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Décarboner le secteur de la santé, le médicament en ligne de mire

Selon une évaluation du think tank The Shift Project, les émissions de GES du secteur de la santé en France représenteraient autour de 49 millions de tonnes de CO2, soit plus de 8 % de l’empreinte carbone de la France.

Pas facile de le savoir ni de le comprendre immédiatement mais notre système de santé est un gros pollueur. Avec plus de 2,5 millions de professionnels, le secteur de la santé représente plus de 9 % de l’emploi en France. Et que ce soit les établissements hospitaliers, la médecine de ville, l’administration et complémentaires santé, les établissements et services pour enfants et adultes handicapés ou pour personnes âgées, « toutes les entités qui appartiennent au secteur de la santé sont concernées par ces émissions de gaz à effet de serre » indique le think tank The Shift Project à l’origine de cette vaste enquête sur le bilan carbone de notre système de santé*.

Après une suite de calculs savants, d’examens approfondis et de périmètres bien délimités, The Shift Project en est arrivé à la conclusion que les émissions de GES représentaient autour de 49 millions de tonnes de CO2, « soit plus 8 % des émissions françaises » (1). « Il est donc inévitable que ce secteur, à l’image de tous les autres, fasse sa part dans la nécessaire baisse des émissions de 5 % par an jusqu’en 2050, ce qui permettrait de rester sous les +2 C. Cela permet également de limiter sa dépendance aux énergies fossiles et les vulnérabilités qui en découlent alors que l’approvisionnement pétrolier de l’Europe est sous tension. Décarboner, c’est aussi reprendre notre destin en main » assènent les auteurs de l’étude qui estiment alors comme « significatif » l’effet du système de santé sur le changement climatique.

Au premier rang des émetteurs de GES, on trouve les achats de médicaments et de dispositifs médicaux « qui représentent la moitié des émissions du secteur de la santé ». Les émissions directes sont dominées par les sources fixes de combustion (consommation de fioul et de gaz pour des usages comme le chauffage ou l’eau chaude sanitaire). Le poste de l’alimentation occupe également une part très importante parmi les principaux postes d’émissions (11 %, 3ème source d’émissions), notamment à travers la restauration collective. On trouve également des postes moins spécifiques au secteur de la santé comme celui des déplacements (13 %), celui associé aux achats qui sont ensuite utilisés sur plusieurs années (bâtiments, véhicules, machines, système informatique et mobilier avec 8 %).

En détail le think tank explique que le coût carbone d’un médicament peut se répartir en 6 grandes composantes : la R&D, la production et le conditionnement, la distribution (des usines aux grossistes et des grossistes aux officines), la promotion (visite médicale), l’utilisation (impact relativement faible sauf pour certains médicaments sous forme de spray) et la destruction en fin de vie (incinération des médicaments hors d’usage - problème de qualité, périmés) ; et qu’en fonction des types de médicaments et des processus de fabrication, « ces différentes composantes auront un poids plus ou moins important dans le coût carbone global du médicament ».

Depuis plusieurs années, les laboratoires, conscients des enjeux économiques mais aussi d’image cherchent à faire évoluer leurs process. Certains n’hésitent pas à investir massivement dans le verdissement de leurs usines en optimisant l’utilisation de l’eau et de l’énergie par exemple. D’autres vont réduire l’utilisation d’emballages plastiques à usage unique. Mais le bilan carbone d’un médicament dépend aussi et surtout des fournisseurs du principe actif, parfois en petit nombre et souvent situés en Asie où les règles environnementales sont moins strictes (2). Un argument qui plaide encore en faveur de la relocalisation de la fabrication : un médicament produit localement a en moyenne une empreinte carbone réduite de 40 % par rapport à un médicament importé.

Toujours affichée et bien mise en avant dans les rapports de RSE, la volonté de verdissement des laboratoires demande à être contrôlée comme l’a récemment rappelé Sébastien Taillemite, président d’Ecovamed, une société qui calcule l’empreinte carbone des produits de santé : « Mettre en avant, par exemple, qu’on recycle des emballages n’est pas significatif si les emballages ne comptent que pour 1 % de l’impact environnemental du produit ». A suivre. 


* Décarboner la santé – The Shift Project – Avril 2023

1. À titre de comparaison, en 2021 l’empreinte carbone moyenne d’un Français est de 9,0 tCO2 et l’empreinte carbone de la France est d’environ 604 MtCO2

2. À ce jour, environ 80 % des principes actifs contenus dans les médicaments consommés en France sont produits en Chine.

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