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Nouvelle-Calédonie : un pas en avant, deux pas en arrière

Mi-septembre, gouvernement, indépendantistes et loyalistes se sont assis autour de la même table pour discuter ensemble de l’avenir institutionnel du territoire. A l’issue de ces rencontres, Paris a présenté un projet d’accord de « cinq pages ». Mais de retour en Nouvelle-Calédonie, l’Union calédonienne, le principal parti indépendantiste a considéré cet accord « irrecevable » le qualifiant de « pas sérieux », et a suspendu les négociations avec le gouvernement.

L’objectif était ambitieux. Peut-être trop. L’envie d’obtenir un accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie s’est évanouie après les déclarations de l’Union calédonienne, composante majoritaire du rassemblement de partis indépendantistes FLNKS s’opposant au projet d’accord et en suspendant les discussions. Tout était pourtant bien parti ce 6 septembre. Pour la première fois depuis longtemps - il n’y avait pas eu de rencontre « trilatérale » depuis la dernière convention des partenaires, en octobre 2019 -, se retrouvaient autour de la table, au ministère de l’intérieur, à Matignon et même à l’Elysée, l’ensemble des acteurs concernés par le sujet : le gouvernement, les responsables politiques indépendantistes et loyalistes, le haut-commissaire, les mineurs et métallurgistes du nickel. Une réunion qui s’annonçait donc sous les meilleurs auspices depuis le référendum de 2021 qui avait vu le « non » à l’indépendance l’emporter (les indépendantistes avaient boycotté le scrutin). Souriante, Elisabeth Borne pouvait exprimer son envie « d’avancer » et d’aboutir à « un accord politique ». Cette rencontre, « une étape importante » pour la première ministre, était aussi l’expression de l’accord de Nouméa de 1998 qui prévoit qu’en l’absence de la mise en œuvre d’une nouvelle organisation territoriale après les trois référendums (2018, 2019, 2021) sur « la pleine souveraineté », « les partenaires politiques se réunir[aient] pour examiner la situation ainsi créée ». C’était encore la mise en œuvre du « pacte de Nouméa » initié en juillet dernier par Emmanuel Macron prévoyant la signature d’un accord à l’automne autour d’une révision constitutionnelle en 2024, d’un nouveau corps électoral et des élections provinciales.

En haut de la pile des sujets à traiter, l’avenir institutionnel de l’île et « l’exercice du droit à l’autodétermination » comme l’a dit Elisabeth Borne devant les élus calédoniens. « Ce droit ne doit pas être théorique ou rester une belle formule » ajouta-t-elle, « Nous devons (...) garantir le droit à l’autodétermination, mais en définir clairement les futures modalités, pour ne pas faire peser une incertitude permanente, de court terme, sur le devenir de la Nouvelle-Calédonie ».

D’autres sujets ont été également abordés comme la construction d’une citoyenneté calédonienne et celui du transfert des compétences. Au menu également des discussions que la première ministre veut « absolument » voir aboutir, celle du « dégel » du corps électoral en vue des élections provinciales de 2024 (le droit de vote est aujourd’hui réservé aux natifs et aux personnes arrivées sur le caillou avant 1998 et à leurs descendants).

Au cours de la réunion qui a suivi la rencontre avec Elisabeth Borne, le ministre de l’intérieur présentait un projet d’accord en six points qui concerne « le statut de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, les institutions locales, le corps électoral et la citoyenneté calédonienne, l’exercice de l’autodétermination, les compétences, les mesures économiques et financières, les mesures d’application de l’accord ». De lourds sujets mais visiblement pas suffisants pour les indépendantistes qui n’avaient rien manifesté à la fin de la rencontre. Un silence qui en disait long. Dans un communiqué publié le 14 septembre, l’UC a déclaré « irrecevable » le projet d’accord présenté par le gouvernement estimant qu’il ramenait le peuple kanak « trente ans en arrière ». Dans ce même : communiqué, la composante du FLNKS déclarait également suspendre « toutes [ses] rencontres avec les représentants de l’Etat, y compris les réunions techniques », jusqu’à son prochain congrès annuel du mouvement qui doit se tenir le 9 et 10 novembre. Pour l’Union calédonienne, Paris n’a « pas vraiment montré sa volonté de prendre en compte (…) le règlement du contentieux colonial » et « la poursuite du processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie ».

Gérald Darmanin doit se rendre en Nouvelle-Calédonie en octobre pour une possible signature de l’accord en novembre. Ce déplacement sera-t-il maintenu ? Pendant ce temps, en Nouvelle-Calédonie le temps s’écoule, non sans conséquences : sur une population de 300 000 habitants, on a déjà dénombré le départ de plus de 3 000 familles (9 200 personnes). Un phénomène qui s’est accéléré depuis 1998 en raison notamment des incertitudes politiques et une perte de confiance dans l’avenir du territoire (voir encadré). 


Un quart des néo-calédoniens envisagent de quitter le territoire
L’enquête menée par QuidNovi pour le compte de la CCI-NC montre que 25 % des personnes interrogées (1700 personnes essentiellement résidentes du Grand Nouméa) envisagent de quitter le Caillou, 12 % sont certaines de partir, dont 8 % à très court terme (1 à 2 ans). 14 % pensent partir à l’âge de la retraite. Au total, ils sont donc 39 % à penser à un éventuel départ du territoire. « Les répondants qui quitteront le territoire à court terme sont des foyers de 3,2 personnes, à l’image de la taille moyenne des foyers calédoniens selon le dernier recensement de la population » précise l’étude parue début août.
« L’incertitude institutionnelle et le climat politique constituent la première raison de départ des résidents de Nouvelle-Calédonie, loin devant les autres critères » indique encore l’étude. Dans le détail : 17 % déclarent ne pas avoir confiance dans l’avenir du pays, 11 % dénoncent l’incertitude sur le futur statut et le risque indépendance, 9 % évoquent un rapprochement familial, 8 % sont en fin de contrat ou parlent de mutation et d’opportunités et 6 % déplorent la vie chère en Nouvelle-Calédonie.
Parmi les départs déjà enregistrés, les répondants font majoritairement partie des secteurs de la santé, du commerce et de la construction. 43 % des familles comptabilisaient au moins un cadre ou profession intellectuelle supérieure et un quart comptait au moins un travailleur indépendant. 21 % des actifs étaient issus du secteur de la santé.
Et contrairement aux idées reçues, la majorité des familles qui sont parties étaient installées durablement en Nouvelle-Calédonie. Une partie d’entre elles comptait au moins un adulte natif de Nouvelle-Calédonie. Il ne s’agit donc pas de « personnes en séjour pour quelques années ».
Ceux qui sont déjà partis ou qui partent vont surtout en métropole et Outre-mer (85 %). Les familles comprenant au moins un adulte né en Nouvelle-Calédonie sont plus nombreuses à opter pour l’Australie, le Canada ou la Nouvelle-Zélande.

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