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Publicité, holding… : Quel audiovisuel public demain ?

Dans son rapport, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’avenir de l’audiovisuel public prône la fin de la publicité et des parrainages après 20 heures compensée par une fraction de la TVA. La mission préconise également la création d’une holding dont le PDG sera nommé par le conseil d’administration.

“Il est important de rappeler en préambule que nous croyons à l’audiovisuel public et à son avenir” lancent en chœur les deux élus venus présenter leur rapport à la presse ce 7 juin, craignant sans doute un peu que leurs préconisations en effraient plus d’un. Mais le président de la mission Jean-Jacques Gaultier (LR) et le rapporteur Quentin Bataillon (Renaissance) qui déclarent être sur la même longueur d’ondes souhaitent bien « révolutionner l’audiovisuel public » (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel) avec leurs propositions. « Dans un monde qui bouge, une cible immobile est une cible facile. Tous nos voisins européens ont déjà fait évoluer leur audiovisuel public » répète d’ailleurs à l’envi Jean-Jacques Gaultier, très fier de sa formule. « Le statu quo serait mortifère » ajoute Quentin Bataillon.

« Ce qui est au cœur du rapport, c’est le financement de l’audiovisuel public » embraye le président qui parle même de « priorité ». Après avoir auditionné près de 200 personnalités, le consensus s’est d’abord fait autour de l’idée « de dire non à la budgétisation » de l’audiovisuel public en raison d’un risque d’attrition des finances publiques et d’un risque réputationnel de l’audiovisuel public qui pourrait alors apparaître comme un média gouvernemental. Les rapporteurs n’ont pas retenu non plus la création d’une nouvelle taxe « politiquement intenable » et économiquement peu intéressante parce que trop lourde à mettre en place. Aussi pour pérenniser le mode de financement mis en place en 2022 après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (ex-redevance), avec l’affectation d’une fraction de la TVA, ils proposent de modifier la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) « dès que possible ». Sans attendre, le jour de l’examen en commission de leur rapport, les deux élus déposaient justement une proposition de loi organique en ce sens.

Parce qu’Arte a toujours eu une place particulière dans le paysage audiovisuel public, ils entendent mettre en place un financement « spécifique » avec la création d’un prélèvement sur recettes à son profit. Cela devra également passer par une modification de la LOLF.

Mais c’est surtout sur leur volonté de supprimer la publicité entre 20 heures et 6 heures sur les antennes nationales et les plateformes de France Télévisions que les élus étaient attendus. « Nous voulons revenir à l’esprit de la loi de 2009 » ont-ils largement insisté. Ils en ont aussi profité pour dénoncer son contournement par les parrainages (petits messages diffusés avant un programme court comme la météo) dont ils jugent le recours « excessif ». Ils souhaitent donc les voir disparaître tout comme les spots diffusés avant un replay. Cette mesure emblématique doit permettre de « faire une vraie différence entre l’audiovisuel public et les chaînes privées » estime Quentin Bataillon. Cette volonté affichée du « zéro publicité » vers laquelle tendre existe ailleurs souligne Jean-Jacques Gaultier : En Grande-Bretagne, la BBC n’a plus aucune recette publicitaire pour ses chaînes nationales ; la publicité est interdite en Espagne depuis 2009 sur RTVE et en Allemagne, sur le service public, elle est interdite autour des programmes pour enfants, des émissions cultuelles et aussi à partir de 20 heures, les jours fériés, et le dimanche. Des exemples dont il faut s’inspirer jugent les députés. D’aucuns ont fort opportunément fait remarquer que cette proposition tombait en même temps que la demande formulée auprès de la Première ministre par l’Association des chaînes privées (TF1, M6, Canal+ et Altice) de « mettre fin aux pratiques de contournement de France Télévisions et à ses demandes continues d’élargissement de la publicité sur ses différentes antennes ». Pour autant, pas question de laisser tomber l’audiovisuel public. « Les pertes de recettes publicitaires, environ 120 millions, seraient compensées à l’euro près par l’affection d’une fraction du produit de la taxe sur les services numériques (Amazon, Google, Meta, Apple, etc.) » explique Jean-Jacques Gaultier. Alors pourquoi ne pas aller plus loin en supprimant entièrement la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel interroge-t-on. « Pour une suppression totale, il faut trouver plus de 400 millions d’euros. La marche me paraît un peu haute et pénalisante, juge le président de la mission, mais à terme l’objectif est bien de baisser progressivement la publicité sous toutes ses formes, sur les antennes télévisées comme radiophoniques du service public ». En attendant, il importe de « veiller à ne pas déséquilibrer le marché publicitaire alors que beaucoup d’annonceurs migrent vers les supports numériques. Nous avons besoin d’un audiovisuel public fort mais aussi d’acteurs privés forts » soulignent-ils.

Au-delà de la suppression de la publicité, le rapport insiste sur la nécessité de réaffirmer la singularité du service public en veillant à « renforcer l’offre d’information et programme relatifs à l’Europe mais aussi en maintenant les programmes culturels les plus exigeants sur les chaînes généralistes du service public et non plus seulement sur les canaux de diffusion plus confidentiels ». Les députés veulent aussi encourager le partage des retransmissions sportives entre groupes privés à accès gratuit pour le public et service public « afin d’assurer le maintien d’un accès gratuit pour le public le plus large et de contribuer également à freiner l’inflation des droits de diffusion ».

Enfin, les députés veulent aussi avancer sur la question de la gouvernance de l’audiovisuel public qui doit être « réformée, plus cohérente et convergente, abandonnant une organisation en silos ». Ils penchent alors pour la création d’une société holding « capable de jouer le rôle de chef de fil et de facilitateur entre les entités de l’audiovisuel public afin de veiller au suivi du cap commun et à l’avancée programmée des collaborations ». « Pour en assurer l’indépendance, son président-directeur général devra être nommé par le conseil d’administration de la société après avis conformes de l’Arcom et des commissions chargées des affaires culturelles des assemblées » insistent-ils.

Le rapport de 126 pages de la mission a été adopté par une majorité de ses membres, à l’exception du RN qui n’a pas participé au vote ; la France insoumise et le Parti socialiste ont voté contre. 

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