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Chaudières : il y a de l’eau dans le gaz

Le gouvernement a lancé une concertation avec les élus et les professionnels pour discuter de l’interdiction d’installation de chaudières à gaz et au fioul neuves dans le parc tertiaire comme résidentiel. Une idée qui divise.

Jusqu’au 28 juillet élus et professionnels vont discuter de l’interdiction des chaudières à gaz et au fioul. Une concertation qui s’inscrit dans le cadre de la planification écologique voulue par Elisabeth Borne pour respecter les engagements climatiques de la France d’ici à 2030. Ou comment « accélérer la dynamique et la dépose des chaudières fossiles (fioul et gaz) » et les remplacer par des pompes à chaleur. S’il n’est pas encore question d’une interdiction formelle des chaudières, c’est « une des possibilités » reconnaît le gouvernement qui préfère parler d’une « évolution progressive » sans obligation de remplacer l’installation de chaudières à gaz neuves. Le 22 mai pourtant, devant le Conseil national de la transition écologique, la première ministre s’est montrée beaucoup plus affirmative évoquant même une interdiction dès 2026.

Aujourd’hui les émissions de CO2 du secteur du bâtiment représente 75 MT en 2021 et devront baisser d’environ 45 MtCO2 pour atteindre 30 MtCO2 en 2030. Une évolution qui « implique de réduire drastiquement les émissions liées au fioul et au gaz en accélérant le remplacement des chaudières gaz comme fioul et l’isolation des logements » justifie le ministère de la transition énergétique de Christophe Béchu.

Aujourd’hui ce sont quelques 12 millions de foyers qui se chauffent au gaz, dont 5 millions en maisons individuelles, 3,5 millions en logements collectifs avec chauffage individuel et 3,5 millions en chauffage collectif. Soit au total, 40 % des ménages. En 2021, 2,7 millions de résidences principales étaient chauffées au fioul domestique et 11,2 millions à l’électricité (dont 2,3 millions avec des pompes à chaleur). 3,1 millions de logements principaux se chauffaient au bois et 1,5 million au chauffage urbain selon le Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie (Ceren),.

La concertation porte également sur la décarbonation des bâtiments - 18 % des émissions de CO2 et dont 60 % de ce total vient du chauffage au gaz - avec une réflexion sur l’isolation notamment.

Aujourd’hui plus de 130 000 personnes travaillent dans le secteur, dont 38 à 45 000 pour l’équipement et le service des chaudières à gaz. On compte en France 16 000 installateurs.

Mais le discours du gouvernement a un peu de mal à passer auprès de la population qui devra faire face à des dépenses extraordinaires pour répondre à ces nouvelles exigences vertes. Et en dépit des aides du dispositif Ma Prime Renov’. Il va aussi falloir s’inquiéter de l’effet d’aubaine que cela va provoquer avec son lot d’arnaques et de malfaçons. Il n’y a qu’à se souvenir des arnaques aux offres à 1 euros pour remplacer les chaudières au fioul par des pompes à chaleur air-eau. Plus globalement, il faut aussi compter sur une hausse des pompes à chaleur qui coûtent en moyenne « 10 000 e de plus qu’une chaudière à gaz performante » indique UFC-Que Choisir très remonté contre le projet du gouvernement. « Le remplacement de 12 millions de chaudières par des pompes à chaleur au fil des années risque fort d’engendrer une déferlante de démarchages agressifs et d’arnaques à grande échelle, de coûter une fortune aux ménages et en prime, de les contraindre à changer de matériel plus souvent, les pompes à chaleur étant moins endurantes » insiste l’association de consommateurs.

Autre souci, le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur va nécessiter de l’électricité, beaucoup d’électricité. « En tenant compte du nombre d’équipements arrivant en fin de vie, GRDF a calculé que cela augmentera fortement la pointe électrique en hiver et nécessitera 10 gigawatts de plus en 2035, soit l’équivalent de 10 réacteurs nucléaires supplémentaires. Or le premier EPR n’est toujours pas en service et aucun autre ne pourra l’être avant 2035, voire 2040 ». Les énergies renouvelables n’y suffiront pas et notre parc nucléaire vieillissant non plus. Pour répondre à la demande, il faudra alors importer de l’électricité en hiver. D’où ? D’Allemagne qui nous fournira une électricité provenant de centrales au charbon et de centrales thermiques au gaz, « mais avec des émissions de gaz à effet de serre très élevées » juge UFC-Que Choisir qui estime que « remplacer les chaudières gaz vieillissantes, 50 % du parc, par des modèles à très haute performance énergétique aurait en revanche le mérite de réduire de 30 % leurs émissions ». Cerise sur le gâteau, les pompes à chaleur viennent principalement d’Asie avec un bilan carbone bien plus lourd que celui des chaudières fabriquées en France ou en Allemagne.

Les résultats de la concertation seront restitués à l’automne et « pourront nourrir les textes de loi à venir, ou faire l’objet de textes réglementaires » indique le ministère. 

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