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Les ponts des soupirs

Trois ans après un premier rapport sur l’état des ponts en France qui n’a eu que peu de suites, le Sénat revient sur le sujet et sur la nécessité de dresser un inventaire des ouvrages et de procéder aux travaux d’entretien.

En juin 2019, après la catastrophe du pont Morandi de Gênes, le Sénat avait conféré à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable les pouvoirs d’une commission d’enquête pour évaluer notre politique de surveillance et d’entretien des ponts routiers. Le rapport de Patrick Chaize et Michel Dagbert avait alors alerté sur l’état préoccupant de nos ponts routiers et fait une série de propositions, plaidant pour « un plan Marshall » pour l’entretien des ponts. Trois ans plus tard la commission a chargé Bruno Belin de tirer un bilan de la mise en œuvre de ces propositions et de prolonger ce travail par des recommandations complémentaires, ayant vocation à nourrir une proposition de loi*. Usant de ce droit de suite, le sénateur de la Vienne n’a alors pu que constater que « le compte n’y est toujours pas ». Si en 2019, les rapporteurs de l’époque parlaient de 25 000 ponts « en mauvais état structurel posant des problèmes de sécurité et de disponibilité pour les usagers », trois ans plus tard, « ce chiffre doit malheureusement être réévalué à la hausse ». Bruno Belin parle désormais de 30 à 35 000 ponts « en mauvais état structurel », soit 10 % des ponts départementaux (environ 10 000) et 23 % des ponts communaux (environ 23 000).

En 2019 toujours, les rapporteurs n’avaient curieusement pas réussi à connaître le nombre exact de ponts routiers en France et avaient estimé leur nombre entre 200 000 et 250 000. En 2022, il était toujours impossible d’en connaître le nombre. Seuls 30 % seraient véritablement identifiés. Or, pour le sénateur Belin, « il faut que l’on ait un vrai recensement ». « On a quand même aujourd’hui plusieurs milliers d’ouvrages orphelins, on ne sait pas officiellement à qui ils sont », « ce qui est un souci lorsqu’il faut procéder à leur entretien » s’agace-t-il. Et justement, Bruno Belin plaide, comme en 2019, pour que chaque pont ait son « carnet de santé » permettant de suivre son état structurel et les travaux à mener. Aujourd’hui, ils sont seulement 55 % à en posséder un.

Le rapport Belin déplore également « des moyens insuffisants, dispersés et peu lisibles » pour répondre aux rénovations nécessaires et pour certaines urgentes des ouvrages. « Le retard accumulé depuis 2020 » s’élèverait à 350 millions d’euros par rapport aux recommandations de 2019 souligne le sénateur qui insiste : « Aussi, seuls 300 à 500 ouvrages parmi les plus sensibles devraient pouvoir bénéficier d’une étude approfondie, soit seulement 3 % des ouvrages les plus dégradés ». Autre regret, celui de voir qu’aucun financement n’est prévu pour accompagner les collectivités qui en ont besoin pour procéder à des travaux de réparation et de reconstruction de leurs ponts routiers.

« Pour faire face à ce chantier du siècle et planifier l’entretien et la réparation des ouvrages d’art dans la durée », le sénateur milite pour une proposition de loi qui viendrait définir un nouveau cadre juridique et pérenniser un budget. 


*Sécurité des ponts, face au « chantier du siècle », l’urgence d’une action publique plus ambitieuse – juin 2022


30 à 35 000 ouvrages seraient en mauvais état structurel.

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