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Un Hôtel sur le domaine du Château de Versailles : une riche idée ?

L’appel d’offres lancé par le Château de Versailles pour faire de bâtiments désaffectés avec vue sur l’Orangerie, une résidence hôtelière de prestige fait polémique.

 

Alors que l’on vient de célébrer le tricentenaire de la mort de Louis XIV, une polémique vient faire de l’ombre au Roi Soleil. L’annonce du lancement d’un appel d’offres pour faire de trois édifices du domaine longeant le parterre de l’Orangerie, abandonnés depuis 2008 – Le Grand contrôle, le Petit contrôle et les Pavillons des premières cent marches – un hôtel de luxe a fait grand bruit à la fin de l’été. Pourtant l’idée ne date pas d’hier. En 2010, déjà, Jean-Jacques Aillagon, alors président de l'établissement public du château et du domaine national de Versailles annonçait en grande pompe que l'hôtel du Grand Contrôle serait transformé en « hôtel de charme ». Quatre ans plus tard, l’appel d’offres est lancé.
Construit, en 1681, dans l'actuelle rue de l'Indépendance américaine, à deux pas du château, l’Hôtel du Grand contrôle a été attribué à l’architecte Jules Hardouin-Mansart pour Paul de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, premier gentilhomme de la chambre du roi, ministre d'état gouverneur du duc de Bourgogne et gendre de Colbert. L’Hôtel sera cédé au roi Louis XV en 1723, par la veuve du duc. Le roi y installera le contrôle général des finances (ministère des finances).Au fil du temps l’édifice servira à partir de tribunal de commerce, de résidences à différents particuliers avant de devenir un mess pour officiers. En 2008, le Ministère de la Défense le remet à l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, « dans un état très délabré » expliquait alors Jean-Jacques Aillagon. A l‘époque l’appel d’offres avait été remporté par la société privée, Ivy International qui, en contrepartie d’une concession de trente ans, devait entièrement rénover le bâtiment pour en faire un hôtel de luxe de 23 chambres. L’ouverture était programmée pour 2011. Projet finalement abandonné après le retrait de la société. Au-delà de la rénovation des bâtiments –estimation pour la toiture et les murs : 4 à 7 millions d’euros, sans compter l’aménagement intérieur chiffré à 4 millions -, la société qui emportera l’appel d’offres devra s’acquitter d’une redevance basée sur le chiffre d’affaires avec un « minimum garanti payable en avance ». Tout cela en contrepartie d’une concession immobilière de soixante ans. Sans surprise, le groupe AccorHôtel est déjà dans les starting-block. Mais voilà, la polémique enfle. Si le député-maire de Versailles François de Mazières semble se réjouir de ce projet qui permet de répondre à l’état de délabrement de l’édifice et à la baisse des subventions publiques, des voix s’élèvent pour dénoncer une démission. Arnaud Upinsky, président  de l’association Coordination Défense de Versailles n’y va pas par quatre chemins et dénonce « la financiarisation  de Versailles, pris en tenaille par des banquiers et des marchands de soupe. On court le risque que ce lieu, si emblématique de la France et de son Histoire soit occupé par des commerçants qui n’auront aucune notion de la spécificité, de la logique propre de ces bâtiments ».  « En transformant Versailles en Disneyland, on affaiblit son rayonnement. Ce projet n’a pas sa place dans ce lieu unique au monde » poursuit-il avant de conclure, très remonté :  « Le Château n’est pas une machine à sous ». Pour François de Mazières, il faut surtout « élargir le débat ». Celui qui a été le directeur de la cité du patrimoine et de l’architecture, « ça pose la question du maintien en bon état du patrimoine. L’essentiel est de sauver ces bâtiments. Je préfère que le château en prenne l’initiative plutôt que de les voir tomber en ruine. Les Versaillais sont du même avis. Alors profitons de cette occasion ». Même si ajoute-il, il faudra veiller à ce que « le cahier des charges et le suivi du chantier soient suffisamment exigeants pour redonner à ces trois corps de bâtiment leur prestige ». La date limite de dépôt des candidatures était fixée au 14 septembre.

 

 

 

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