques pour la sécurité alimentaire et les pertes de rendement qui entraîneraient une hausse des importations. « Face à l’impact de la guerre en Ukraine (sur les marchés des céréales), cette proposition met en grave danger l’indépendance (européenne) en termes de sécurité alimentaire » déclarait à la veille du vote l’élu conservateur autrichien Alexander Bernhuber.

La discussion autour de ce texte avait été aussi l’occasion pour beaucoup d’une dénonciation en creux, des injonctions environnementales toujours plus contraignantes de l’Union européenne. La France comme d’autres pays, souhaitant d’ailleurs l’application de « clauses-miroirs » imposant les mêmes règles aux produits agricoles importés dans l’UE. Un souhait qui va être débattu d’ici décembre 2025, lorsque la Commission examinera les différences d’utilisation des pesticides sur les produits agricoles et agroalimentaires importés par rapport aux produits européens. Elle devrait proposer, si nécessaire, des mesures pour garantir que les importations respectent des normes équivalentes.

Mais voilà, en séance, les eurodéputés PPE (droite) n’ont eu de cesse de faire passer une série d’amendements amoindrissant le texte original qui a été finalement rejeté par 299 voix. Ils ont également refusé tout renvoi en commission parlementaire environnement. Ce vote oblige le Parlement européen à revoir sa copie, chose qui paraît extrêmement hasardeuse alors que se profilent les élections européennes en juin prochain. A l’issue du vote, la rapporteure du texte, l’écologiste Sarah Wiener, a jugé qu’il s’agissait d’« un jour noir » pour l’environnement et les agriculteurs. Le Parlement « a rejeté cette loi défigurée [par les amendements du PPE], les conservateurs mettent en danger la santé des agriculteurs et la biodiversité en luttant à tout prix contre la réduction des pesticides » a déploré l’eurodéputée allemande (Verts) Jutta Paulus. « La proposition bancale de la Commission subit un camouflet, il est temps d’arrêter de jouer aux apprentis sorciers en matière de politique environnementale et de prendre en compte les réalités des agriculteurs sur le terrain » a pour sa part déclaré l’eurodéputée française Anne Sander (PPE).

Six jours auparavant, la Commission européenne avait annoncé qu’elle renouvelait l’autorisation d’utilisation du glyphosate, cet herbicide controversé, pour 10 ans, après un vote où les États membres n’étaient pas parvenus à dégager une majorité (La France s’est abstenue). « La position de la commission qui dit “on autorise tous les usages pendant 10 ans sans limite” est une dinguerie » a vivement réagi, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu assurant que ce vote « n’allait rien changer ». « On va continuer d’interdire des usages du glyphosate et à restreindre son utilisation » a-t-il assuré. 

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