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Fin des dérogations autorisant les néonicotinoïdes, la surtransposition des règlements européens achèvera notre agriculture

Par Pierre Louault, Sénateur, Président du Conseil de surveillance de la betterave*

Le 19 janvier dernier, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que les dérogations d’utilisation de semences traitées aux néonicotinoïdes n’avaient pas lieu d’être. Cette décision a été rendue à la veille de la réunion du Conseil de surveillance que je préside, et qui devait éventuellement acter une dérogation d’un an supplémentaire, afin de permettre aux betteraviers de prémunir leurs cultures de la jaunisse.

En 2020, première année sans néonicotinoïdes, les résultats de la campagne de production ont été fortement impactés avec des rendements inférieurs à 30 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes à cause de l’invasion de pucerons qui transmettent la jaunisse. Suite à cette récolte catastrophique une loi a été votée afin de permettre la mise en place de dérogations pour trois années.

Il faut rappeler également que la culture de la betterave en France représente environ 45 000 emplois (dont 26 000 planteurs) et classe le pays à la première place européenne de production de sucre. Les enjeux économiques sont donc très importants.

Le conseil de surveillance que je préside à deux objectifs, le premier est de statuer sur les dérogations, en émettant un avis favorable ou défavorable chaque année, le deuxième est de réfléchir, étudier et développer des solutions alternatives aux néonicotinoïdes. Si des solutions seront très certainement mises au point, il faut avouer que trouver des alternatives en trois ans, relevait d’une mission impossible.

Aujourd’hui, avec cette interdiction de dérogation pure et simple, les producteurs se retrouvent donc dans une impasse, avec un grand risque de voir leurs cultures atteintes pour cette campagne 2023. Nous pourrions chercher des responsables à cette situation catastrophique pour notre industrie mais le mieux est d’en tirer une leçon pour que ne se reproduise pas indéfiniment ce problème très français.

La France est aujourd’hui le seul pays européen à interdire l’ensemble des néonicotinoïdes. Une fois de plus, notre pays a surtransposé les règles européennes alors que nos voisins européens pourront eux pulvériser des néonicotinoïdes sur leurs cultures de betteraves. La France, par une décision de Ségolène Royal et Barbara Pompili datant de 2016, a interdit toutes substances issues des néonicotinoïdes, sans considération pour leurs toxicités respectives et un système dérogatoire qui s’éteignait en 2020. Le Parlement européen n’interdira que trois substances en 2018, un système plus souple que la décision française de 2016.

En voulant laver plus blanc que blanc depuis de nombreuses années, la France a mis ses agriculteurs en danger et envoie un message négatif à la profession. Comment reprocher aux agriculteurs de vouloir jeter l’éponge et de ne plus avoir confiance en l’Union européenne ? Comment donner confiance aux jeunes qui voudraient s’engager dans cette voie ?

Comment retrouver une souveraineté alimentaire sans avoir des règles de production compatibles avec la concurrence internationale et européenne. 


*Président du Conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes.

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