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“Faire évoluer le cadre pour accroître encore l’accès aux innovations pour les patients”

Par Lise Alter, Direcrice générale de l’Agence de l’Innovation en Santé

L’Agence de l’innovation en santé, mesure phare du plan Innovation Santé 2030, volet santé de France 2030, a été installée en toute fin d’année dernière.

L’équipe constituée depuis a engagé différents travaux pour lui permettre de remplir ses missions : faciliter, accélérer et simplifier le développement des innovations en santé en toute sécurité tout au long de la chaîne de valeur, de l’idée à sa diffusion auprès des patients avec en fil conducteur l’amélioration de la santé des patients, de l’exercice des professionnels et plus largement l’organisation et l’efficience de notre système de santé. Et par là-même d’atteindre l’objectif de faire de la France un pays leader en Europe en matière d’innovation en santé et souveraine dans ce domaine essentiel.

Le PLFSS a permis ces dernières années de concrétiser de multiples avancées majeures dans l’accès aux soins et aux innovations. Ainsi les récentes mises en place de l’accès précoce pour le médicament et de prises en charge temporaires pour les dispositifs médicaux et les solutions de télésurveillance ont permis à des centaines de patients d’accéder à des thérapies innovantes. Toutefois, ces mécanismes doivent être encore adaptés pour tenir compte de la multiplicité des types d’innovations à venir, qui combineront dispositifs, médicaments, actes professionnels, intelligence artificielle ….

Avant d’entrer dans le vif du sujet, rappelons brièvement les missions de l’AIS. En premier lieu, elle assure le pilotage des financements accordés à l’innovation en santé dans le cadre de France 2030 : 7,5 milliards pour soutenir les actions autour de 4 priorités qui bénéficient d’une stratégie d’accélération avec des moyens dédiés : la bioproduction et les biothérapies, la santé numérique, la lutte contre les maladies infectieuses émergentes et les menaces Nucléaire, Radioactif, Biologique et Chimique ainsi que les dispositifs médicaux innovants.

Elle mobilise par ailleurs quatre leviers : la prospective afin de caractériser les besoins à venir, anticiper l’arrivée des innovations et leurs impacts sur le système de prévention et de soins ainsi que les modalités de leur intégration dans notre système de santé ; l’accompagnement spécifique des porteurs de projets innovants considérés comme stratégiques pour la France en s’appuyant notamment sur un réseau de partenaires en région ; l’accélération de la mise à disposition effective des innovations en proposant des simplifications des processus existants, en accélérant certaines étapes de recherche clinique et en la rendant attractive ; et enfin le levier de la prévention pour changer d’échelle en matière de résultats et d’impacts positifs pour la santé des Français et pour préserver un système de santé de qualité et performant.

Ce sont sur ces leviers que l’équipe constituée depuis le début de l’année a d’ores et déjà engagé des travaux prioritaires qui doivent contribuer à une plus grande fluidité entre chaque étape du développement de l’innovation. Dès les prémices de ce parcours, il y a un enjeu à favoriser le passage de la recherche en santé au monde de l’entreprise, autrement dit d’améliorer la pratique du transfert de technologie et de faire émerger des start-ups françaises qui vont exploiter les innovations issues des travaux des chercheurs en vue de les déployer. Ces dernières années, les politiques publiques ont déjà permis d’initier des évolutions. Dans la prolongation de la mise en place des IHU et bioclusters notamment, il est aujourd’hui essentiel de maintenir et parfois renouveler la dynamique de coopération entre les nombreux acteurs de la recherche, du transfert de technologie, du soin. L’AIS travaille avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème pour formuler des propositions de nature à favoriser plus encore l’articulation des universités, ONR, établissements de soins, SATT, … et à instaurer des pratiques communes. Sur le transfert de technologie en particulier, à l’intersection de la recherche et de l’entreprenariat, l’AIS agit par exemple en rapprochant les professionnels de la valorisation de la recherche en santé dans l’objectif de proposer des mesures d’harmonisation, de simplification des pratiques ainsi que des préconisations concernant la valorisation des données de santé.

