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Crise de la betterave : Tereos ferme deux usines

L’annonce a été faite le 8 mars dernier : le sucrier Tereos a décidé de fermer une distillerie et de vendre une amidonnerie. Et ce n’est peut-être qu’un début.

Pour le secteur du sucre et de la betterave cette annonce n’est pas vraiment une surprise. La crise réglementaire avec l’interdiction des néonicotinoïdes et les aléas climatiques ne sont que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase d’un secteur en crise depuis un moment déjà.

Faute de volumes suffisants pour alimenter ses neuf usines françaises, Tereos, quatrième sucrier mondial n’a pas eu d’autres choix que de décider la fermeture de son site historique d’Escaudoeuvres (Nord) – l’usine allait célébrer ses 150 ans d’existence -, et de chercher à vendre son amidonnerie d’Haussimont (Marne) qu’il détenait depuis 2011. Un projet d’arrêt de l’atelier de distillerie de Morains (Marne) a également été annoncé. Ce sont 149 postes qui sont menacés dont 123 rien qu’à l’usine de Escaudoeuvres.

L’audit commandé par Tereos en 2021 sur la compétitivité de ses entreprises face à la concurrence ne laissait guère de doute sur les choix à venir. Le compte n’y était plus. Ses usines les moins solides étaient menacées. En crise aussi et pour maintenir leurs positions, ses principaux concurrents, Cristal Union et Louis Sucre n’avaient pas attendu pour procéder à une restructuration dès 2020. « La baisse des volumes de betteraves impacte à la baisse la performance de nos usines, alors même que nous avons besoin d’investir pour les moderniser et les décarboner » justifie Christophe Lescroart, le directeur industriel de Tereos.

C’est donc bien le manque de betteraves qui est la raison principale de ces fermetures et non pas un problème de demande. Après un pic de production en 2017, la betterave a été frappée par les aléas climatiques et par des normes réglementaires jugées écrasantes. En 2017, les betteraviers produisaient 20 millions de tonnes et on n’annonce plus que 15 millions dans les années à venir avec pour conséquence, une surcapacité des usines. Enfin, avec l’abandon imposé par l’Union européenne des néonicotinoïdes, un insecticide permettant de lutter contre la jaunisse de la betterave certains exploitants ont préféré renoncer à replanter (en 2020, 30 % de la production avait été perdue) tandis que d’autres ont choisi de se tourner vers des cultures plus rentables, comme les céréales. La conséquence directe est une baisse sensible des surfaces, donc des betteraves. Les professionnels estiment qu’en 2023, la surface de betteraves pourrait reculer de 7 % (Cristal Union parle même de 10 %). A Escaudoeuvres, depuis un certain temps déjà, par manque de betteraves, la sucrerie ne fonctionnait que 30 à 50 jours par an. Or, pour assurer un seuil de rentabilité, il aurait fallu qu’elle puisse tourner entre 120 à 130 jours. « Il n’était pas possible de la conserver alors même que nous disposons, dans un rayon d’une heure, de plusieurs sites voisins à même d’absorber les volumes de betteraves d’Escaudoeuvres » souligne Christophe Lescroart. Quant à la distillerie (transformation de la betterave en éthanol), son fonctionnement trop réduit ne lui permettait pas d’assurer un rendement suffisant. Enfin, la mise en vente de l’amidonnerie se justifie par son côté « marginal » dans l’activité globale du sucrier et son peu de rémunération.

Ces fermetures sonnent comme un signal d’alarme pour un secteur en crise. Tereos est lourdement endetté et en dépit de la fermeture de plusieurs sites en 2020, Cristal Union n’est pas totalement à l’abri. Reste que l’annonce de Tereos n’est pas une bonne nouvelle. Invité de Sud radio peu de temps après, le ministre de l’Industrie, Roland Lescure a estimé qu’il n’était « pas normal » que le groupe sucrier Tereos ferme son usine d’Escaudoeuvres (Nord), alors qu’il « gagne de l’argent ». « J’ai envie de comprendre les chiffres, parce qu’à ce stade, une entreprise qui gagne de l’argent qui ferme une usine, je pense que ce n’est pas normal ». « Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils s’attendent à ce que la production de betteraves diminue dans les deux ans qui viennent et que pour cela ils comptent reconsolider leur production dans trois usines sur quatre », or a poursuivi le ministre « pour l’instant, la production de betteraves elle n’a pas baissé, pour l’instant, le fameux puceron, il n’a pas frappé ». « On crie au feu alors qu’on n’a pas vu une étincelle » a déploré Roland Lescure qui a rappelé l’engagement du gouvernement à soutenir les producteurs de betteraves. 

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