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Cocorico !

La proposition de loi visant « à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels » de la députée Nicole Le Peih (RE, Morbihan) a été adoptée par l’Assemblée. L’objectif est de protéger le monde rural des attaques incessantes des néo-ruraux ne supportant pas le bruit et les odeurs de la campagne.

“Une belle victoire pour celles et ceux qui font vivre notre pays !”. La députée n’est pas peu fière d’avoir fait adopter à une large majorité sa proposition de loi transpartisane visant à mettre fin aux troubles de voisinage dans nos campagnes. La proposition de loi était soutenue par le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti qui a salué un texte « de bon sens et de concorde ».

L’arrivée de néo-ruraux dans les campagnes a bouleversé le monde rural et multiplié les conflits de voisinage. On se souvient du coq Maurice sommé de se taire par de nouveaux voisins fatigués de l’entendre chanter tous les matins sur l’île d’Oléron. Plus récemment encore une éleveuse de poules savoyarde a été mise en demeure par sa voisine malade d’entendre les gallinacés. Mais c’est aussi l’odeur du fumier, le moteur d’un tracteur, un élevage de vaches, le son des cloches qui importunent ces « gens de la ville » peu habitués à être dérangés et qui n’hésitent alors pas à ester en justice pour mettre fin à ce qu’ils considèrent comme un trouble du voisinage. « Si on n’aime pas la campagne, on reste en ville et si on va à la campagne, on s’adapte à la campagne qui préexiste » s’était d’ailleurs irrité le ministre de la justice l’an dernier.

Face à ces attaques, le monde rural s’est mobilisé. En 2021, une première loi était adoptée visant à protéger le patrimoine sensoriel des campagnes. Pour le député de la Lozère Pierre Morel-A-L’Huissier qui était à l’initiative de ce texte « arriver en milieu rural, ça se mérite ! Il y a un apprentissage à faire. C’est une manière de vivre et certains ne s’adaptent pas. Il faut comprendre la vie de l’autre et cela évitera bien des problèmes » s’agaçait-il. Une situation conflictuelle qui s’explique, selon lui « par la modification de la sociologie au sein de nos campagnes et par la judiciarisation du pays. On ne supporte plus rien. Il y a 30 ans on ne saisissait pas un tribunal pour un conflit de voisinage ». Son texte prévoyait que chaque territoire aurait recours aux services régionaux de l’inventaire pour dresser la liste de ces bruits et odeurs caractéristiques en tenant compte des traditions et de la réalité de ces territoires. Mais la complexité de la chose a limité l’application du texte, seules deux régions, les Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, se sont lancées dans cet inventaire. Il fallait donc autre chose. Aujourd’hui le droit français reste régi par des principes fondateurs du Code civil, rédigé en 1804, « demeurés pratiquement inchangés » avec l’obligation de répondre du dommage causé à autrui et d’assumer les conséquences civiles qui en découlent par le biais de la réparation. Ce droit n’est plus adapté aujourd’hui. La députée propose de l’ajuster aux « enjeux actuels » en faisant bouger les lignes sur certaines dispositions juridiques relatives aux « troubles anormaux de voisinage ». Pour Nicole Le Peih son texte doit permettre de « bien vivre ensemble sur un même territoire » a-t-elle expliqué en séance. Après avoir introduit dans le code civil le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage, consacré par la jurisprudence, afin de garantir une application homogène sur l’ensemble du territoire national, le texte de loi ajoute une exception à ce principe « tirée de la théorie de la préoccupation ». La responsabilité de la personne ne pourra plus être engagée dès lors que les troubles préexistaient à l’installation de la personne s’estimant lésée et demandant réparation. « Cette disposition a pour objectif de répondre aux préoccupations du monde rural. Elle tend à limiter les conflits de voisinage entre les nouveaux habitants d’un territoire et les acteurs, notamment économiques, culturels ou encore touristiques, déjà établis sur celui ci » précise la rapporteure.

Le texte a été adopté par la majorité des députés présents en séance (78 voix « pour », 12 « contre » et 3 abstentions). Les députés LFI ont voté contre estimant que cela pourrait consacrer juridiquement une supériorité des activités industrielles ou agricoles sur le cadre de vie des habitants. Les écologistes se sont abstenus. La majorité présidentielle a voté pour saluant un « texte de mise en cohérence et de clarification ». La proposition de loi a été également soutenue par les députés RN et par les socialistesLa proposition de loi sera « inscrite dès que possible à l’agenda du Sénat, pour protéger les agriculteurs des voisins ». « Quand on choisit la campagne, on l’accepte et on l’assume » a déclaré Gabriel Attal en conférence de presse le 1er février. 

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