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Forte hausse du budget de l’Elysée

Pour cause d’inflation et d’une « très forte activité présidentielle », les dépenses de l’Elysée explosent.

Pas caché mais pas forcément visible pour un néophyte, le « bleu budgétaire » publié en annexe du projet de loi de finances pour 2024 détaille les comptes du palais de l’Elysée qui sont annoncés en forte hausse. Voté à hauteur de 114,4 millions d’euros pour 2023, ce budget devrait finalement avoisiner un montant compris entre 123 et 127 millions selon les indications fournies par la présidence dans son projet de budget 2024. « Autrement dit, en 2023, le budget élyséen augmentera entre 12 et 15 % soit trois fois plus que l’estimation initiale » s’étrangle l’ancien député René Dosière, président de l’Observatoire d’éthique publique et surtout fin spécialiste des deniers de l’Etat. « Un dérapage inédit » s’emporte-t-il.

Pour tenter d’expliquer en partie ses dépenses, l’Elysée parle « d’aléas exogènes » comme « la hausse des dépenses inéluctables » et la « très forte activité présidentielle ». Comme tout le monde, la présidence de la République a été confrontée à la hausse des dépenses d’énergie qui ont augmenté d’1,1 million d’euros. Il a aussi fallu tenir compte du prix des denrées alimentaires. « La présidence a vu [...] un nombre croissant de demandes de révision de prix dans le cadre de ses marchés publics » souligne le document budgétaire. C’est aussi la masse salariale qui est venue plomber les comptes. Un montant des dépenses de personnel, qui représentent la plus grande part des dépenses (60 % du budget) qui reste toutefois conforme aux prévisions note René Dosière qui poursuit : « Cette maîtrise repose sur le maintien de postes vacants, la présidence ne maitrisant pas l’évolution des salaires des agents issus des différents ministères (600 agents, dont 310 militaires, sont mis à disposition contre remboursement par 39 administrations différentes). Ces efforts, pour avoir connaissance des facteurs faisant évoluer la masse salariale, se heurtent à la réticence des administrations concernées ».

Mais ce qui dérange l’ancien député, ce sont bien les dépenses de déplacements qui « explosent ». Prévues à 16 millions, elles atteindront 23 millions, soit une hausse de 44 % qui s’ajoute à une hausse, en 2022, de 52,6 %. « Si ce dernier chiffre s’explique par le fait qu’en 2021 les déplacements avaient été réduits, la progression 2023 mérite d’être « documentée » selon l’expression favorite de la Cour des comptes » ironise René Dosière. Dans son rapport sur l’année 2022, la Cour souligne que le coût unitaire des déplacements s’est accru. Cela peut être expliqué notamment par un usage plus fréquent de l’Airbus A330, plus coûteux en carburant, ainsi que par la taille des délégations accompagnant le chef de l’État. Le coût des déplacements présidentiels évolue ainsi : 10,4 millions en 2021 ; 15,9 en 2022 ; 23 en 2023 (prévus 16) ; 21 estimés en 2024. « Si le Président doit disposer des moyens nécessaires à son activité, dont on admet volontiers qu’elle varie en fonction de l’actualité, il est important qu’il le fasse au meilleur coût. Il convient de rappeler que, de ce point de vue, un déplacement international de François Hollande était en moyenne plus économe qu’un déplacement de Nicolas Sarkozy » fait remarquer le président de l’observatoire.

Bon prince, René Dosière souligne que le montant global du budget élyséen (125 millions) demeure « modeste » dans l’ensemble des dépenses publiques (1539 milliards). « Pour 1 000 euros de dépenses publiques la présidence intervient pour 8 centimes d’euros. C’est dire que la question des économies est davantage une question d’’exemplarité et de symbole dans l’emploi des deniers publics qu’une question d’excès de la dépense publique » conclut-il.

L’Elysée s’est engagé à faire des efforts. Le budget d’investissement et de fonctionnement des directions devrait être réduit de 5 %, la masse salariale « contenue ». Des mesures de « refacturation systématique vers les ministères de certaines activités au Palais ou pour les accompagnants en déplacement officiel » vont être mises en œuvre prochainement. Enfin, la première ministre en réponse à une question de la députée socialiste Christine Pirès-Beaune reconnaissait que l’Elysée envisageait l’institution d’un Déontologue à l’Élysée qui pourrait apporter aux 800 personnes en poste à l’Élysée « tout conseil utile au respect de leurs obligations déontologiques ».

D'ici là, il faudra attendre le prochain rapport de la cour des comptes en juillet 2024 pour avoir quelques explications supplémentaires. 

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