Print this page

Polynésie française : victoire des indépendantistes

Les élections territoriales de Polynésie française ont donné le pouvoir aux partisans de « la pleine souveraineté ». Le nouveau président du territoire, l’ex-député de la Nupes, Moetai Brotherson a rencontré le président Macron le 7 juin dernier.

Un coup de tabac. Les élections territoriales du 16 et 30 avril derniers visant à renouveler l’Assemblée de la Polynésie française ont donné une large victoire au parti indépendantiste Tavini Huiraatira d’Oscar Temaru, son leader charismatique. Avec 38 sièges sur les 57, il devance largement le parti Tapura du président autonomiste sortant Edouard Fritch et soutien local d’Emmanuel Macron qui n’obtient que 16 sièges (38,5 %). La liste de l’autonomiste dissident Nuihau Laurey emporte quant à elle 3 sièges (17,2 %). Le président de cette assemblée renouvelée est l’indépendantiste radical Antony Géros. Le député de la Nupes Moetai Brotherson a quant à lui été élu président du territoire par les représentants de l’Assemblée locale de la collectivité. « Avec responsabilité et respect, nous mènerons ensemble un travail exigeant pour répondre aux problématiques que rencontrent les Polynésiens au quotidien » a twitté le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à l’annonce des résultats adressant ses « félicitations » au nouveau président.

Entre les deux tours, le fort taux de participation de 70 % a connu un bon de 10 points favorisant les indépendantistes : l’écart de voix est passé de 5100 voix au premier tour à 8400 voix au second. Partout, les indépendantistes ont progressé devançant les autonomistes dans les trois principales îles de l’archipel - Tahiti, Moorea et Raiatea - et même dans les grandes villes et notamment Papeete, la capitale où les indépendantistes sont passés de 23,6 % à 43,6 % des voix en cinq ans. Si dans le fief d’Edouard Fritch, la ville de Pirae, le parti autonomiste arrive à se maintenir en tête, il baisse de près de dix points.

A 17 000 kilomètres de la métropole, ce vote s’apparente d’abord à une sanction contre le président sortant aux commandes du territoire depuis une quarantaine d’années déjà. Victime d’une « vague de dégagisme », à 71 ans Edouard Fritch était la proie ces derniers temps de polémiques dont il n’arrivait pas à se défaire (gestion du covid, création d’une nouvelle taxe en faveur de la Sécurité sociale locale, forte inflation…). Il n’a pas non plus, semble-t-il, pris la mesure de l’avertissement des dernières législatives qui a porté au palais Bourbon trois indépendantistes modérés et plus jeunes : Moetai Brotherson, 53 ans qui laissera son siège à sa suppléante Mereana Reid Arbelot pour prendre la tête du gouvernement, Steve Chailloux, 37 ans et Tematai Le Gayic, élu plus jeune député de la République, à 21 ans.

Bien plus qu’un vote en faveur d’une hypothétique indépendance, ce vote s’est avant tout joué sur les promesses électorales des candidats de lutter contre les inégalités sociales, la misère et la « vie chère ». « Nous n’avons pas gagné les élections parce que tout le monde en Polynésie est devenu indépendantiste. Les gens ont envie d’un changement, c’est l’élément principal, et d’un gouvernement qui s’occupe de leurs problèmes quotidiens. Mais les Polynésiens n’ont plus de réaction épidermique quand on prononce les mots « décolonisation », « processus d’autodétermination ». Ils comprennent que, finalement, c’est le peuple qui choisit » a déclaré au Monde, Moetai Brotherson.

Tout en appelant les Polynésiens à ne « pas craindre l’indépendance » qui ne sera pas « imposée », Moetai Brotherson qui se dit « courtois mais déterminé » n’envisage toutefois pas un référendum d’autodétermination avant « dix ou quinze ans » estimant « ne pas pouvoir y arriver dans les cinq ans qui viennent dans de bonnes conditions ». A la différence d’Antony Géros qui plaide activement pour une indépendance rapide. Les deux hommes vont devoir cohabiter.

Après la Nouvelle-Calédonie - le président indépendantiste du Congrès calédonien, Roch Wamytan, était à Papeete pour les élections -, la victoire des indépendantistes en Polynésie vient quelque peu contrecarrer les plans d’Emmanuel Macron qui déclarait récemment qu’il voulait que la France « s’affirme toujours davantage » dans la zone indo-pacifique.

Chaque année, la France transfère 1,7 milliard d’euros en Polynésie française, territoire de 280 000 habitants, français depuis 1842, pour y financer l’éducation, la sécurité ou la justice.

En 2013, la Polynésie a été réinscrite sur la liste des Nations unies des territoires non autonomes à décoloniser. 

763 K2_VIEWS