Le temps des zones commerciales que l’on connaît aujourd’hui s’étirant sur la route à l’entrée des villes faites de bâtiments en tôles ondulées, de vastes parkings et de panneaux publicitaires gigantesques et en nombre pourrait avoir vécu. C’est en tout cas l’objectif du gouvernement qui a lancé un vaste programme expérimental de transformation de ces zones commerciales. « Au coeur de la vie des Françaises et des Français, symbole d’une époque, les zones commerciales dans notre pays se révèlent inadaptées pour adresser les grands enjeux que nous avons à relever pour accélérer la transition écologique de notre société, et sont en décalage avec les nouvelles attentes de nos concitoyens. Fondées sur un modèle du tout-voiture, leur impact sur l’esthétique de nos entrées de ville, ainsi que l’étalement urbain et l’artificialisation des sols qu’elles génèrent, imposent de repenser en profondeur leur modèle » a expliqué Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Pour présenter ce programme, le ministre était accompagné d’Olivia Grégoire Ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme et Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du Logement. Une mobilisation gouvernementale qui montre que le sujet est loin d’être anodin. A l’automne dernier déjà, le gouvernement avait fait part de son intention de s’attaquer aux entrées de ville dans le cadre de l’acte 2 du programme « Action coeur de ville (2023-2026) », doté de 5 milliards d’euros.
Symboles d’une époque, « celle de la consommation de masse, de l’automobile pour tous, du pavillon pour chacun », ces zones commerciales ont connu leur âge d’or dans les années 60. Tout le monde s’y retrouvait : le public trouvait des magasins fonctionnels, avec de l’espace, du choix et des magasins faciles d’accès avec des parcs de stationnements vastes et gratuits ; les commerçants y voyaient « une forme d’eldorado : des magasins construits sur du foncier agricole peu onéreux, des commerces « boîtes à chaussures » cubiques bâties à moindre frais, faciles d’entretien, avec des façades en tôle et de grandes enseignes pour être visibles depuis la route » et les élus pensaient emplois et attractivité.
Au fil du temps, ces zones se sont étendues, démultipliées avec la présence d’hypermarchés, de centres commerciaux, de galeries marchandes, des magasins de toute taille dans l’habillement, la chaussure, l’ameublement mais aussi de restaurants, de concessionnaires automobiles, de cinémas, de salles de sports, d’agences bancaires, et même de services publics : des lycées, des commissariats, des piscines et des patinoires… « Elles offrent tous les services d’une ville » sans pour autant en être reconnaît Olivia Grégoire. Mais aujourd’hui, ce modèle n’est plus vivable, ni viable. Dans un monde « qui prend conscience de ses limites, la zone commerciale a atteint les siennes » estime la ministre qui évoque le développement du e-commece, la consommation d’énergie, l’artificialisation des sols, l’enchevêtrement routier…. Pour autant, il faut garder à l’esprit que ces entrées de ville concentrent 72 % des dépenses des Français dans les magasins et « dans une France périurbaine, poursuit la ministre déléguée, elles sont devenues le commerce de proximité de millions d’entre nous : les supprimer ne serait ni faisable, ni souhaitable. Il faut donc les réinventer ».
Un défi que le gouvernement entend bien relever avec son programme de transformation des zones commerciales doté d’un budget de 24 millions d’euros pour une première phase d’expérimentation « à grande échelle » qui devrait concerner une vingtaine des quelque 1500 à 1800 zones commerciales du pays. Sont notamment concernées les zones commerciales dynamiques situées dans une zone dense, « où l’enjeu est alors de rationaliser le foncier commercial en le densifiant pour permettre d’introduire de la mixité fonctionnelle et du verdissement, l’ensemble avec une haut qualité architecturale et paysagère » ; les zones commerciales en déprise, « où l’enjeu vise à accompagner cette décroissance commerciale en regroupant les magasins et en traitant les friches par des opérations de requalification (renaturation…) ou de reconversion » ; et les zones commerciales situées dans des zones peu denses ou éloignées du tissu urbain, « où la rationalisation des magasins doit permettre de favoriser l’implantation de nouvelles activités, notamment industrielles ». L’enveloppe budgétaire devrait ainsi permettre de « faire levier » en permettant le lancement d’études préalables pour définir le programme de transformation et faciliter un financement de la conduite de projet. Les porteurs de projet - aussi bien en ville qu’en zone rurale - devront se manifester auprès des préfectures, qui effectueront une pré-sélection des dossiers.
Mais comme l’a rappelé Christophe Béchu en conférence de presse, « ce n’est pas d’abord un problème d’argent. Ce qui bloque aujourd’hui ce sont les réglementations, ce sont les délais, les procédures d’autorisation ». C’est la raison pour laquelle, le projet de loi Industrie Verte, voulu et porté par Bruno Le Maire, intègre un « paquet normatif » destiné à répondre point par point aux observations des élus et opérationnels, « afin de faciliter, accélérer et sécuriser la transformation des zones commerciales ». Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été adoptées par les députés et sénateurs (dérogations au plan local d’urbanisme, réductions de délais).
Et parce que Christophe Béchu veut aller « très vite » et « diviser par deux les délais » de réaménagement de ces zones, une task force placée auprès du gouvernement sera chargée d’accompagner les projets lauréats notamment en matière d’ingénierie, d’expertise administrative et juridique, et de flécher des autres enveloppes d’aides pour les projets. Elle aura également la lourde tâche de remonter « directement » aux ministères les obstacles normatifs rencontrés « afin d’en examiner la modification ». Enfin, d’ici la fin de l’année un guide juridique et opérationnel à destination des collectivités et des aménageurs devrait être publié. ■
Les plus de 1500 zones commerciales couvrent aujourd’hui près de 500 000 000 de m2, soit cinq fois la taille de Paris. Elles concentrent 72 % des dépenses des Français dans les magasins.