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Qu’est ce qui ne va pas dans le Bio ?

Après des années de croissance, la filière bio est confrontée à une baisse de la consommation. A qui la faute ?

L’âge d’or du bio est-il déjà derrière nous ? Après avoir connu une croissance à deux chiffres pendant plusieurs années, aujourd’hui le bio patine et a du mal à rebondir. « Après avoir atteint un pic de consommation et de vente en 2020, la consommation de bio est en stagnation, voire en baisse » reconnaissait le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau lors des Assises de l’agriculture biologique qui se tenaient fin 2022. Ainsi, selon les données recueillies par le paneliste IRI pour l’Agence Bio, les Français ont dépensé près de 12,65 milliards d’euros en 2021 pour acheter des aliments bio en magasins. Les chiffres révèlent une chute de 5 % des volumes de ventes en 2021 et de 10 % en 2022. Certains rayons comme la crèmerie, les œufs sont plus touchés, « alors que la vente directe et les artisans-commerçants restent dynamiques portés par des familles de produits comme le vin, la bière ou la boulangerie ». Les « déconversions » d’agriculteurs ont également augmenté en 2022 avec près de 1500 paysans qui ont quitté le bio (2,5 %). Les ouvertures de magasins spécialisés ne couvrent pas le nombre de fermetures. Et enfin le bio en restauration collective et dans les restaurants stagne. Tout ceci laisse un goût amer à une filière qui se cherche.

Pourquoi un tel désintérêt ? Même s’il ne faut pas non plus dramatiser relativise la filière, il apparaît que la crise est multifactorielle. La multiplication des labels et la confusion parfois savamment entretenue entre différentes approches du bio est sans aucun doute un facteur explicatif. Si le label AB est aujourd’hui bien connu des Français avec un cahier des charges contraignant gage de sérieux, respectueux de l’environnement et de la santé, l’apparition de nouveaux labels comme HVE (Haute valeur environnementale) ou « local » pas toujours aussi vertueux qu’ils voudraient le laisser paraître vient parasiter le message porté par la filière. Une confusion qui vient semer le doute chez le consommateur au point parfois de le pousser à se détourner du bio.

Autre facteur de désamour, le prix bien sûr. Et encore plus avec le coût de l’énergie et l’inflation galopante. A y regarder de plus près, on constate très vite que le prix de certains produits peut être très largement au-dessus du même produit en version « conventionnelle », le surcoût peut être de 20 à 100 % plus cher. Cela étant dit, rappelons que cette différence de prix s’explique par le coût lié aux respects des règles inhérentes au label qui génèrent des pertes de rendements. Reste qu’avec l’inflation, les Français sont souvent contraints à faire des arbitrages de prix ; l’aliment le moins cher l’emportera alors sur le bio. En grande surface, les ventes – tous produits bio confondus – ont reculé de 3,1 % entre 2020 et 2021.

Alors que l’on avait promis des rendements plus élevés aux agriculteurs se convertissant au bio, la baisse de consommation est venue rafraîchir les ardeurs. La volonté de pousser parfois à l’excès le passage d’exploitations au bio a eu pour conséquence de voir dans certains secteurs comme le porc, le lait, les œufs et les poulets l’offre supplanter la demande. Et les prix chuter. Aussi, dans certaines enseignes de la grande distribution, pour qu’un aliment bio soit acheté il a parfois été décidé de baisser les prix. Une politique commerciale promotionnelle qui n’est pas toujours du goût des producteurs qui craignent de voir les consommateurs perdre la notion de la réalité du prix du bio, des aliments plus chers à produire. La surproduction dans certains secteurs incite aussi les industriels à finalement acheter au prix du conventionnel un aliment bio. En 2021, plusieurs entreprises de collecte de lait Biolait, Sodiaal et Lactalis ont annoncé le déclassement d’une partie de la production du bio au conventionnel, avec des prix d’achat réduits pour le producteur. L’un dans l’autre, la difficulté de vivre de son travail et les contraintes liées à l’affiliation au label – il faut trois ans pour finaliser sa conversion –, des coûts élevés et une demande finalement pas à la hauteur des attentes, poussent les agriculteurs pas toujours convaincus à se déconvertir. « On devrait enregistrer 5000 nouvelles installations et conversions au bio cette année contre 1500 arrêts d’activité » précise Laure Verdeau, la directrice de l’Agence Bio, chargée du développement et de la promotion de l’agriculture biologique en France. Interrogée par le Figaro, elle poursuit : « le solde reste positif, mais le nombre des exploitations bio en France, près de 60 000 au total n’augmente que de 8,5 % contre 14,57 % l’an dernier ». Un phénomène de déconversion qui « tracasse » le ministre Fesneau qui sait bien que « ces agriculteurs ne reviendront pas dans le bio ».

Pour la filière, une solution serait de s’orienter toujours plus vers la restauration collective et commerciale qui recèle un fort potentiel de croissance (aujourd’hui le hors domicile ne pèse que pour 5 % des ventes du secteur). Dans les cantines, le bio ne compte que pour 6 % alors que la loi EGalim de 2018 avait fixé un objectif de 20 % pour 2022. « L’atteinte de cet objectif représente un potentiel de ventes additionnelles de 1,4 milliard d’euros » souligne au Figaro Laure Verdeau. Dans les restaurants, le bio représente 2 % des aliments et encore surtout dans le vin. « Si l’on passait à 10 %, ce serait environ 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires potentiel en plus » rêve la même. Sauf qu’ici aussi le coût des aliments bio peut être très vite un frein. 

2 776 553 ha Surfaces bio en 2021
10,3 % Part des surfaces bio dans la surface agricole française
58 413 Fermes engagées en bio en 2021
13,4 % Part des fermes françaises engagées en bio
13 milliards € Valeur du marché BIO en France en 2021 / -1,3 % / 2020
6,6 % Part bio de la consommation alimentaire des ménages
609 millions € Achat bio de la restauration (HT)
377 millions € en restauration collective
232 millions € en restauration commerciale
31,9 % Taux d’import des produits bio

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