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De la laideur à la beauté

Les initiatives locales pour embellir et enrichir l’espace public se multiplient portées par des élus locaux déterminés à faire vivre leur territoire. Des idées à dupliquer.

Il y a de cela quelques semaines, l’association « Paysages de France » dévoilait le palmarès de son « prix de la France moche ». Un prix destiné à « récompenser » quatre endroits de France, dans quatre communes, « qui représentent un peu de la France moche ». Le prix, précise l’association, n’a évidemment pas vocation à « stigmatiser telle ou telle commune, mais bien de mettre en évidence des atteintes à nos paysages » à travers des entrées de ville dénaturées par une floraison de panneaux d’affichage et de banderoles ou des monuments remarquables abîmés par des bâches publicitaires imposantes ou une bétonisation excessive… A travers son prix, « Paysages de France » entend ainsi rappeler qu’il n’y a pas de fatalité à la laideur et qu’un élu peut très bien s’opposer « à ce qui dénature ces paysages du quotidien : en instaurant ou modifiant un règlement local de publicité (RLP), en utilisant son pouvoir de police pour faire respecter le Code de l’environnement ou le RLP, en refusant l’installation de publicités monumentales ou en prenant systématiquement en compte le paysage ». La mise à l’index de ces communes par l’association, si elle ne fait évidemment pas plaisir aux intéressés, a comme premier mérite d’ouvrir les yeux de la municipalité visée qui s’empresse souvent (pas toujours) de rectifier le tir.

Si ici la laideur est dénoncée, ailleurs la beauté est mise à l’honneur. En 2021, nous sommes en pleine pandémie et la France, la culture sont confinées, Quentin Brière, le maire de Saint-Dizier (Haute-Marne) cherche avec son équipe les moyens de redonner un peu de gaîté et de joie à ses concitoyens et de leur rendre l’accès à la culture. Un soir lui revient en mémoire, une phrase de Dostoïevski : « la beauté sauvera le monde ». Cette fulgurance va très vite se transformer en idée de terrain. Montrer le beau, « susciter de l’émerveillement en rendant accessible à tous la beauté d’oeuvres d’art exceptionnelles », voilà l’idée. Or, le seul espace dont dispose une collectivité pour atteindre tout le monde, c’est l’espace public. La municipalité décide donc de louer pour quelques semaines durant l’année, les panneaux publicitaires de la ville pour exposer « en 4 par 3 des œuvres de Manet, Degas ou bien Chagall » plutôt que d’afficher « des pubs pour des SUV ou pour des cuisines équipées avec des super promos ». « Le symbole est fort – le panneau publicitaire, il est là pour vendre, il est moche, et là on offre quelque chose qui est à la fois gratuit et beau » raconte, enthousiaste, Quentin Brière. Un enthousiasme partagé par les habitants de Saint-Dizier, qui, approuvent la démarche et qui y participent même, encouragés par le maire, en déclinant sur les vitrines des boutiques, des citations célébrant le beau, le bien, le vrai. « Mettre de la culture dans la ville, ce n’est pas un gadget. A chaque fois qu’on met de l’art, de la culture, ou du beau dans l’espace public, il y a un impact positif considérable » constate avec plaisir le maire qui a été mis à l’honneur en 2022 par la Fédération Française des Trucs qui marchent. Et « si l’on est vraiment convaincu que la beauté sauvera le monde, il ne faut pas que cela sauve uniquement Saint-Dizier. Il faut que cela sauve aussi toutes les campagnes et toutes les villes de France » s’empresse d’ajouter Quentin Brière qui en est cette année à la troisième édition et qui souhaite être suivi par d’autres communes. Il propose pour cela un kit visant à faciliter la mise en relation avec la Rmn-Grand Palais pour les droits sur les œuvres (compter moins de 10 000 e par saison pour 3 semaines d’affichages pour une trentaine de panneaux en ville et en périphérie). Présentée et proposée lors de « la Journée Culte ! Les Territoires s’emparent de la Culture » le 12 octobre dernier à Saint-Dizier, sous le Haut patronage du ministère de la Culture et coorganisée avec l’association Villes de France, l’opération a déjà séduit six villes : Talmont-Saint-Hilaire (Vendée), Saint-Raphaël (Var), Bourges (Cher), Neuvy-sur-Barangeon (Cher), Bourg-en-Bresse (Ain), Lamontjoie (Lot-et-Garonne) et Salbris (Loir-et-Cher). 

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