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La Corse bientôt autonome ?

Le président de la République propose à la Corse le « statut d’autonomie » sous réserve de trouver un accord entre les élus corses et le gouvernement. Et si le président venait d’ouvrir la boîte de pandore.

La visite du chef de l’Etat sur l’Île de Beauté fin septembre promettait d’être intéressante. Les propos d’Emmanuel Macron allaient être scrutés à la loupe. Sur place, les élus de l’assemblée de Corse l’attendaient de pied ferme. Les forces de l’ordre étaient forcément sur le qui-vive. Et puis. Et puis Emmanuel Macron a parlé. « Ayons l’audace de bâtir une autonomie à la Corse » a-t-il lancé aux élus corses feignant la surprise, « une autonomie dans la République ». Sur sa lancée, le président déroule : « Je suis favorable à ce que les spécificités de la communauté insulaire corse soient reconnues dans la Constitution au sein d’un article propre, celle d’une communauté insulaire historique, linguistique et culturelle ». A Ajaccio, le président finit par prôner « l’entrée de la Corse dans notre Constitution ». Pour ce faire, le chef de l’Etat va proposer un texte à l’assemblée de Corse qui devra s’entendre avec l’exécutif sur une version commune finale. Ce texte alors validé sera soumis au vote des Corses comme cela s’est déjà fait en Nouvelle-Calédonie. Enfin, en vue de la révision de la Constitution, le président enclenchera l’article 89 pour soumettre l’accord accepté par les élus et les habitants de Corse à l’assemble nationale et au sénat qui devront le voter en des termes identiques. La révision ne pourra être entérinée qu’à la suite soit d’un référendum (option qui semble d’ores et déjà exclue au regard du risque de rejet), soit de l’adoption par le parlement réuni en congrès, en obtenant un vote d’au moins trois cinquièmes des parlementaires. Le président Macron doit maintenant réfléchir à la révision constitutionnelle qu’il souhaite. Une révision élargie (recours au référendum, introduction d’une dose de proportionnelle, IVG, réduction du nombre de parlementaires, Nouvelle-Calédonie…) risquerait de se heurter à l’opposition des parlementaires qui en feraient une tribune politique alors qu’une révision cantonnée à la seule autonomie de la Corse pourrait passer si la droite apportait son soutien au texte. Rappelons que jamais jusqu’à maintenant Emmanuel Macron n’a révisé la constitution. La réforme qu’il envisageait en 2018 avait été abandonnée faute de soutien suffisant. Selon les vœux du président tout devrait être sur les rails début 2024.

Mais voilà, Emmanuel Macron n’était pas si tôt rentré à l’Elysée, que le président de la Région Bretagne Loïg Chesnais-Girard mettait le pied dans la porte et s’engouffrait dans la brèche. « La modification de la Constitution annoncée par Emmanuel Macron ne doit pas oublier les autres collectivités de France. On ne peut avoir des élus avec plus d’autonomie d’action en Corse et maintenir les autres dans un centralisme inefficace et d’un autre âge » réagissait-il réagi sur X (anciennement twitter). Profitant de la visite d’Elisabeth Borne au congrès des régions de France, le président Loig-Chesnais lui remettait un rapport détaillant ses ambitions pour « une plus forte décentralisation ».

Le député Pierre Molac (Liot, Morbihan) a également rebondi aux propos du président : « Le centralisme ne marche ni en Bretagne ni en Corse : la demande d’autonomie exprimée par nos collectivités est une réponse à cette inefficacité des politiques publiques de l’Etat que les citoyens ressentent au quotidien. Rapprochons les décisions au plus près des réalités locales » a-t-il déclaré. Ailleurs comme en Occitanie, on reste prudent. Carole Delga a ainsi accueilli « plutôt positivement mais prudemment » cette « ouverture » du chef de l’État, « je suis certaine que cette ouverture pour la Corse sera bénéfique aussi pour les territoires d’Outre-mer, la Bretagne ou d’autres régions ».

Interrogé sur Franceinfo, le 29 septembre, le député RN de la Somme, Jean-Marc Tanguy qui a estimé qu’à l’heure actuelle, il ne voterait pas le texte au congrès si cela devait se présenter a jugé que « la Corse a déjà reçu beaucoup de compétences, la Corse a beaucoup changé. Je crois que le vrai problème des Corses aujourd’hui c’est de pouvoir bénéficier enfin d’un développement économique, d’investissements dans la culture, dans les infrastructures, dans l’eau, dans une autonomie énergétique [...]. C’est là-dedans qu’il faut investir, que les Corses attendent des solutions ». « J’ai entendu que le président de la région Bretagne réclamait lui aussi l’autonomie. Après ce sera quoi ? L’Alsace ? Les Basques ? » a vivement commenté Jean-Philippe Tanguy président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale pour qui la Corse doit rester dans la nation française. 

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