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Dans le Bio, c’est label contre label

Le 23 janvier dernier, UFC-Que Choisir, la Fédération nationale d’agriculture bio et plusieurs associations ont attaqué devant le Conseil d’Etat le label Haute Valeur Environnementale (HVE) qu’ils accusent de « tromperie ».

“Le label HVE est contraire au droit français depuis 2011”. Dans l’agriculture biologique la guerre est déclarée entre labels « concurrents » et pratiques commerciales « douteuses ». Déjà larvées depuis plusieurs années, les hostilités ont été déclenchées le 23 janvier dernier avec la saisie du Conseil d’Etat par un collectif composé d’associations de défense des consommateurs, de l’environnement et de la santé, d’agriculteurs et d’entreprises biologiques (1) bien décidé à mettre fin à cette « tromperie » du consommateur et « au greenwashing entretenu par cette mention ».

Créé par l’Etat en 2011 à la suite du Grenelle de l’environnement, le label Haute valeur environnementale (HVE), sans être un signe officiel de qualité se présente toutefois comme une garantie que les pratiques agricoles d’une exploitation « préservent l’écosystème naturel et réduisent au minimum la pression sur l’environnement (sol, eau, biodiversité…) ». Comme un permis à point, le label est délivré après l’obtention d’un certain nombre de points dans quatre secteurs (biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation et de la ressource en eau) mais avec une possibilité de « compensation » entre l’un ou l’autre des critères. Le label HVE se voulait peut-être aussi être une forme d’intermédiaire entre le « conventionnel » et le label « AB » largement plus contraignant. Mais cet « entre-deux » n’est guère satisfaisant et apporte probablement plus de confusion que de simplicité et d’éclairage pour le consommateur. C’est en tout cas la position défendue par les requérants qui s’appuient sur de récents rapports de l’Office français de la biodiversité et de l’IDDRI qui tendent à démontrer que « le contenu du label HVE n’était pas plus exigeant que la moyenne des pratiques agricoles françaises », et qui viendrait au fond parasiter le label « AB ». Le collectif reproche notamment au logo HVE de ne pas respecter les règles environnementales de base de la Politique Agricole Commune mais « plus grave » d’autoriser l’utilisation d’intrants chimiques comme des engrais et pesticides de synthèse « particulièrement néfastes pour l’environnement ou pour la santé humaine ». Une hérésie pour le collectif. « Ainsi, des aliments ayant été produits avec des substances perturbatrices du système endocrinien, pouvant être cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques possibles ou des produits polluants des eaux, ou ayant des effets délétères pour la biodiversité restent autorisés. Plutôt étrange pour une mention qui prétend être de Haute Valeur Environnementale » s’emporte Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations futures. Et même si le gouvernement a récemment modifié « à la marge » le référentiel du label agricole « Haute Valeur Environnementale », les partisans du label « AB » ne sont pas plus rassurés. « La HVE n’a jamais eu comme réelle finalité d’avoir une performance environnementale élevée. Si cela avait été le cas, le référentiel aurait été bien plus ambitieux. Il aurait pu amener a minima les agriculteurs à réfléchir à leurs pratiques avec l’espoir de les faire changer. Le problème c’est qu’en l’état actuel, et alors qu’il est de plus en plus apposé sur les produits, il n’est qu’un label trompeur pour les consommateurs et les citoyens en général qui y voient, par méconnaissance, un modèle agricole ayant un impact positif pour l’environnement » insiste Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Des propos alarmistes qui sont étayés par une enquête Interfel de 2022 sur les fruits et légumes bio qui montre que 55 % des personnes interrogées croient que le label HVE est soumis à un cahier des charges strict, 48 % que les fruits et légumes HVE sont strictement contrôlés et 44 % qu’on peut faire 100 % confiance aux fruits et légumes HVE. « Ces chiffres sont bien la preuve que le consommateur est dupé par la mention même, cela doit donc cesser au plus vite » conclut le collectif qui attend de pied ferme la décision du Conseil d’Etat. 


(1) UFC-Que Choisir, Générations Futures, Agir Pour l’Environnement, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), Syndicat National des entreprises de l’agroalimentaire bio (Synabio), Bio consom’acteurs, Réseau Environnement Santé.

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