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“Zéro chômeur longue durée”

Par Laurent Grandguillaume, Député de la Côte d’Or

Projet de proposition de loi visant à autoriser l’expérimentation d’un dispositif de lutte contre le chômage longue durée dans les territoires

Le chômage de longue durée, de masse, est un phénomène relativement récent qui concerne de plus en plus de personnes dans nos territoires. Il y a eu près de 400.000 chômeurs de longue durée supplémentaires entre 2008 et 2013. Ce sont les moins qualifiés et les moins diplômés qui sont le plus touchés. Aujourd'hui, plus d'un million de chômeurs de longue durée doivent se battre au quotidien pour retrouver un emploi. C'est un gâchis humain et économique pour notre pays. Le chômage de longue durée entraîne des coûts mais aussi des manques à gagner pour l'Etat et les Caisses de Sécurité sociale en impôts, cotisations patronales et salariales. Le chômage de longue durée est lourd de conséquence également sur le plan individuel, il engendre des risques importants de distanciation vis-à-vis du marché du travail et de déqualification, de perte d’estime de soi, de découragement, de dilution des repères, de rétrécissement des liens sociaux et de repli sur soi, de pauvreté.

Je crois qu'il est nécessaire, au-delà des dispositifs prévus, de mobiliser plus amplement toute la société civile et les territoires dans cette politique de lutte contre le chômage de longue durée. Il faut tester toutes les innovations sociales pour réussir ensemble.

C’est pourquoi, après avoir rencontré des représentants d'ATD Quart Monde, avec qui j'ai échangé longuement sur la problématique des chômeurs de longue durée, j'avais sollicité Bruno Le Roux, président du groupe SRC, pour créer un groupe de travail afin de préparer une proposition de loi sur cette question. Ce groupe de travail a ensuite été validé par les commissaires socialistes de la Commission des Affaires sociales lors d'une réunion animée par Christian Paul. J'ai organisé des auditions, avec une vingtaine de députés qui se sont inscrits dans ce groupe (Jean-René Marsac, Dominique Potier, Jean Grelier, Christophe Sirugue, ...). Nous avons ainsi rencontré des représentants de FO, de la CGT, de la CFDT, de la CFE-CGC, de la CFTC, du MEDEF, de la CGPME, de "Solidarités nouvelles face au chômage", de la fédération CORACE, ... Il était important de connaître le ressenti des associations, des syndicats et des acteurs de terrains sur ce projet de proposition de loi pour faire évoluer notre texte et s’inspirer des expériences de chacun.

Je souhaite que tous puissent se sentir associer à la création de cette proposition de loi. Au-delà des auditions menées à l’Assemblée depuis près d’un an j’ai fait un appel aux contributions sur mon blog et j’animerai une réunion à la rentrée sur ce sujet afin que les citoyens, les experts me transmettent leurs remarques sur la proposition de loi avant que celle-ci n’entre dans la procédure législative classique.

La proposition de loi part d’un constat, celui que l’emploi manque mais que le travail, lui, ne manque pas. De nombreux travaux utiles à la société ne sont pas aujourd’hui réalisés car peu solvables. En parallèle de nombreux chômeurs de longue durée ont des compétences, des savoir-faire inutilisés car la société ne les considère pas comme rentables. La proposition permettrait donc de recycler des dépenses affectées à la lutte contre l'exclusion au profit du financement d'emplois durables, à temps choisi. Cette loi d'expérimentation, sur quelques territoires, autoriserait la réallocation et la réaffectation des coûts du chômage de longue durée pour cofinancer dans ces territoires, l'emploi conçu comme un droit. Il s'agira de réallouer la part de chaque budget qui sera devenue mécaniquement sans objet car les personnes bénéficiaires auront retrouvé un emploi. Les clés de répartition des contributions publiques seront définies par décret sur la base d'une étude économique du coût de la privation durable d'emploi.

Dans les territoires candidats, les collectivités territoriales concernées devront confirmer leur engagement à travers les assemblées délibérantes (communes, EPCI, Conseil départemental, Conseil régional). Un comité local sera chargé du pilotage du projet. Un fonds local sera créé : "fonds de l'emploi conçu comme un droit". Le fonds précisera la nature du programme d'actions en fonction des besoins locaux (développer des travaux et services utiles aux habitants, améliorer l'environnement, ...). Il pourra signer une convention avec toute personne morale sans but lucratif ou appartenant à l'économie solidaire telle que définie par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. Les entreprises ainsi conventionnées concluront les contrats de travail dans les territoires concernés par l'expérimentation.

La clé de cette expérimentation est que les emplois doivent être en lien avec les besoins réels des territoires volontaires. Une étude préalable de terrain devra donc avoir lieu sur chaque commune qui participe à l’expérimentation. Les emplois proposés par l’entreprise agréée devront s’adapter aux compétences et capacités des chômeurs longue durée, les accompagner et les former pour ainsi leur permettre de développer de nouvelles compétences, se réinsérer et par la suite reprendre un emploi en dehors de ces entreprises agréées. L’exigence de ce projet est de ne développer l’expérience que dans les territoires restreints et motivés qui feront le choix politique d’opter pour une organisation économique n’excluant personne. Il s’agira de proposer à toutes les personnes privées durablement d’emploi et qui le souhaitent, un emploi en contrat à durée indéterminée au SMIC, à temps choisi, et adapté à ses compétences.

Cette expérimentation doit se faire à budget constant en raison de la nécessaire contrainte budgétaire. Les dépenses publiques économisées par l'emploi des personnes au chômage de longue durée seraient : les dépenses économisées par l'Etat, les surplus de recettes fiscales générées grâce aux embauches réalisées par les entreprises conventionnées, les dépenses économisées de Pôle emploi, la réallocation des APL concernées, la réallocation des dépenses et les surplus de recettes des communes et EPCI, la réallocation des dépenses des Conseils départementaux (RSA pour les personnes concernées par exemple), la réallocation des dépenses des Conseils régionaux (dépenses de formation pour les personnes concernées).

Après trois ou cinq ans, cela reste à définir, l’expérimentation devra faire l’objet d’une évaluation précise, pointant ce qui fonctionne ou ce qui ne fonctionne pas. Dans le cas d’une réussite de l’expérimentation celle-ci pourra ensuite par le biais d’une seconde loi être généralisée à l’ensemble du territoire.

Le travail se poursuit à l’Assemblée nationale et le chemin législatif peut encore être long avant l’adoption définitive de ma proposition de loi. Je suis conscient de l’idée révolutionnaire qu’est cette proposition et du changement de paradigme qu’elle entraîne. Mais je crois que nous nous devons d’essayer et d’y associer la société civile dans son ensemble. J’attends maintenant que le texte de loi soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.