Sur ce parcours de l’innovation en santé se posent également des enjeux réglementaires et d’accélération de la recherche clinique. Il s’agit de faciliter et d’accélérer la mise en place d’essais cliniques sur le territoire car c’est la première étape clé pour l’accès des patients aux innovations. En effet, un médicament, un dispositif médical, une technologie de santé se déploie en priorité là où les essais cliniques ont été conduits et ont permis d’établir l’intérêt et l’efficacité de l’innovation. Là encore, des partenariats ont été initiés avec les agences sanitaires pour faciliter, accélérer la mise en place d’essais cliniques en France, avec, en particulier la mise en place de dispositifs « fast track ». L’objectif est de permettre, à terme, d’augmenter le nombre d’essais cliniques, notamment de phase précoce, autorisés sur le territoire.

Une fois les essais réalisés, les innovations doivent franchir une étape clé, qui doit permettre de vérifier leur sécurité et d’objectiver leur efficacité et ainsi valider leur commercialisation et leur accès au remboursement. Selon la catégorie d’innovation – médicament, dispositif médical, technologie de santé numérique, acte – le cadre réglementaire comporte en fait de multiples dispositifs, comportant chacun des critères et des délais différents. Récemment, le cadre d’accès précoce aux médicaments innovants a été rénové et il convient aujourd’hui de capitaliser sur cette refonte.

À ce titre, l’AIS travaille en lien étroit avec le ministère de la santé et de la prévention - en concertation avec l’ensemble des parties prenantes – à une mesure d’harmonisation des différents dispositifs d’accès précoce qui prévalent pour les DM, les actes ou les technologies de santé, en capitalisant sur ce qui a été efficacement déployé pour les médicaments : seraient éligibles à ce cadre d’accès précoce tout médicament, dispositif médical, acte ou technologie de santé numérique, activité de télésurveillance susceptible d’être innovant et répondant à des critères d’éligibilité unifiés et lisibles. Ce projet comporte également des mesures spécifiques destinées à accélérer la mise à disposition des patients des technologies de santé innovantes pour lesquelles les dispositifs existants sont peu ou mal adaptés en tenant compte de l’expérience acquise depuis 2021 sur les médicaments présumés innovants. Par exemple, il faudrait pouvoir prendre en charge les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux numériques en amont de l’obtention du marquage CE, à la condition de disposer de garanties sur la sécurité des patients telles que l’agrément d’autorités étrangères reconnues. Pour les actes, cette mesure doit permettre un accès précoce pour tous les actes innovants, en permettant d’assurer leur traçabilité, le suivi de leur diffusion et de recueillir des données en vue de leur évaluation en droit commun, et permettre ainsi d’accélérer cette étape qui, à l’heure actuelle, dure plusieurs années.

L’objectif de cette évolution réglementaire est donc d’apporter de la cohérence, de la lisibilité mais également de la rapidité d’accès à ces innovations pour les patients et les professionnels de santé.

Enfin, la dernière étape du développement d’une innovation est sa diffusion sur le territoire, auprès des patients et des professionnels qui en trouveront un bénéfice. Cette étape est souvent cruciale pour les porteurs de projet, qui ont un enjeu fort de pouvoir déployer leurs solutions rapidement après l’obtention de l’autorisation de commercialisation. La mobilisation de l’achat public est un des leviers que l’AIS entend mobiliser pour assurer le continuum entre la politique de soutien à l’innovation et sa diffusion sur le marché. En complément du travail à faire avec les centrales d’achat pour identifier les innovations, les référencer et ainsi permettre qu’elles se diffusent dans les établissements de santé, l’AIS, en lien avec les ministères en charge de la santé et de l’industrie, va déployer un plan pilote « achat d’innovation » pour les nouvelles technologies de santé qui n’entrent pas dans les cadres de financements existants pour le moment. Ont notamment été identifiées comme thématiques, la robotique en soutien de la rééducation ou les casques de réalité virtuelle utilisées dans la prise en charge de la douleur, ou dans le domaine du « blood management » pour économiser les culots globulaires dans le cadre de transfusion sanguine, par exemple.

Tout au long de la chaîne de valeur de l’innovation, des progrès doivent encore être réalisés pour permettre aux patients, aux professionnels et au système de santé d’en bénéficier. Il en va de la qualité des prises en charge, de l’exercice de nos professionnels ainsi que de l’excellence de notre système de santé et de sa pérennité. 

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