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Une Armée de Terre modernisée et endurcie se construit aujourd’hui

Par François Cormier-Bouligeon, Député du Cher, Rapporteur du budget de l’Armée de Terre

Le tournant stratégique actuel exige une mobilisation complète des forces armées, économiques, industrielles et institutionnelles de la Nation afin de financer et d’assurer la hausse de l’activité et le renforcement du niveau des stocks des forces terrestres.

L’exercice budgétaire 2023 l’illustre parfaitement. Le budget opérationnel du programme Terre, doté de 1,88 milliard d’euros pour l’année 2023 participe à un budget de défense exceptionnel en hausse continue depuis 2018 et qui atteint aujourd’hui 43,94 milliards. Cela constitue une nouvelle marche de 3 milliards d’euros dont 213 millions de crédits supplémentaires pour l’Armée de Terre.

La loi de finances 2023 incarne ainsi la poursuite de la modernisation engagée par l’Armée de Terre. A titre d’illustration, 18 % de la cible Scorpion a été réalisée à fin 2022, et ce sera 25 % en 2023. Des commandes cruciales seront réceptionnées cette année, notamment 123 Griffon, 119 Serval et 22 Jaguar. Une étape décisive dans la préparation des forces terrestres renforcées sera franchie grâce à l’exercice majeur Orion 2023, conformément à la vision stratégique du Chef d’état-major de l’armée de terre. La remontée en puissance de l’Armée de Terre repose sur des ressources en hausse. Dans ce budget, une attention particulière a été portée au maintien en condition opérationnelle, avec une augmentation de 18 % des crédits par rapport à la loi de finances initiale 2022. Il est nécessaire de poursuivre les investissements dans le maintien en condition opérationnelle, car que les coûts d’entretien conjoints sont en nette augmentation, en raison d’un montant élevé des matériels en début et en fin de carrière. La hausse des crédits dédiés à l’entretien programmé des matériels contribuera à améliorer la disponibilité des matériels dont notre armée a besoin. La prise en charge depuis juillet 2022 du soutien du Griffon par le programme 178, le soutien simultané des parcs d’anciennes générations, les effets de l’inflation et la pérennisation du char Leclerc sont les principaux exemples de ce qui est permis par cette augmentation des ressources.

Il convient en autre de souligner les progrès réalisés par l’Armée de Terre en matière de recrutement et de fidélisation, après avoir rempli ses objectifs de recrutements en 2022. En effet, l’Armée de Terre est l’une des seules armées en Europe capable d’attirer 14.000 recrues chaque année. La fidélisation accrue des militaires a été soutenue par les efforts de l’Armée de Terre, additionnés à ceux de l’ensemble du ministère, dans le cadre du plan « famille Â» notamment. Une offre de formation innovante développée par l’Armée de Terre contribue également à la réalisation de ces objectifs. La récente ouverture de l’Ecole militaire préparatoire et technique de Bourges est à cet égard exemplaire. Elle permet aux élèves d’acquérir les compétences nécessaires pour les métiers en tension, comme la maintenance aéronautique et terrestre, les systèmes d’information et de communication, l’énergie et l’électromécanique appliquée. Le BTS cyber à Saint-Cyr-l’Ecole s’inscrit dans une démarche d’innovation similaire.

L’exercice budgétaire 2023 prend évidemment en compte le retour de la guerre en Europe. Le tournant stratégique qu’incarne la guerre en Ukraine a des conséquences budgétaires et opérationnelles considérables sur les forces terrestres. Ces implications se traduisent par des cessions de matériels déterminantes et de nouveaux déploiements ayant pour objectif de renforcer la posture dissuasive et défensive de l’Otan sur le flan est de l’Europe. L’effort consenti par l’Armée de Terre, dans ce contexte, doit être impérativement pris en compte et compensé. Il s’agit ici d’établir un équilibre entre l’aide apportée et la préservation des intérêts de nos forces terrestres. Mais soyons clair : l’aide apportée aux forces ukrainiennes contribue elle-même à notre propre défense. Dans ce contexte, les opérations Lynx en Estonie et Aigle en Roumanie montrent l’importance que la France attache à soutenir ses alliés. Elles permettent aussi d’améliorer l’interopérabilité de nos armées.

Alors que les contours de la future loi de programmation militaire commencent à s’esquisser, les premiers enseignements tirés du conflit en Ukraine participent à la définition des moyens à mettre en place à l’horizon 2030. Le conflit de haute intensité comme menace de premier ordre confirme le bien-fondé du durcissement de la préparation opérationnelle entrepris par l’Armée de Terre et la pertinence de la modernisation en cours.

Trois axes de réflexion sont à prendre en compte. Premièrement, nous devons augmenter nos stocks et acquérir des équipements qui permettront aux forces terrestres de gagner la guerre de ce soir, mais aussi celle de demain. Notre soutien à l’Ukraine, au travers de cessions de matériels directement prélevées sur nos parcs terrestres, a mis en lumière des capacités dimensionnées au plus juste. Il faut par conséquent saluer l’évolution du mode de soutien à l’Ukraine à travers la mise en place décidée par le Président de la République d’un fonds spécial de soutien doté de 200 millions d’euros. Ce fonds permet à l’Ukraine d’acheter directement auprès de la base industrielle et technologique de défense française le matériel nécessaire pour son effort de guerre. Réussir le triple défi du produire plus, plus vite avec un budget maîtrisé, nécessite de passer d’une logique de cession à une logique de production, tout en renforçant la réactivité des industriels français.

Deuxièmement, nous devons renforcer notre capacité à durer. C’est le but du groupe de travail « Economie de guerre et équipement du combattant Â» lancé par le Ministre des Armées. Il est indispensable de rechercher dès à présent une plus grande efficacité des soutiens couplée à une plus grande profondeur logistique. Par conséquent, une attention particulière doit être portée au « maintien en condition opérationnelle de guerre Â» dans les travaux en cours sur l’économie de guerre, sans exclure le rehaussement engagé du niveau de nos stocks de munitions. Nous ne pouvons non plus nous dispenser d’une réflexion sur le format des forces opérationnelles terrestres.

Enfin, nous devons raffermir la force morale de la Nation tout entière. L’objectif de doublement des réserves décidé par le Président de la République s’inscrit dans la nécessité de consolider notre indépendance énergétique, économique, sociale, industrielle, financière et stratégique et de renforcer notre capacité à continuer à construire notre Nation française dans les valeurs de la République.

En somme, l’Armée de Terre, en pleine modernisation, doit faire face à un nouvel objectif : la recherche d’un équilibre entre l’effort consenti dans le cadre de la guerre en Ukraine et la préservation des capacités des forces terrestres. La prochaine loi de programmation militaire apportera des éléments déterminants. Plus que jamais, la Représentation nationale est déterminée à apporter à nos armées les moyens nécessaires à protéger notre Patrie. â–