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Le respect du droit à l’image des enfants

Bruno Studer (RE, Bas-Rhin) a déposé une proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants. Le texte pointe les parents influenceurs qui utilisent les images de leurs enfants.

“On estime en moyenne qu’un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses compte propres, ceux de ses parents ou de ses proches” (1) note Bruno Studer dans l’exposé des motifs de la proposition de loi* qu’il a déposée avec plusieurs de ses collègues Renaissance et apparentés. Des chiffres qui interpellent et qui inquiètent. « Dans une société de plus en plus numérisée, le respect de la vie privée des enfants s’impose aujourd’hui comme une condition de leur sécurité, de leur bien-être et de leur épanouissement » poursuit le député qui entend bien avec son texte « garantir le respect du droit à l’image des enfants ».

Ce respect du droit à l’image des enfants met en exergue plusieurs sujets frayant avec des enjeux d’exploitation commerciale, de harcèlement et de pédocriminalité. Car « la société de l’image, ce sont également des traces, des photographies, des vidéos et d’autres informations personnelles que l’on destinait à des publics restreints, mais qui se retrouvent visibles du plus grand nombre, que l’on croyait éphémères, mais qui se retrouvent immortalisées dans les sédiments du cyberespace » insiste le député. Le député rappelle d’abord la difficulté à contrôler l’image d’un enfant exposé sur Internet. On estime que 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques – « les cercles pédophiles portent un grand intérêt aux bébés dénudés et aux jeunes filles en tenue de gymnastique » - avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux (1) A ces dérives nauséeuses et criminelles s’ajoutent des risques liés à la divulgation d’informations personnelles et/ou confidentielles comme des horaires, des agendas, des habitudes de vie qui pourraient permettre à des prédateurs sexuels d’agir. Enfin, au-delà du risque pédophile, les contenus mis en ligne sont aussi susceptibles « de porter préjudice à l’enfant à long terme, sans possibilité pour lui d’en obtenir l’effacement absolu ».

Le harcèlement est également ciblé par la proposition de loi qui juge qu’une exposition excessive des enfants au jugement de tiers sur Internet aux likes et autres appréciations « peuvent générer des problèmes psychologiques ». « Le cyberharcèlement y trouve un terrain fécond » dénonce Bruno Studer.

Rappelant avec insistance que les parents sont titulaires de l’autorité parentale, et à ce titre du droit à l’image de l’enfant, la proposition de loi s’intéresse tout particulièrement à la tendance en plein essor du sharenting (2) : la publication sur les comptes des parents de contenus relatifs à leurs enfants. Une tendance qui est loin d’être anodine dans une économie de l’influence (et de l’image) de plus en plus prégnante ; elle est même vue par les cosignataires du texte comme « l’un des principaux risque d’atteinte à la vie privée des mineurs ». Chez des parents influenceurs, cette dualité du parent protecteur et gestionnaire peut être à la source de nombreux conflits « en raison du gain financier, social ou émotionnel à tirer de l’exploitation de l’image de l’enfant » souligne avec inquiétude le député. Pour l’enfant, il peut y avoir aussi un risque d’un « conflit de loyauté » entre ses aspirations propres et la volonté de ses parents. L’étude citée dans l’exposé des motifs souligne que quatre adolescents sur dix trouveraient que leurs parents les exposent trop sur Internet (3).

Fort de ce constat édifiant et enfonçant le clou sur l’évidence (pas si évidente que ça visiblement) que c’est aux parents, titulaires de l’autorité parentale qu’il incombe de protéger l’enfant dans l’exercice de son droit à l’image, Bruno Studer souhaite « une loi de pédagogie avant que d’être une loi répressive ou sanctionnatrice ». « La gradation prévue dans les mesures susceptibles d’être prises en cas d’abus du droit à l’image de l’enfant par les parents traduit cette volonté, en partant du principe que la première responsabilité des parents, c’est de protéger l’enfant et ses intérêts. Ce n’est qu’en dernier recours que la puissance publique doit pouvoir se substituer aux parents, dans l’intérêt supérieur de l’enfant »


*Proposition de loi n°758 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants de Bruno Studer, Aurore Bergé, Eric Pouillat et des membres groupe Renaissance et apparentés

(1) Children’s Commissioner for England, “Who knows what about me ?”, 2018, p.2

(2) Rapports du National Center for Missing and Exploited Children. Depuis 2020, Europol et Interpol alertent sur la prévalence des contenus autoproduits par les jeunes ou par leur entourage dans les échanges pédocriminels (Cofrade, « Rapport conjoint alternatif. Sixième examen de la République française par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies », 2022, p. 24.).

(3) Sharenting en anglais : contraction de sharing (partager) et de parenting (parentalité)

(4) Microsoft, “Teens say parents share too much about them online”, 2019.


L’article 1er vise à introduire la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale. L’article 2 précise que l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur est exercé en commun par les deux parents. L’article 3 explicite les mesures que peut prendre le juge en cas de désaccord entre les parents dans l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur. L’article 4 ouvre la voie à une délégation forcée de l’autorité parentale dans les situations où l’intérêt des parents rentre en conflit avec l’intérêt de l’enfant dans l’exercice du droit à l’image de ce dernier.

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