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Martinique : le créole ne passe pas

S’opposant à la requête du préfet, le président de la Collectivité territoriale, Serge Letchimy a refusé de retirer une délibération de son assemblée faisant du créole la langue officielle de la Martinique au même titre que le français.

Le bras de fer est engagé entre le président de l’exécutif martiniquais et le préfet, représentant de l’Etat sur l’île. La cause de la brouille est l’adoption le 25 mai dernier, trois jours après les cérémonies autour du 175ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans l’île, d’une délibération de l’assemblée locale faisant du créole la langue officielle de la Martinique au même titre que le français. Pour le préfet, garant du contrôle de la légalité des délibérations des collectivités locales, cette délibération est « entachée d’illégalité ». Dans un courrier daté du 25 juillet, Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique rappelle que « le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que “la langue de la République est le français” ». Il demande donc le retrait de cette délibération. Campant sur ses positions, Serge Letchimy s’y refuse. « Ce refus est un acte de marronnage, une déclaration de dissidence dans le débat contemporain mais historique que nous ouvrons entre droits naturels imprescriptibles et droit à l’égalité » a-t-il répondu au préfet. Et l’ancien député de poursuivre : « C’est en fait le seul et unique débat : doit-on s’ignorer, s’effacer, jouir de l’artificialité de l’égalité, et se taire dans une république qui ne réussit pas à conjuguer diversité et unité ? ». Le président de la collectivité précise également que cette délibération « hautement symbolique et politique pour le peuple martiniquais » a été adoptée à l’unanimité des élus. La retirer serait une « erreur grave ». « Opposer le français au créole est une laborieuse posture fabriquée entre liberté et égalité. C’est une position désuète qui enferme au lieu de fraterniser dans l’unité de la République » insiste-t-il prêt à affronter la justice administrative de son pays. « Je nous sais d’ores et déjà condamnés par les institutions judiciaires qui ne reconnaîtront pas la légitimité de ce combat. Pourtant, c’est avec dignité, que j’assumerai cette condamnation » assure-t-il bravache dans un communiqué.

Depuis son retour aux manettes martiniquaises en 2021, Serge Letchimy semble avoir choisi la voie de l’opposition frontale avec l’Etat. En mai 2022, il est à l’origine de l’Appel de Fort-de-France qui a permis la réunion de congrès des élus en Martinique, Guadeloupe et Guyane qui ont exprimé leur volonté de changements institutionnels. Il est aussi l’instigateur de l’adoption d’un drapeau pour la Martinique aux couleurs rouge-vert-noir, symboles des mouvements indépendantistes.

Serge Letchimy a reçu le soutien de Gilles Simeoni : « Soutien fraternel au peuple martiniquais » a écrit le président du conseil exécutif corse sur X (twitter). 

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