Print this page

Des émeutiers “par opportunisme”

Remis au cœur de l’été, un rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de de l’inspection générale de la justice (IGJ) dresse le profil et les motivations des délinquants interpellés lors des émeutes qui ont secoué la France du 27 juin au 7 juillet dernier.

Instructif et précis. Le rapport commun de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de de l’inspection générale de la justice (IGJ) rendu le 25 août décrit avec minutie le profil et les motivations des émeutiers interpellés et condamnés à la suite des violences urbaines de juin et juillet 2023. On est semble-t-il assez loin des Kevin et Matteo du ministre de l’intérieur. Les statistiques du rapport montrent que 91 % des mis en cause sont majoritairement des hommes dont l’âge moyen est de 23 ans. Célibataires, sans enfant à charge et « très majoritairement hébergés à titre gratuit, essentiellement au domicile parental », les délinquants sont à 79 % de nationalité française. « Une grande majorité des émeutiers interpellés sont des jeunes individus de nationalité française, mais originaires de l’immigration (2ème ou 3ème génération), principalement du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne » détaille le rapport. 29 % sont sans diplôme et 38 % sont titulaires d’un diplôme inférieur au baccalauréat (BEP, CAP, brevet des collèges).

Les émeutes ont touché la France entière. Soixante-dix départements métropolitains ont été impactés ainsi que 516 communes. Une situation d’ampleur bien supérieure à celle que la France avait connue en 2005. A l’époque on ne parlait que de 25 départements et 200 communes touchés. Les émeutes ne se sont pas cantonnées aux quartiers dits difficiles mais se sont étalées à « des secteurs périurbains, des villes moyennes, des petites communes urbaines isolées ou encore des communes rurales mais aussi des centres-villes ».

Plus inquiétant sont sans doute les « motivations » mises en avant par les émeutiers. Pris la main dans le sac, les délinquants avancent comme première explication « l’opportunisme » (41 %). Pour justifier les agressions contre les forces de l’ordre, les dégradations, les émeutiers justifient leurs gestes par « l’influence du groupe » (29 %) mais aussi la « curiosité » (sic) et la « recherche d’adrénaline » (23 %). Enfin, pour nombre d’entre eux, la mort de Nahel n’a été qu’un vague prétexte (8 %) et le plus souvent seulement pour les habitants de Nanterre ou de région parisienne. Quelques-uns ont voulu rendre justice à Nahel « car ça aurait pu être moi ». « Les motivations idéologiques ou politiques, exprimées dans 0,3 % des cas, sont rares » ajoute encore le rapport.

Côté justice, la réaction a été « rapide, ferme et systématique » comme l’avait promis le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti fin juin dans une circulaire adressée aux parquets. En dix jours, les autorités ont recensé pas moins de 58 297 infractions en France métropolitaine et « 12 233 personnes mises en cause ». En un mois, 4 164 émeutiers ont été déférés devant la justice et 90 % d’entre eux ont fait l’objet de poursuites ; plus de 60 % des majeurs condamnés l’ont été à des peines de prison ferme : un taux supérieur au taux moyen de l’année 2022 (38 % d’emprisonnement ferme). Et dans plus de 50 % des cas, des mandats de dépôt ou maintien en détention ont été prononcés, tandis que le taux d’aménagement de peine dès l’audience a été inférieur à la moyenne annuelle habituelle souligne le rapport. Une réactivité et une sévérité qui pour les auteurs du rapport ont permis de faire baisser la tension et peuvent être des « causes possibles » à ce rétablissement du calme. « La réponse judiciaire rapide, cohérente et forte, autour de laquelle plusieurs chefs de juridiction n’ont pas hésité à communiquer, a pu participer à cette décrue » jugent les rapporteurs. 

171 K2_VIEWS