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Ça sent pas bon à Bruxelles pour la parfumerie

Face à la menace d’une révision de la réglementation européenne, le maire de Grasse, Jérôme Viaud a lancé un club européen des villes de la parfumerie pour défendre la naturalité des produits aromatiques.

Dans le cadre des règlements CLP (classification, étiquetage et mélanges) et Reach (pour l’utilisation des substances chimiques), la commission du « pacte vert » du Parlement européen discute d’une nouvelle réglementation sur les huiles essentielles dans les produits cosmétiques. L’Union européenne s’inquiète notamment des allergènes et des perturbateurs endocriniens qui pourraient être présents dans les productions naturelles issus de la lavande, des roses et autres fleurs. Cette « classification des huiles essentielles, mais aussi des produits issus de la naturalité et de la parfumerie, comme substances dangereuses » ne sera pas sans conséquences pour la filière parfum déplore Jérôme Viaud, le maire de Grasse, « berceau de la parfumerie ».

Inquiet, l’élu voit plus sûrement dans cette révision réglementaire la main de puissants lobbys aux visées économiques qu’un choix de santé publique. « J’ai cru comprendre que c’était un sport national là-bas [au parlement européen, Ndlr]. Des gens pensent que les huiles essentielles sont nocives à cause des allergènes et se disent que de la chimie fine va pouvoir les supprimer tout en gardant la même qualité. Moi, je viens essayer de prouver le contraire et que les consommateurs sont attachés à la naturalité des produits et au savoir-faire des producteurs » explique celui qui en 2018 permis la préservation de 70 hectares pour la production de plantes à parfum dans le cadre d’un plan local d’urbanisme.

Pour rassurer toute une filière et faire entendre la voix des parfumeurs, Jérôme Viaud a décidé de lancer un club européen des maires des villes de la parfumerie. « On se réunit pour faire entendre une voix politique a indiqué le Grassois en conférence de presse, car les maires n’ont pas de tribune officielle au niveau européen, nous devons être associés à la fabrication des règles européennes et être entendus ». Déjà une soixantaines de villes de neufs pays différents ont rejoint ou vont rejoindre le mouvement* – « Une liste ni arrêtée ni exhaustive » précise le maire de Grasse. L’idée est de réunir ces villes « ayant une activité, un patrimoine et une histoire liés aux secteurs économiques des parfums, des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, et des huiles essentielles » car « derrière tout cela, il y a toute une économie : producteurs, transformateurs, négociants, etc ».

Sans attendre que la France « prenne clairement position pour soutenir les filières », le club veut avancer et convaincre en parlant « aux eurodéputés, aux commissaires européens. Pour qu’au moment où ils préparent leurs règlements, nous puissions être entendus et associés aux réflexions ». « C’est une mission importante, pour défendre la naturalité, les huiles essentielles et l’utilisation des produits naturels dans les parfums et cosmétiques. On doit sensibiliser le Parlement européen sur les impacts potentiels de leurs décisions… » insiste Jérôme Viaud. « Nous voulons arrêter la machine bureaucratique infernale en la sensibilisant aux conséquences de ses projets, en lui montrant que derrière l’anonymat d’un règlement, il y a une filière d’excellence, avec ses emplois et ses villes, qui a d’autres besoins, d’autres attentes et d’autres solutions – que ces décideurs européens sont loin de tous avoir à l’esprit étant donné les centaines de textes règlementaires en cours d’adoption. Les rencontrer, souvent, c’est donc déjà faire avancer les choses dans la bonne direction » ajoute Jérôme Viaud qui assure la présidence du Club avec Galina Stoyanova, maire de Kazanlak, ville jumelée à Grasse et capitale de la culture de la rose Bulgare, et Emil Boc, maire de Cluj-Napoca, et ancien premier ministre de Roumanie comme vice-présidents. 


*France (Grasse, Forcalquier, Valensole, Sault, Puimisson, Grignan), Espagne (Séville, Murcia, Valencia, Elche...), Italie (Reggio Calabria, Messina, Parma), Autriche (Sankt Ulrich am Pillersee), Allemagne (Kulmbach, Eichenau), Roumanie (Cluj-Napoca, Oltenita), Moldavie (Chisinau), Bulgarie (Karlovo, Kazanlak...) et Pologne (Poznan, Lublin...).


En 2021, les surfaces de production des plantes à parfum représentaient 37 897 ha, dont 33 094 ha étaient consacrés à la lavande et au lavandin et 3 400 ha à la sauge sclarée. Actuellement, jusqu’à 90 % de la production mondiale de lavandin est Française (source PAC 2021 / FranceAgriMer). Les cultures lavande / lavandin se localisent principalement dans le Sud-Est, et plus particulièrement dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, de la Drôme et du Vaucluse (90 % des surfaces Françaises). La lavande est plutôt concentrée sur le plateau d’Albion et le lavandin sur le plateau de Valensole et dans le Tricastin.

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