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Avec le DSA, les réseaux sociaux sous surveillance

Le Digital Services Act (DSA) est entré en vigueur le 25 août dernier. Il vise à encadrer les activités des plateformes, en particulier celles des GAFAM en instaurant « des règles harmonisées pour un environnement en ligne sûr, prévisible et fiable ». Avec un principe : « Ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne ».

Les plateformes en ligne, les moteurs de recherche et les réseaux sociaux sont chaque jour utilisés par des millions d’internautes européens. Or, sur ces plateformes, espaces de liberté, on trouve le meilleur comme le pire : fake news, propos haineux, manipulations… En mettant en place ce nouveau Règlement sur les services numériques (RSN) ou Digital Services Act (DSA), l’Europe a donc choisi de frapper un grand coup pour contraindre les GAFAM à faire plus attention et à s’autoréguler pour protéger les utilisateurs et notamment les mineurs. Les obligations prévues par ce texte qui entreront en application le 17 février 2024 s’adressent à tous les intermédiaires en ligne qui offrent leurs services (biens, contenus ou services) sur le marché européen. Sont concernés les fournisseurs d’accès à internet (FAI), les services d’informatique en nuage (cloud), les plateformes en ligne comme les places de marché (market places), les boutiques d’applications, les réseaux sociaux, les plateformes de partage de contenus, les plateformes de voyage et d’hébergement, et depuis le 25 août les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche, utilisés par plus de 45 millions d’Européens par mois (soit 10 % de la population), désignés par la Commission européenne*.

Une petite révolution au sein du monde d’Internet où jusqu’à maintenant tout était autorisé ou presque. « Ce qui est interdit dans la vie courante le sera désormais également en ligne » promettait déjà en janvier 2022 sur son compte X (ex-Twitter), Thierry Breton, le commissaire européen en charge du dossier. « Plutôt que de s’appuyer sur la bonne volonté des plates-formes ou sur une interprétation astucieuse du droit, l’UE a choisi d’organiser et de restaurer la confiance et la sécurité dans l’espace numérique avec des droits, des obligations et des garanties claires » a-t-il encore précisé. Ce DSA vient en complément du RGPD institué en 2016 après les révélations d’Edward Snowden et destiné à protéger la vie privée des internautes en veillant à prévenir l’utilisation abusive de leurs données personnelles. Au RGPD, la protection des données, au DSA, la lutte contre les dérives des pratiques tout en respectant les libertés de chacun. Pour se conformer au nouveau règlement, près d’une quarantaine de mesures vont devoir être prises par les plateformes. Il en est ainsi du signalement des propos problématiques qui sera facilité par la mise en place sur la plateforme « d’un canal prioritaire » pour les utilisateurs qui pourront également suivre de manière précise l’évolution de leur signalement. Le traitement devra être rapide. Des modérateurs ou « signaleurs de confiance » seront désignés et auront la responsabilité de surveiller les sites et de signaler les propos et contenus illicites nécessitant leur suppression. Leurs signalements seront prioritaires. En cas de bannissement d’une plateforme, cette dernière aura l’obligation d’en préciser les raisons et motivations.

Souvent montré du doigt l’algorithme utilisé par les plateformes pour le ciblage publicitaire en fonction du profil des utilisateurs devra être plus transparent. Il est désormais interdit de proposer uniquement des contenus en fonction des préférences des utilisateurs qui pourront choisir le mode d’affichage des contenus, soit par ordre chronologique ou selon les préférences de l’algorithme. Le DSA oblige les géants du web à transmettre leurs algorithmes à la Commission européenne.

La publicité sera sévèrement contrôlée et même interdite lorsqu’il s’agit d’utilisateurs de moins de 18 ans. Sauf consentement explicite, la publicité est également interdite lorsqu’elle se base sur des données sensibles comme les opinions politiques, la religion, une appartenance ethnique ou une orientation sexuelle. Meta (Facebook) avait anticipé cette préconisation en demandant à ses utilisateurs européens de donner leur consentement avant de partager leurs données à des fins publicitaires. Quant aux vendeurs en ligne, le DSA les contraint à donner un certain nombre d’informations (mail, numéro de téléphone) permettant de s’assurer de leur fiabilité. Quant aux hébergeurs, les market places (tels que Airbnb ou Amazon) ont l’obligation de veiller à une plus grande traçabilité des vendeurs présents sur leur plateforme. Leur présence ne pouvant être acceptée qu’après ces vérifications faites. Ces informations devront être plus visibles des consommateurs.

En cas de non-respect des obligations du DSA, le risque pour les plateformes est loin d’être anodin : elles s’exposent à une amende pouvant atteindre jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial. En cas de violations répétées, les plateformes pourront être exclues du marché européen a indiqué un Thierry Breton déterminé.

Pour veiller à la bonne application de ce nouveau règlement, l’Union européenne a déployé à Bruxelles et à Séville où se trouve le Centre européen pour la transparence algorithmique pas moins de 150 fonctionnaires. Ils travailleront en étroite collaboration avec un « coordinateur des services numériques », à savoir l’autorité indépendante désignée par chaque État membre - En France, le coordinateur national sera l’Arcom -, et la police. Pour financer cette veille, des « frais de supervision » seront demandés aux plateformes, dans la limite de 0,05 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial. 


*Alibaba AliExpress, Amazon Store, Apple AppStore, Booking.com, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, X (Twitter), Wikipedia, YouTube et Zalando. Mais aussi le deux grands moteurs de recherche Bing et Google Search.

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