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Transports d’animaux dans l’UE : un secteur dopé par la différence de coûts entre régions

Dans un récent rapport, la Cour des comptes européenne s’est penchée sur la différence des coûts de transport d’animaux dans l’UE qui facilite les gains de productivité pour les exploitants au mépris du bien-être animal.

Depuis quelques années, la question du bien-être animal est un sujet de préoccupation pour de plus en plus de citoyens européens. Or, sur cette question, l’essentiel de la réglementation européenne remonte à dix-huit ans et devrait être très prochainement revue et corrigée A l’automne prochain, la commission européenne a ainsi annoncé un nouveau cadre réglementaire qui devrait notamment aborder le transport des animaux. Ces nouvelles règles devraient prendre en compte les réflexions émises par le Parlement européen, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et les dernières propositions avancées par la Cour des comptes européenne (CCE).

Chaque année, ce sont des milliards de bovins, porcins, caprins, volailles et chevaux qui sont déplacés dans l’Union européenne à des fins de reproduction, d’engraissement ou d’abattage. Au cours de leur vie, ces animaux peuvent être transportés plusieurs fois : les porcs engraissés et abattus en Allemagne sont souvent nés au Danemark ou au Pays-Bas tandis que les bovins nés en France, en Irlande ou en Lituanie sont souvent engraissés et abattus en Espagne ou en Italie. La plupart des échanges commerciaux d’animaux vivants entre Etats membres se font alors par voie routière. Selon les données disponibles concernant le transport d’animaux entre 2017 et 2021, « 63 % des trajets étaient courts (jusqu’à huit heures), 33 % étaient longs et 4 % étaient très longs (plus de 24 heures) » précisent les auditeurs de la CCE. Ils écrivent encore qu’au cours de ces voyages les animaux « éprouvent du stress lors de leur chargement dans les véhicules et peuvent souffrir de la faim, de la soif, de la chaleur au cours du voyage ».

Et parce que les élevages ne sont pas répartis uniformément dans les pays et les régions de l’UE et que les exploitations agricoles tendent à se spécialiser dans une espèce animale ou un stade de production, les auditeurs de la Cour constatent qu’agriculteurs et exploitants cherchent « à réduire autant que possible les coûts de production et d’abattage, de maximiser les recettes et de réaliser des économies d’échelles en exploitant les différences de coûts entre les pays de l’UE ». « Ces facteurs encouragent le transport d’animaux, en particulier lorsque les coûts de transport ne représentent qu’une petite partie du prix de détail de la viande » soulignent les rapporteurs. Or, « transporter des animaux vivants sur de longues distances peut avoir des effets néfastes sur leur bien-être » dénonce Eva Lindström, responsable à la Cour du document d’analyse. « Les Etats membres n’appliquent pas de la même manière la législation européenne sur le transport d’animaux, et les transporteurs peuvent chercher à profiter des failles dues aux différents systèmes de sanctions nationaux. Le risque existe donc que les transporteurs optent pour un itinéraire plus long afin d’éviter les pays qui appliquent plus strictement la réglementation de l’UE et imposent des sanctions plus sévères. Enfreindre les règles peut également s’avérer profitable pour les producteurs, par exemple lors du transport d’animaux inaptes, car les amendes infligées ne sont pas véritablement dissuasives » se désole-t-elle.

Une des solutions pour atténuer les effets néfastes du transport sur le bien-être animal serait alors de limiter le nombre et la durée des trajets tout en améliorant les conditions dans lesquelles ces derniers se déroulent explique la Cour. Elle propose également que l’Europe réfléchisse à rapprocher le lieu d’abattage du site de production. « Le recours à des abattoirs de proximité et à des abattoirs mobiles permettrait d’éviter de transporter des animaux et serait plus écologique » avancent les auditeurs. La Cour suggère encore de s’appuyer sur la prise de conscience de plus en plus forte des Européens qui selon une enquête récente, seraient « prêts à payer leur viande plus cher s’ils ont l’assurance que le bien-être animal a été respecté ». Les auditeurs ajoutent qu’en étant mieux informés, « les consommateurs seraient plus à même de faire des choix éclairés lors de leurs achats ». Pourquoi ne pas instaurer un système d’étiquette relatif au bien-être animal au niveau des Vingt-Sept suggèrent les auditeurs. Une autre piste serait la mise en place de mesures pour inciter les producteurs et les consommateurs à adopter un comportement durable. Dernière option et pas des moindres : la Cour imagine que l’on attribue « une valeur monétaire à la souffrance animale pendant le transport » et qu’on « l’intègre dans le coût de celui-ci et le prix de la viande ». « Très souvent, il est plus rentable de transporter des animaux plutôt que de la viande. On constate que la souffrance animale est gratuite, et qu’il n’y a pas d’incitation économique à améliorer le bien-être aux différentes étapes de leur vie » conclut amèrement Eva Lindström. 

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