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Russie, le boomerang des sanctions

Le 22 juin, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont prolongé jusqu’au 31 janvier2016 les sanctions économiques décrétées contre la Russie. En réaction, le président Poutine a, à son tour, décidé de prolonger jusqu’en juin 2016 l’embargo sur une grande majorité des produits alimentaires européens. Des sanctions qui ne sont pas sans conséquence pour l’économie européenne comme l’a révélé une étude de l’Institut autrichien d’études économiques Wifo, publiée par sept journaux européens.

 

“L’Union européenne a prolongé les sanctions afin que la Russie remplisse ses obligations découlant de l’accord de Minsk » a indiqué un porte-parole de la Commission européenne le 22 juin après le vote des 28 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne. Dans un communiqué officiel, le Ministère des Affaires étrangères russes a immédiatement réagi en se disant « profondément déçu qu’une fois de plus l’opinion du lobby russophobe l’ait emporté en Union européenne, entraînant la prolongation de ces restrictions illégales ». Le ministère a par ailleurs trouvé « particulièrement cynique » que ce prolongement des sanctions ait été annoncé le jour anniversaire de l’invasion nazie de l’URSS, le 22 juin 1941, souhaitant que ce ne soit là que « pure coïncidence ». « Même si l’on ne peut pas qualifier cette vie d’agréable, il est de toute évidence possible de vivre dans ces conditions. Le coup a été dur pour nous. Ces sept à huit derniers mois ont été très difficiles. Mais je ne m’attends pas à ce que la prolongation des sanctions ait des conséquences dramatiques » a fanfaronné , German Gref, le président de Sberbank. Le premier vice-premier ministre russe, Igor Chouvalov a pour sa part préféré pointer du doigt les pertes subies par les Etats « qui sont eux-mêmes à l’origine des sanctions ». En réponse donc à ces sanctions jugées « non fondées » la Russie a décrété la poursuite de l’embargo, décidé par Vladimir Poutine en août 2014, sur les produits alimentaires en provenance de l’Union européenne, d’Australie, de Norvège, du Canada et des Etats-Unis. Mais à ce petit jeu de dupes, Russie et Union européenne n’ont pas grand-chose à y gagner.

Si, selon l’ancien premier vice-président de la Banque de Russie, Sergueï Aleksachenko, les sanctions européennes provoqueront en 2015 une diminution de près de 5% du PIB russe, l’Union européenne dans un rapport confidentiel qu’ont toutefois pu consulter El Pais et Die Weilt, parle pour sa part d’effets « relativement minimes » et « gérables » des sanctions et contre-sanctions qui ne devraient entraîner qu’une contraction du PIB de l’UE de 0,25%. Un optimisme européen tempéré par l’étude Wifo qui s’est basée sur les mauvais chiffres du premier trimestre 2015 pour établir son diagnostic. L’institut estime que l‘économie européenne (UE + Suisse) pourrait subir jusqu’à 80 milliards d’euros. de pertes de richesses produites ; plus d’1,9 million d’emplois seraient également menacés.

S’appuyant sur les chiffres fournis par le FMI et Eurostat, l’étude révèle déjà que les exportations françaises vers la Russie ont chuté de 33,6% sur un an (- 40,4% pour l’Espagne, - 33,9% pour l’Allemagne, - 29,3% pour l’Italie). Autres conséquences en France, celles sur le tourisme. Cet hiver, le nombre de nuitées russes a baissé à Paris de 27% avec pour résultat un manque à gagner chiffré à 185 millions d’euros par rapport à la saison hivernale dernière. Pour Wifo, la France pourrait ainsi perdre « à long terme » près de 150 000 emplois et voir son PIB rogné de 0,5%.

Mais, selon les estimations de l’institut autrichien, c’est l’Allemagne qui aurait le plus à perdre. L’étude calcule que les sanctions à la Russie pourraient coûter à Berlin 27 milliards d’euros, soit un peu plus de 1% de son PIB et 500 000 emplois.

Espagne, Pologne, Italie, Pays-Bas et Estonie sont également sévèrement menacés par les sanctions contre la Russie et les contre-sanctions russes portant notamment sur l’interdiction d’importer de nombreux produits agroalimentaires comme le lait, les légumes, les fruits, la viande et le fromage. Premier secteur en danger l’agroalimentaire qui pourrait perdre jusqu’à 265 000 emplois, devant le commerce avec 225 000 emplois

Les sanctions européennes contre la Russie ont coûté près de 5 milliards d’euros de pertes selon Antonio Fallico, président du Conseil d’administration de la Banca intesa, la plus grosse banque d’Italie. C’est le secteur des fruits et légumes qui est le plus touché en Italie avec des pertes estimées à 1,2 milliard d’euros. Les secteurs de l’ameublement, de la mode, de la construction automobile et du tourisme sont aussi impactés. Toujours selon Antonio Fallico, près de 300 000 personnes travaillant dans des secteurs en relation avec la Russie auraient perdu leur emploi.

 

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